Rien ne nous en apprend plus sur un auteur que d’examiner le lieu où il travaille. Si quelques scénaristes se vantent de pouvoir écrire n’importe où, la plupart d’entre eux ont besoin de se réfugier dans un lieu dédié. C’est dans ce sanctuaire qu’ils passent de longues heures solitaires à créer leurs histoires, coupés du reste du monde. Je vous propose de découvrir, à travers cette nouvelle rubrique, les bureaux de quelques scénaristes français(e), mais aussi leurs méthodes, leurs routines d’écriture…
Pour cette nouvelle édition, c’est mon confrère Elie-G. Abécéra (que je remercie ) qui a accepté de nous ouvrir la porte de son bureau…
Scénariste et producteur, membre de la Guilde Française des Scénaristes, Elie-G Abécéra a officié en tant que formateur lors de stages pour le Cifap, dans le cadre d’échange interculturels francophones en Haïti, ou pour l’association Séquences 7. Il a créé l’Atelier du Scénario, afin de proposer aux jeunes auteurs deux types de coachings d’écriture.
Depuis combien de temps travaillez-vous comme scénariste ?
Vingt-trois ans.
Ahem.
Il faut répondre autre chose à cette question ?
(J’ai l’impression d’être Eva Joly, là, à faire si court.)
(23 ans, donc.)
Travaillez-vous dans un coin de votre habitation ou dans une pièce dédiée ?
Dans une pièce dédiée. Obligatoire. J’ai toujours eu une pièce dédiée, ça tient de mes jeunes années où j’habitais un studio dans lequel je faisais tout : manger, dormir, travailler, faire l’amour, recevoir des amis, écouter de la musique, et pas forcément dans cet ordre ni en même temps, mais quand même. Du coup, oui : dès que j’ai pu avoir une pièce dédiée, j’ai pris. D’abord, ça me donne l’impression de faire mon métier sérieusement. Puis, j’aime bien que ma concentration et mon champ de bataille perso soient réunis dans un seul endroit où je peux me réfugier, ou que je puisse au contraire fuir et abandonner derrière moi, c’est selon.
Pouvez-vous décrire ce bureau ?
Une pièce assez petite (15 m2), que je partage avec mon amoureuse, qui elle-même, écrit. Je fais face au mur, elle aussi, mais un autre mur, alors nous nous tournons le dos, ce qui est parfait pour s’isoler – j’aurai du mal à travailler à côté d’elle, ou en face, par exemple. Cette pièce est éloignée de tout, c’est la dernière de notre appartement, tout au fond. J’aime bien ce côté « antre ». Une seule, mais grande fenêtre, donnant sur une minuscule cour intérieure, peu de distraction, nous sommes au rez-de-chaussée.
Avez-vous choisi un espace neutre ou êtes-vous contraire entouré d’objets et souvenirs ?
Cette pièce est remplie de mes repères, donc, pas neutre ; en fait, elle est même carrément surchargée : bibliothèque, DVD-Bluraythèque (1200 films, organisés dans des classeurs pour gagner de la place – j’ai jeté les boîtiers plastiques), dossiers, notes, tableaux, un énorme liège pour punaiser tout ce que peut punaiser un scénariste quand il travaille. Et puis, comme je fais aussi de la musique, c’est aussi mon home-studio, avec plein d’instruments dans tous les coins. Sur le mur, devant le bureau de Marie (que vous ne verrez pas, intimité oblige), il y un immense rideau de douche transparent à poches dans lesquelles on a glissé un milliard et demi de photos, cartes postales, objets divers.
A ce propos, c’est assez dingue, je viens de voir les photos qui vont compléter l’interview, bon sang, je n’avais jamais remarqué à quel point elle pouvait être bordélique, ma tanière ! C’est fou, je découvre ça… Et pourtant, je suis quelqu’un de soigneux, de pas trop bordélique, au contraire, le reste de l’appartement, même s’il est chargé, est plutôt ordonné et propre.
En fait, mon bureau se résume pour moi en réalité à ce que j’ai le plus souvent sous les yeux, c’est pour ça que je vous ai fait cette photo en plongée : mes iPod, mon Mac, mes quelques babioles jolies qui ont toute une histoire, mon zapbook (obligé, j’en parle plus loin), mes mini-enceintes et puis mon stylo. Du coup, c’est sans doute pour ça que j’ai l’impression que c’est zen et clean…
Etes-vous capable de travailler hors de cette « tanière » ?
Oui, parfois dans le salon, mais c’est surtout pour réfléchir et noircir du brouillon. En fait, je ne suis bien que chez moi pour écrire. Ceci dit, il m’est arrivé d’écrire partout, tout le temps, lorsqu’il y a des trucs à rendre alors qu’on est un peu loin, ou en week-end à la campagne, ou même en vacances, en Corse ou ailleurs – la punition, pendant que les copains vont passer la journée à la mer, argh. Ceci dit, c’était mes années naïves. Maintenant, je refuse de bosser en vacances – ou alors, c’est sur des projets perso, et alors là, c’est tout-à-fait différent.
Travaillez-vous parfois dans des lieux publics ?
J’ai tenté les cafés, je m’y plie assez bien, mais ce n’est pas ma préférence. D’abord, je crois que je ne suis plus aussi exhibo qu’avant. J’ai besoin d’une certaine intimité pour écrire. Oui, c’est un acte vraiment intime, comme les actes d’amour très importants, et ce, quoique j’écrive – projet perso ou commande. Et puis, souvent, j’interprète les séquences, comme un gamin qui joue, qu’elles soient dialoguées ou seulement séquencées. Soit pour essayer des choses et les confronter à la réalité – les sortir de ma tête pour mieux les expérimenter en les plaçant en face de moi -, ou tout simplement parce que je suis dedans à fond. Je dois être le scénariste le plus cartoonesque du monde, je me surprends à avoir la mine de ce que je suis en train d’écrire, triste, en fureur, joyeux, ému. Du coup, travailler en public, ça me gêne, forcément.
Et puis, j’ai souvent besoin de faire les cent pas lorsque j’hésite ou je réfléchis, comme les péripatéticiens (dont Aristote), qui philosophaient en marchant. Et ça, dans un café, à moins de ne pas avoir peur de passer pour le débile léger du coin, c’est pas possible…
Etes-vous satisfait de votre bureau et/ou l’organisation de vos journées de travail. Si la réponse est non, qu’aimeriez-vous pouvoir changer?
C’est un vrai dilemme, parce qu’entre ce qu’on est et celui qu’on aimerait être, il y a souvent un décalage. Oui, j’aime mon bureau, mais si j’avais la place, il serait un immense truc de 4 par 3, avec plein d’espace pour poser des piles de bordel. Ma place – l’endroit où je suis pour travailler, je ne parle pas de la pièce en elle-même – est finalement ridiculement petite : je dois être sur deux mètres carrés, pas beaucoup plus. Donc, oui, je changerai ça, déjà.
Travaillez-vous à horaires fixes ?
Ça, c’est l’autre chose que je changerai. Je ne crois pas aux histoires d’inspirations, c’est joli, laissons croire qu’il y a des bonnes fées, mais je suis de plus en plus persuadé qu’il s’agit davantage d’auto-autorisations à s’envoler. Moi, j’ai besoin d’élan, je prends du temps pour ça, et c’est incompressible – ça fait partie de mon fonctionnement. Par contre, une fois que je suis en l’air, il faut être très fort pour me tirer au sol. Et donc, pour répondre à votre question, les histoires d’élan, ça ne passe pas, chez moi, par un exercice quotidien et ponctuel, mais par des périodes de procrastination suivies de périodes de travail très concentré et ultra-intensif. J’adorerai ça, « être nordique », faire comme certains très grands, être devant son traitement de texte de 9 à 12 puis de 14 à 17, mais je n’arrive pas à m’imposer cette rigueur-là. La seule rigueur à laquelle je ne déroge pas, c’est que je ne débande jamais. Lorsque je suis sur un projet, je vis avec, partout, tout le temps, tant que le travail n’est pas livré. C’est épuisant, mais il y a des avantages, et le premier, c’est d’être tellement en synergie avec le sujet que tout ce qu’on finit par produire est dans sa vérité et que la partition ne peut plus jamais être fausse. Et puis, de toute façon, j’ai beau me raconter ce que je veux, je ne sais pas faire autrement. Moralité : sachons qui nous sommes, assumons-le, et aimons ça.
Combien de temps de travail en moyenne par jour ?
Tout dépend ce qu’on appelle « travail ». Mes périodes de prise d’élan, de réflexion, sont aussi du travail. Je ne suis pas au travail uniquement quand je tripote les touches de mon clavier.
Et puis, il y a aussi toute la partie « recherche » qui est passionnante et chronophage, mais indispensable pour certains projets (voire, tous). J’ai ma carte de « chercheur » à la BNF, et j’y passe d’excellents moments, rien qu’en regardant des émissions (dans la partie INAthèque) ou consultant des bouquins. Et ça aussi, ça fait partie du boulot.
Mettons, pour répondre à votre question, qu’il s’agit d’un temps plein. Mais vraiment plein.
Préférez-vous travailler seul ou avec un co-auteur ?
En ce moment, je travaille seul, mais parfois, il m’arrive de travailler avec des co-auteurs, fonction de ce que veulent les prods (certaines exigent que les projets soient développés en binômes), ou de ce que sont les projets. J’ai monté ma petite structure de production avec Antoine Cupial, qui est un jeune auteur (mais plus tout-à-fait un padawan), avec qui j’ai sous le coude un paquet de projets de séries. Ce garçon a 118 idées à la seconde, le mental et l’humilité qu’il faut, il mérite vraiment de faire une belle carrière. (C’est un appel à peine déguisé aux producteurs de tous poils).
Etes-vous plutôt Mac ou PC ?
Mac addict. Depuis 1986, j’ai eu un MacPlus, un Mac SE30, un Mac LC III, un Performa, un clone de Mac (du temps de Gilbert Amelio, pire CEO de la boîte), un G4, un G5, un iMac Boule et maintenant, un MacPro, sans compter les Powerbook (Duo, iBook orange, etc), je pourrais monter un musée. J’ai même gagné un Apple Newton – que j’ai revendu fissa : la reconnaissance d’écriture à l’époque, c’était pas ça, on écrivait “murmure”, il traduisait “bigoudi” !
Utilisez-vous un logiciel d’écriture ? Si oui lequel ?
Word, bien obligé, comme tout le monde, pour pouvoir donner des documents éditables, pour tout ce qui est concept de série, bibles de personnages, tout, sauf dialogues…
Final Draft, classique, fabuleusement simple, il n’y a QUE ce qui compte pour les scénaristes, pas besoin de lire de documentation, tout fonctionne d’instinct, c’est parfait.
Together pour grouper les notes autour d’un projet, sous toutes leurs formes. On peut ainsi rassembler et consulter des pages web, des films sous tout formats, des images, des PDFs, et aussi créer et consulter des pages de traitement de texte, tout ça dans le même logiciel. Ultra-pratique.
Enfin, MindNote Pro, pour faire des organigrammes, toujours indispensable pour noter à la volée le développement de ses idées. C’est la manière la plus naturelle d’écrire sa réflexion, car à la vérité, on ne pense jamais linéairement, mais bien dans le désordre. Ça permet donc d’écrire « dans le désordre », tout en ordonnant immédiatement son désordre, si vous préférez. Qui plus est, cette manière de noter permet de mieux surfer sur sa réflexion et donc, d’être encore plus prolixe. C’est Antoine qui m’a fait découvrir ce logiciel (en fait, un autre version du programme, gratuite, celle-là, mais moins stable à mon expérience), ça me semblait très gadget, j’étais à deux doigts de me foutre de lui (« Oh le gros geek ! », tout ça), mais en réalité, je ne pourrais plus m’en passer maintenant. Parfait. Réellement utile.
Jusqu’à combien de pages utiles pouvez-vous écrire par jour ?
ll m’est arrivé d’en faire vraiment beaucoup (une quarantaine, si, si, quarante utiles). Et parfois, rien. C’est dingue, ces histoires d’auto-autorisations. C’est un combat de tous les jours. Mais il ne faut jamais lâcher, toujours être sur la brèche, c’est ça le secret.
Avez-vous besoin de faire des pauses à heure fixe ?
Non. Reste que je préfère travailler aux heures ouvrées, c’est compliqué pour moi de travailler au-delà de 19 heures, j’ai l’impression d’être à la punition, même si ça m’arrive souvent en ce moment. Ecrire, c’est une respiration. Il doit y avoir les moments in et les moments off.
Travaillez-vous dans le silence total ? En musique ?
Musique ! Toujours. J’ai quatre iPod classic remplis à ras-bord, essentiellement du rock indé, un iTune en adéquation, et des mini-enceintes incroyablement excellentes. J’ai aussi investi dans un casque qui m’isole totalement du bruit extérieur.
Avez-vous un ou des compagnon(s) d’écriture à quatre pattes ?
Lolita. « Choupette » pour les intimes.
Horriblement pas du tout chat de scénariste. Elle ne vient jamais avec vous lorsque vous écrivez, elle a fait ça deux fois quand elle était petite. Elle ne se roule jamais dans un coin du bureau lorsque vous êtes devant l’ordinateur. Ma déception est immense. Heureusement qu’elle est câline et sympa. Elle nous lèche les jambes quand on sort de la douche et qu’on est mouillés, elle voue une curiosité sans bornes au fond des chiottes lorsqu’on tire la chasse, et en ce moment, elle nous offre des plumes et des tiges de feuilles.
Vous coupez-vous du reste du monde ou restez-vous connecté à votre entourage (mail, téléphone, Twitter, Facebook…) ?
Jamais coupé du monde, trop de solitude dans ce métier. C’est du reste essentiellement pour ça que beaucoup d’écrivains et de scénaristes ont des chats. Un chat, c’est ce qui divise la solitude par deux. Bon, sauf le mien, il s’en fout, que j’écrive ou que j’épile les tartes aux quetsches. De plus, j’ai besoin d’être dérangé, d’être déconcentré, lorsque je suis trop à ce que je fais, je merde. Enfin, ça dépend où j’en suis. Parfois, j’ai besoin d’être ultra-focus, d’autres fois, non. J’ai une petite balle en tissu qui rebondit avec laquelle je joue lorsque je réfléchis. Ou alors, je fais des tourneries avec ma basse, sans la brancher. Ou encore, je fais 842 kilomètres dans mon appartement. Toutes ces diversions m’évitent de me noyer dans des verres d’eaux, ce qui m’arrive quand je suis trop à fond. En réalité, tout ça est une histoire de moments. Il y a plusieurs moments dans le travail d’un scénariste, comme il y a plusieurs moments dans celui d’un auteur-compositeur, interprète. Ces moments différents, qui, assemblés ensemble font l’occupation de “scénariste” (ou “chanteur”, ou “pharmacien” ou “magasinier”) sont aussi des univers différents. Quand je réfléchis, j’ai besoin d’être, dans ce moment, pas trop concentré. Quand j’écris, par contre, une continuité, c’est autisme maximum.
Mes autres à côté : j’ai plongé dans Facebook, pas dans Tweeter. Je suis membre de la Guilde des Scénaristes, donc, je communique avec mes petits camarades scénaristes via la mailing-liste interne. Et puis, comme je suis amateur de très haute fidélité, je parcours un ou deux forums audiophiles.
Avez-vous des rituels d’écriture ?
Jamais sans mon Zapbook. De gros cahiers généreux, de papier brut, épais, sans lignes, qui m’accompagnent presque toujours. J’adore prendre des notes au stylo. J’ai bien deux gros stylos MeisterStrück – les stylos Mont-Blanc -, avec l’encre et l’étui en cuir, très beaux, mais en fait, je n’utilise quasi-exclusivement que des bêtes Reynolds InkGel .7 en plastique, noirs ou bleus. Je garde consciencieusement ceux que j’ai vidés.
J’aime bien les rituels, c’est mon storytelling à moi.
Utilisez-vous une méthode particulière (tableau, fiches, cahier…) ?
Mon zapbook, mon grand tableau de liège, mes Post-It et mes 8000 punaises, sinon, non, je suis comme tout le monde…
Prenez-vous beaucoup de notes ? Comment les organisez-vous (carnet, notes volantes, logiciel…) ?
Il y a d’abord les notes à la volée, à la main, sur mon Zapbook. Je trouve que le rythme de l’écriture manuelle (avec un stylo) est le plus naturel et suit beaucoup mieux le flux de la pensée lorsqu’on réfléchit. A chaque prise de notes, j’écris en haut de page le nom du projet, la date, et les personnes présentes (si c’est le cas). Et je laisse aller le stylo.
Enfin, je recopie ces notes sur le Mac, je les rassemble, les organise, ça vient après, ça me permet de les relire, de faire un premier tri. Puis, je cherche de la doc, soit à la BNF, soit sur le net (Gallica.fr, ou les Wiki, que je vérifie toujours parce que Wikipédia, c’est sympa, mais c’est pas ultra fiable).
Puis, je rassemble ça (notes, PDFs, images, vidéos, etc) par projet avec “Together” – voir plus haut.
Enfin, lorsque je commence à travailler sur l’histoire ou les personnages – lorsque l’écriture commence -, alors là, j’utilise MindNotePro…
J’ai bien un micro et l’application MacSpeech Dictate, qui permet d’écrire ce que vous dictez, mais c’est pas si simple, ça me force à faire des phrases. Je veux dire, faire des phrases en écrivant, c’est autre chose, on a le temps. Mais en parlant, il faut être au point tout de suite, sujet verbe complément et moi, je me mélange les pinceaux, ça me panique un peu. Du coup, même si c’est séduisant, je ne suis pas encore sûr avec ce matériel.
Pour revenir sur les notes, j’ai appris qu’avec le temps, écrire un film tient en ces quelques mots magiques : préparer un maximum, écrire au dernier moment. Ne pas s’user, faire monter l’envie au maximum. La fraîcheur, c’est notre richesse la plus grande.
De fait, j’écris souvent le film dans ma tête, avec mes tonnes de notes, avant de passer à l’action, même si je suis capable de faire plein de versions après si besoin, peu importe, je ne rechigne pas au boulot. Mais l’impulsion première doit être la bonne.
Comment trouvez-vous l’inspiration ? Musique, photos, films ?
Je dois dire que rien que poser un sujet qui vous branche, et passer du temps à la BNF en recherche (ou sur le net, mais ça n’a pas le même charme) est déjà une source énorme d’inspiration. Pour une recherche sur un seul sujet, je repars en définitive avec au moins trois autres idées pour des projets…
Et puis, je regarde énormément de films, de séries.
Avez-vous besoin de « carburants » (thé, café, tabac, nourriture…) ?
J’ai eu quelques gros pépins de santé, les trucs qui arrivent à la quarantaine quand on fait pas gaffe. Donc, il y a « avant » et « après ».
« Avant », c’était clope et excellents whiskies – grands Bowmore, Lagavullin hors d’âge, etc. -, je ne suis jamais tombé dans l’alcoolisme, par contre. Et café.
Maintenant, c’est plutôt thé, café, mais pas trop.
Mon principal carburant, c’est l’envie, en fait. Et la musique. Donc, ça va, c’est pas nocif, je n’ai pas perdu au change.
A quel moment et dans quel lieu pratiquez-vous le mieux le brainstorming ?
Dans mon lit, avant de m’endormir ou au réveil, avant d’avoir ouvert la bouche. Et puis, souvent en regardant des films ou des séries. J’ai souvent mon zapbook à portée de main, ça m’aide à m’autoriser, de voir ce que les autres font. Je ne suis pas en train de dire que je copie ce que je vois, du reste, ce que j’écris dans ces moments là n’a souvent aucun rapport avec ce qu’il y a sur l’écran.
J’aime bien aussi marcher (on y revient) dans Paris.
Avez-vous déjà été frappé par le writer’s block ? Si oui, quelle est votre recette pour en sortir ?
Pas de recette parce que je ne sais pas ce que c’est. Par contre, une idée que je n’applique pas, mais qui m’avait été soufflée par une de mes élèves : le matin, ce qu’elle fait, c’est qu’elle écrit deux paragraphes, dans un cahier spécial réservé à ça et uniquement à ça. Qu’importe ce que racontent ces paragraphes, ils ont même le droit d’être tout pourris, leur utilité n’est pas littéraire ni scénaristique, mais servent uniquement de “dégrippage”.
Une fois ces quelques lignes matinales écrites, elle affirme qu’elle se sent davantage à même d’aborder l’écriture. J’ai trouvé ça très parlant.
Avez-vous un ouvrage culte traitant de l’écriture ?
J’ai beaucoup de respect et d’admiration pour les théoriciens du scénario. Comme en musique, il y a le solfège, les traités d’harmonie et de rythmique, et puis l’art, en scénario, c’est pareil. Les théoriciens n’inventent rien, mais ils donnent des noms à ce qui existe et les rangent dans des cases. C’est une richesse incroyable pour nous tous. Je parle des Lavandier, des Truby, des Jean-Marie Roth. Scénariste, c’est un vrai métier, et ces gens-là l’affirment haut et fort. Qui en douterait maintenant, certes, mais il y a ne serait-ce que quinze ans, l’effet de mode aidant, tout le monde se targuait de pouvoir écrire des films. Personnellement, j’ai mis au moins dix ans avant de me considérer scénariste – et oser revendiquer cela comme étant mon métier.
Certes, il n’est pas nécessaire de connaître le solfège pour faire de la musique, mais on ne peut pas ignorer tout ce qui s’y rapporte.
Qui est votre scénariste fétiche ?
Alan Ball a fait très très fort avec Six Feet Under, évidemment. On n’avait jamais vu ça avant lui.
Sinon, j’ai adoré la structure du Prophète (Abdel Raouf Dafri, Jacques Audiard et Thomas Bidegain), très écrit, très rigoureux. Et en même temps, je tombe complètement sous le charme de Tournée (Marcelo Novais Teles et Raphaëlle Valbrune, Philippe Di Folco et Mathieu Amalric), qui est un film ultra-envoûtant tellement il semble libre.
Et puis, il y a aussi des choses sans nom que j’adore, telles le superbe Enter The Void (Gaspard Noé et Lucile Hadzihalilovic). J’aime beaucoup de choses différentes, du coup, je n’ai pas vraiment de scénaristes fétiches, ou alors trop.
Ah si, j’adore Toto le Héros. Le scénario, qui a été script-doctoré par Frank Daniels, est une pure merveille de dentelle (Jaco Van Dormael, Laurette Vankeerberghen, Pascal Lonhay, Didier De Neck).
Qu’aimez-vous faire quand vous ne travaillez pas ?
Regarder des films.
Me balader avec mon amoureuse, faire les musées.
J’ai acheté récemment une PS3 pour regarder les BluRays, et du coup, je commence à jouer. Mais je veille, il n’est pas dit que je vais devenir geek ou otaku…
Quelle est votre actu ?
Une série pour France 2. Et puis, un projet pour l’international en 13×52, pour je ne sais pas encore qui, mais avec Pampa Prod notamment.Enfin, mes cours de scénario. (Et quelques projets perso dans un coin, dont un roman et un court parce que j’adorerai passer à la réalisation — j’ai été comédien et j’ai fait quelques mise-en-scène et j’ai gardé le goût de ça).
Rendez-vous dans quinze jours pour visiter un nouveau bureau de scénariste…
Copyright©Nathalie Lenoir 2011