“Kinshasa Symphony”

En septembre 2010, les musiciens du Staff Benda Bilili enchantaient les écrans français grâce à la sortie du documentaire que leur ont consacré Renaud Barret et Florent de La Tullaye.
On découvrait le talent de ces musiciens hors du commun, ayant surmonté leurs handicaps physiques et leurs vies de misère pour passer des rues de Kinshasa aux plus grandes scènes internationales…
Un an après, presque jour pour jour, Kinshasa symphony, un nouveau documentaire tourné dans la capitale congolaise, nous montre comment des hommes et des femmes parviennent à oublier pendant un temps leurs conditions de vie difficiles par la pratique de la musique, au sein du seul orchestre symphonique d’Afrique Centrale.

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L’Orchestre Symphonique Kimbanguiste a été créé il y a quinze ans par Armand Diangienda, petit-fils du fondateur de l’Eglise Kimbanguiste. Il comportait alors une douzaine de membres, tous amateurs de musique classique et n’ayant jamais reçu d’enseignement musical traditionnel.Puis l’orchestre s’est étoffé jusqu’à atteindre aujourd’hui 200 membres, pour la plupart autodidactes et devant bricoler eux-mêmes leurs instruments…
La tentative de créer une telle formation pouvait sembler incongrue et un peu folle dans un pays ayant de sérieux problèmes à régler. En quinze ans, la République Démocratique du Congo (ex-Zaïre) a en effet connu des crises en tout genre : dictatures, tensions politiques et ethniques, coups d’états, tentatives d’invasion et luttes intestines, et pour couronner le tout, un niveau de vie globalement assez pauvre pour l’un des plus grands états d’Afrique Noire…
Mais Armand Diangienda et ses comparses se sont accroché à leur rêve, se sont pleinement investis dans le projet et aujourd’hui, on ne peut que saluer leur réussite, qui constitue un joli symbole.

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Alors que le pays se déchirait à cause d’une guerre civile particulièrement meurtrière, ces hommes et ces femmes qui ne se connaissaient pas, venaient de communautés ou de groupes sociaux différents, voire opposés, qui ne maîtrisaient pas forcément le solfège ou leur instrument, ont réussi à travailler ensemble, main dans la main, pour réussir à jouer des morceaux de musique de manière harmonieuse et redonner un peu de rêve à un peuple qui en a bien besoin.

Ce documentaire, signé par Martin Baer et Claus Wischmann, rend hommage à ces musiciens amateurs qui après une journée de travail longue et usante, dans des conditions parfois difficiles, après de longs trajets à pied car ils n’ont pas toujours les moyens de prendre les “transports en commun”, trouvent encore de l’énergie pour aller répéter, chaque soir ou presque, avec le reste de l’orchestre…
Les deux cinéastes ne se sont pas embarrassés de voix-off  ou d’effets de mise en scène trop complexes.
Ils ont préféré laisser s’exprimer plusieurs membres du groupe, que l’on suit dans leur vie quotidienne, dans leur recherche de logement ou de travail, leurs galères dans la poussière et le tumulte des rues kinoises. Ils racontent leur histoire personnelle, leur découverte de la musique, leur participation à la vie de l’orchestre et expliquent pourquoi cette activité exigeante en temps et en efforts est importante pour eux.
Leurs témoignages sont émouvants et fascinants, car il s’en dégage une formidable énergie, une foi en un avenir meilleur, gagné à force d’efforts et de sacrifices et fondé sur la force collective et la cohésion.

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Bien sûr, certains ne vont pas se priver de formuler quelques critiques.
Le risque, quand on se lance dans ce genre de documentaire, c’est de paraître soit trop misérabiliste, soit trop béat d’admiration face aux sujets filmés.
Ici, Martin Baer et Claus Wischmann s’exposent aux critiques sur les deux fronts.
Certains pointeront l’insistance des cinéastes à décrire des conditions de vie miséreuse, pour apitoyer le spectateur occidental. Pour d’autres, au contraire, les personnages filmés, malgré leur niveau de vie des plus modestes, ne font pas forcément partie des classes les plus défavorisées de Kinshasa.
Enfin, certains regretteront que ne soit pas plus développé le lien de l’Orchestre avec l’Eglise Kimbanguiste.

Mais cela n’enlève rien à la force du film, qui reste fidèle à une certaine logique : rendre hommage à des gens qui se battent pour améliorer leur quotidien et donner une autre image, plus positive, de leur pays.
Ces musiciens amateurs ont du choeur – pour chanter “Carmina Burana”, il en faut… – et du coeur, il en faut aussi pour tenter de produire quelque chose de beau et d’harmonieux  dans un pays quasiment en ruines, pour faire triompher la vie plutôt que la mort.

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La scène emblématique de ce documentaire se déroule  lors du concert donné à Kinshasa, celui que répètent sans relâche les musiciens tout au long du film. L’orchestre est en train de jouer la 9ème symphonie de Beethoven quand l’auditorium est plongé dans le noir, suite à une panne de courant. Quelqu’un allume un groupe électrogène de secours. Alors que la ville est plongée dans l’obscurité,  l’orchestre se remet à jouer…
L’Hymne à la joie qui surgit des ténèbres, un beau symbole pour résumer le film et pour louer une fois encore la volonté de ces hommes et ces femmes qui, par leur musique, apportent un peu d’espoir à une région du monde encore instable…

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Kinshasa Symphony Kinshasa Symphony
Kinshasa Symphony

Réalisateurs : Martin Baer, Claus Wischmann
Avec :  Armand Diangienda et les musiciens de l’Orchestre Symphonique Kimbanguiste
Origine : Allemagne
Genre : La musique adoucit les moeurs
Durée : 1h32
Date de sortie France : 14/09/2011
Note pour ce film :

contrepoint critique chez : Critikat

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