La Machine à remonter le temps “Les Aventures d’Eddie Turley” de Gérard Courant

Oyez, oyez, chers lecteurs,

En cette rentrée, nous sommes heureux d’accueillir un nouveau collaborateur, Maël Rannou, et une nouvelle rubrique sur Angle[s] de vue, dédiée à des films rares ou injustement méconnus.
Maël n’est pas un critique comme les autres. Il a inventé une sorte de machine à remonter le temps qui lui permet de voyager au coeur du cinéma. Pas comme Franck Dubosc dans Cinéman, hein! (quelle horreur!). Plutôt comme un aventurier qui explorerait les terrae incognitae cinématographiques pour y dénicher des pépites filmiques et autres trésors sur pellicule.
Pour son premier voyage, il vous emmène à la fois dans le passé et le futur, avec un film de science-fiction de 1987, présenté au Festival de Cannes 1987, mais jamais sorti en salles : Les Aventures d’Eddie Turley.

Boustoune

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Les Aventures d’Eddie Turley, est un film fou, expérimental  – c’est quasi systématique chez Courant – mais c’est aussi une fiction qui tient parfaitement la route au premier degré : c’est un film de science-fiction comme on n’en fait plus, bourré d’images contemporaines.

Eddie est un espion inter-galactique des Pays Extérieurs, envoyé en mission à Moderncity, capitale robotique des obscurs Pays Intérieurs. Muni d’une montre voleuse d’images, aidé d’une belle mais fantomatique autochtone et d’un alien abîmé, il s’empêtre dans sa mission entre délires oniriques et prisons. Bien sûr, comme dans tout film d’aventures qui se respecte, le gentil gagne à la fin et le roi des Pays Intérieurs est défait.

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C’est un pitch bien élémentaire, et il est difficile d’imaginer qu’il s’agît d’une expérience cinématographique singulière à sa seule lecture. Mais ce serait mal connaître Gérard Courant, qui a monté ce film d’1h30 uniquement avec des images fixes.
Ce n’est plus du cinéma, diront certains ? C’est justement là ce qui est pointé : le cinéma est fait d’images fixes : 24 images fixes par secondes. Les images de Courant bougent, il ne s’agit pas de photos mais de pellicules dont il a extrait divers plans, le mouvement est là, la séquence aussi, mais étrangement saccadés. On a vu des réalisateurs récents (Quentin Tarantino et Robert Rodriguez pour ne pas les citer) salir volontairement leurs images, les faire tressauter, afin de rendre hommage au grain des vieilles machines. Courant va bien plus loin, et bien plus naturellement.
C’est le plus étonnant : si, au début, la succession d’images surprend, d’autant plus qu’elle est illustrée d’une voix off très basse, on s’y fait assez vite et l’illusion cinématographique fonctionne.

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C’est là qu’intervient une deuxième réussite, celle de la recréation d’un univers fantastique. Le film n’a pas été tourné en studio, il a été tourné dans la ville de tous les jours.  Les aliens sont anthropomorphes, on voit des pubs – beaucoup d’affiches, de sigles, d’images dans l’image, presque hypnotisantes – et des taxis tout ce qu’il y a de plus normaux.
Mais là aussi l’illusion fonctionne, bien plus que s’il avait essayé de recréer un univers de pacotille à base d’effets spéciaux ratés. Le monde des Pays Intérieurs est réel car réaliste. Grâce au grain de son noir et blanc, à quelques sobres effets de superpositions et à son montage, Gérard Courant crée sans aucun problème un monde extraterrestre crédible.

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La dernière réussite, et pas des moindres, de ce film est qu’il existe en tant que tel.
Ma culture cinématographique étant encore à faire, je n’aurai jamais su que ce film contenait un hommage à Alphaville (1) si un article du journal “Le Monde” reproduit sur la jaquette ne le disait pas expressément.
Je n’ai pas vu Alphaville, je n’ai vu que le film de Gérard Courant, et il se suffit parfaitement en tant qu’entité solide. C’est une rareté, car souvent, les films qui veulent rendre des hommages sont totalement hermétiques au béotien. Or, Les Aventures d’Eddie Turley donne quelque chose à qui le regarde. On y retrouve la particularité de ce qui constitue les travaux les plus connus de Gérard Courant (les Cinématons ou les Carnets filmés) : un radicalisme sans hermétisme.

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Il est malheureusement difficile de se procurer les films de Gérard Courant (2). Celui-ci vaut clairement le détour. Alors, inscrivez le dans un coin de votre crâne et, surtout, ne le ratez pas si vous avez comme moi la chance de tomber dessus (3).

(1) : Gérard Courant, dans le cadre de ses expérimentations filmiques, procède régulièrement à des “compressions” d’oeuvres connues, réduisant à 4 ou 5 mn de photogrammes choisis des oeuvres de 90 à 120 mn. Si on ne dit pas de bêtise, Alphaville est le premier film dont Courant a effectué la compression, en 1995.
(2) : A noter qu’il y a eu deux suites aux aventures d’Eddie Turley – tout aussi inédites – et une compression du film n°2. (3) : Il est toujours possible de contacter directement le cinéaste sur son
site internet.  

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Eddie turley Les Aventures d’Eddy Turley
Les aventures d’Eddie Turley

Réalisateur : Gérard Courant
Avec : Philip Dubuquoy, Françoise Michaud, Joël B, Joseph Morder, F.J. Ossang, Hubert Lucot, Lou Castel, Alain Pacadis, Gérard Courant
Origine : France
Genre : Science-fiction expérimentale
Durée : 1h30
Date de production : 1987 (jamais sorti en salle)

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