Another Earth est un film atypique, un puzzle, un drame nimbé de SF touchant, plein d’idée mais maladroit duquel émerge un talent à suivre, Brit Marling.
Rhoda est une jeune étudiante douée. Alors que l’on découvre une seconde Terre, miroir de notre planète, elle heure une voiture. Pendant longtemps la culpabilité va la ronger. Voilà l’histoire écrite par le jeune réalisateur Mike Cahill et l’actrice Brit Marling. Doté d’un petit budget de film indépendant, Another Earth se dirige donc plutôt vers le drame que vers la SF. La découverte de cette seconde Terre n’est ici que pour apporter une réflexion philosophique sur la possibilité que les événements que nous vivons peuvent se dérouler autrement dans une autre vie et mettre en relief ce sentiment de culpabilité qui occupe l’esprit de Rhoda.
C’est à un véritable drame que nous avons à faire ici. Une histoire touchante et ambigüe dans laquelle l’ex-étudiante va se lier avec la victime de l’accident qui a perdu femme et enfant. Plus elle entre dans l’univers de cet homme qui a tout perdu, plus le poids de la culpabilité va la ronger mais c’est aussi en se rencontrant qu’ils vivent tous les deux un moment fugace de bonheur.
Another Earth est ainsi rempli de belles scènes qui donnent une sensibilité unique au film. Comme ce moment où Rhoda écrit des lettres dans la main d’un membre de son entourage. Tellement touchant, mais aussi tellement mystérieux. Mike Cahill laisse un voile brumeux habiter le film, comme si il ne voulait pas tout révéler, comme si ce qu’il montrait restait flou, mais on peut tout de même y voir quelque chose. Rempli d’idées, souvent très belles, le film l’est assurément. Malheureusement, leur mise en place est parfois, souvent même, maladroite. Les scènes sont comme les pièces d’un puzzle qui ont un peu de mal à s’assembler et ne sont pas spécialement servies par la caméra instable du réalisateur qui a du mal à cadrer.
Et une fois les pièces du puzzle assemblées, on s’aperçoit que l’image formée n’est pas complète. Le film lance ainsi des idées intéressantes, en particulier cette seconde Terre, mais ne va jamais au bout. D’une manière insaisissable, le film se termine alors qu’il commence juste à dévoiler tout le potentiel de sa réflexion. Puisqu‘il refuse de s’offrir au spectateur, c’est à celui-ci que revient la tâche de combler les morceaux. Il est vraiment dommage que le moment attendu au final soit ainsi laissé en suspend pour nous laisser dans le flou total, perdu au milieu du brouillard.
Mais de ce brouillard émerge une figure, celle de Brit Marling. Alors qu’elle a participé à l’écriture du scénario, elle joue donc le personnage principal de ce drame et éclaire le film par sa présence. Innocente, rêveuse, coupable, dépressive, l’actrice fait ressortir toutes les émotions de son personnage à fleur de peau, d’une sensibilité très touchante et loin des clichés de l’ado à problème. Elle est la véritable révélation de Another Earth et nul doute que nous prêterons une attention particulière à l’avancée de sa carrière.
Au final, si Another Earth dégage d’excellentes pistes de réflexion et nous touche par sa sensibilité, il laisse tout de même un sentiment d’inachevé, de frustration face au potentiel qui reste inabouti mais dont ressort la grâce de Brit Marling.