Musicien électro de génie sous le pseudo de Mr. Oizo, Quentin Dupieux a balancé son humour absurde dans tous les cinémas avec Steak, bide retentissant porté par Eric & Ramzy – qui peuvent ainsi se vanter d’avoir fait un bon film. Formé à l’école Gondry, le vidéaste avait déjà montré son talent dans ses clips (victoire de la musique en 2000 tout de même) et un moyen-métrage (d)étonnant diffusé à la télévision : Nonfilm.
Durant 44 minutes on retrouve ce qui va constituer ses futurs autres films : un scénario en roue libre, une apparente platitude mais surtout le goût des dialogues nonsensiques entre entités contraires. Sauf que dans Nonfilm, tout est plus radical. L’objet lui même est une curiosité. Tourné du propre aveu du réalisateur comme un « caprice » grâce à la manne financière du tube Flat beat, il ne contient aucune concession.
Que nous présente Nonfilm ? Le tournage d’un film qui tourne mal.
144, réalisateur/acteur expérimental prétentieux interprété par le musicien électro Sébastien Tellier, a décidé de filmer son chef d’œuvre. Sûr de lui, il n’écoute ni Pattt – autre acteur de son film, interprété par Kavinsky, également collègue musical de Dupieux qu’on retrouvera en excellent chef des Chivers dans Steak – ni son équipe technique, qu’il exterminera de toute façon par accident au bout de vingt minutes.
Le générique se lance et le film continue. 144 décide de continuer le film à l’épure, sans caméra, sans prise de son, juste le regard. Face aux interrogations des quelques survivants (un assistant réa, une maquilleuse frénétique, une cuisinière, etc.) il répond d’un définitif: « Les gens comprendront ».
Peu à peu, sous le soleil brûlant d’un désert inconnu qui n’est pas sans rappeler celui de Rubber, l’équipe se délite peu à peu, laissant 144 seul face à son projet, et une angoissante question résonnant dans ces beaux décors vides : « Est-ce qu’il y a un film ? ».
Ne vous inquiétez pas, ce que vous avez lu ne déflore en rien ce petit joyaux de l’absurde cinématographique. L’intrigue, si on peut l’appeler comme ça, ne raconte en rien l’ensemble de saynètes étranges qui provoquent tranquillement un rire franc, quoiqu’un peu nerveux.
Fort bien interprété, facile à regarder malgré des cadres assez tordus, Nonfilm évite tous les écueils des films réfléchissant sur les films qui ennuient les spectateurs. Si ce qui se passe est aberrant, on sent que tout est pensé en amont, et Dupieux nous livre là une réussite implacable, qui portait déjà en elle le programme des réussites à venir.
C’est en voyant Nonfilm qu’Éric et Ramzy contacteront le réalisateur, qui leur permettra de jouer dans le seul bon film de leur carrière, le cultissime Steak.
Longtemps indisponible, Nonfilm se trouve désormais facilement, en bonus du DVD de Rubber, second long-métrage à l’idée forte (un pneu prend vie dans le désert et décide de tuer tous les humains grâce à son pouvoir télépathique) mais moins convaincant sur la longueur.
Il existe une version longue de Nonfilm (1’15) ainsi qu’un Nonfilm 2 que je n’ai jamais eu l’occasion de regarder. Mais en attendant cela, vous aurez compris ce qu’il vous reste à faire, trouver cette petite pépite et – si ce n’est pas déjà fait – découvrir le travail de ce réalisateur enthousiasmant.
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Nonfilm
Nonfilm
Réalisateur : Quentin Dupieuxl
Avec : Sebastien Tellier, Philippe Petit, Vincent Belorgey
(Kavinsky), Camille Lagache, Didier Poiraud, Gaëlle Bona
Origine : France
Genre : non-film mais film quand même (?!?)
Durée : 44 mn
Année de production : 2001
Date de sortie France : court-métrage non-sorti en salles
contrepoint critique chez : Sens Critique
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