L’Ordre et la Morale, critique

Par Fredp @FredMyscreens

Mathieu Kassovitz revient sur le sol français avec L’Ordre et la Morale, un film politiquement engagé et mené efficacement par un réalisateur inspiré par son sujet.

Après un parenthèse plutôt catastrophique aux États-Unis, Mathieu Kassovitz revient en France avec l’envie de s’attaquer à une histoire qui lui tenait particulièrement à cœur et qui va évidemment faire bouger la classe politique. Kassovitz est un réalisateur engagé, rien d’étonnant donc à ce qu’il raconte ce qu’il s’est passé lors de la prise en otage de trente gendarmes qui a eu lieu en Nouvelle Calédonie pendant la campagne présidentielle de 1988.

Pour nous plonger au cœur du conflit, Kassovitz entre dans la peau du Capitaine Legorjus, responsable du GIGN et chargé des négociations avec les preneurs d’otages. Un point de vue central pour nous faire comprendre les deux points de vue en jeu. Celui des militaire qui ne font qu’obéir aux ordre de politiciens trop éloignés de l’affaire pour prendre des décisions adaptées et qui mènent à un point de non retour. Et celui des kanaks qui ne cherchent qu’à faire respecter leur culture. Au milieu de tout ça, Legorjus ne peut choisir entre l’ordre et la morale, il ne peut qu’y réagir.

Le fait d’avoir choisi pour héros de son récit la personne la plus neutre possible dans l’affaire nous permet vraiment de prendre conscience des choix de chacun, de comprendre les raisons de leurs décisions. Le but des kanaks est clair tout comme les contraintes des militaires sont justifiées. Sans manichéisme Kassovitz nous plonge dans 2 heures de négociations brûlantes, captivantes, au cœur desquelles c’est bien la classe politique qui va en prendre un coup, n’hésitant pas à ordonner les actions les plus radicales pour mettre fin à la situation qui les embarrasse au plus haut point en pleine campagne présidentielle. Le sujet est complexe et Kassovitz l’expose avec assez de pédagogie (mais sans simplicité) pour garder l’attention du spectateur qui comprendra parfaitement les enjeux de l’histoire.

Loin du blockbuster militaire survitaminé et surdécoupé que l’on pourrait attendre de certains, Kassovitz préfère le récit calme et posé. Jamais la caméra ne s’emporte. Kassovitz nous laisse le temps de voir ce qu’il se passe à l’écran, il laisse les personnages s’exprimer avec une mise en scène plutôt classe pour ce type de film. N’hésitant pas à afficher quelque légères inspirations (Apocalypse Now), Kassovitz va tout de même nous emporter un peu plus loin avec 2 trouvailles particulièrement bien vues et nous faisant entrer encore plus dans le récit : un flash-back étonnant raconté en temps réel et l’assaut final haletant. Une maitrise technique au service de l’histoire racontée qui nous rappelle bien pourquoi Kassovitz est l’un des réalisateur français les plus doués du moment.

Le défaut principal du film serait peut-être l’interprétation des personnages très limitée. En effet, certains militaires sont largement surjoués tandis que les kanaks sont pour la plupart amateurs. Mais cela ne nous fait pas pour autant sortir du récit grâce à la manière qu’à Kassovitz de raconter l’histoire. D’autant plus que lui-même, dans le rôle de Legorjus, est parfait. On retrouve bien ses débats intérieurs, son envie que tout le monde en sorte vivant et obtienne ce qu’il veut, son désespoir face à une classe politique qui ne comprend rien à la situation locale. Il est clair que ce type d’événement marque et le regard de Kassovitz à la fin dit tout.

Qu’aurait-on fait à sa place ? Quelles étaient les bonnes décisions ? Des questions qui se sont posées et qui n’ont pas vraiment de réponses idéales dans le contexte dans lequel s’étaient déroulés ces événements. Avec l’Ordre et la Morale, Kassovitz revient donc en grande forme. Cette prise d’otage racontée sans clichés au travers des négociations est un récit poignant et passionnant dont on ne ressort pas simple spectateur.