Dans le bureau de Jérôme Fansten

Dans le bureau de Jérôme Fansten

Rien ne nous en apprend plus sur un auteur que d’examiner le lieu où il travaille. Si quelques scénaristes se vantent de pouvoir écrire n’importe où, la plupart d’entre eux ont besoin de se réfugier dans un lieu dédié. C’est dans ce sanctuaire qu’ils passent de longues heures solitaires à créer leurs histoires, coupés du reste du monde. Je vous propose de découvrir, à travers cette nouvelle rubrique, les bureaux de quelques scénaristes français(e), mais aussi leurs méthodes, leurs routines d’écriture…

Pour cette nouvelle édition, c’est mon confrère Jérôme Fansten qui nous ouvre la porte de son bureau…

Jérôme Fansten est scénariste de cinéma, script-doctor et romancier. Il a notamment collaboré à l’écriture de R.I.F de Franck Mancuso et de The Incident, d’Alexandre Courtès. On lui doit également le scénario du documentaire Au delà des cimes de Rémy Tézier. Il tient un blog dont je vous recommande la lecture.

Depuis combien de temps travaillez-vous comme scénariste ?

J’entame ma neuvième année. Cela dit, les cinq premières se sont surtout distinguées par un éparpillement total : quelques contrats pour des scénarios de longs métrages (qui sont restés dans les cartons, d’ailleurs… un seul est encore en prod…), mais aussi beaucoup de script doctoring : c’est un peu l’équivalent du cabaret, quand tu veux devenir chanteur – je ne sais pas si c’est un passage obligé, mais c’est une bonne école. J’ai aussi écrit des docu pour la télé… Je suis passé à la réalisation, le temps de deux courts métrages et de quelques films institutionnels. J’ai animé des ateliers d’écriture. Bref… On va dire que je me consacre à l’écriture à plein temps depuis quatre ans.

Travaillez-vous dans un coin de votre habitation ou dans une pièce dédiée ?

J’ai une pièce à moi.

Pouvez-vous décrire ce bureau ?

Une pièce en longueur avec un ficus devant la fenêtre et des bouquins jusqu’au plafond. Le truc bizarre au milieu de la photo, c’est un chevalet avec une vieille carte de l’Afrique et un masque de lucha.

Dans le bureau de Jérôme Fansten

Avez-vous choisi un espace neutre ou êtes-vous au contraire entouré d’objets et souvenirs ?

Il y a pas mal d’objets en vrac. Pour tout dire, c’est même assez le bordel.

Etes-vous capable de travailler hors de cette « tanière » ?

Oui. De fait, je me déplace beaucoup chez les réalisateurs avec qui je travaille. Parfois on se retrouve à l’extérieur.

Mais l’avantage de bosser chez soi, c’est que j’ai toute la documentation que je veux à portée de main. Là, je suis sur un polar. Eh ben, entre les livres de balistique et le Code de Procédure Pénale, les romans annotés, les coupures de presse… j’ai quand même un confort de travail que je ne retrouve pas ailleurs.

Travaillez-vous parfois dans des lieux publics ?

En dehors des (rares) cas où le réalisateur me donne rendez-vous dans un lieu public, non.

Etes-vous satisfait de votre bureau et/ou l’organisation de vos journées de travail. Si la réponse est non, qu’aimeriez-vous pouvoir changer?

Pour l’instant ça va, tout va bien.

Préférez-vous travailler seul ou avec un co-auteur ?

Sur un scénario ? A deux. Voire à trois.

Pour un roman, évidemment, je suis seul. En revanche, je sollicite beaucoup de lecteurs en cours de travail ! J’ai quand même du mal à avancer de manière solitaire.

Etes-vous plutôt Mac ou PC ?

Mac.

Utilisez-vous un logiciel d’écriture ? Si oui lequel ?

Non, je travaille avec Word. Je co-écris avec les réalisateurs, on passe notre temps à s’échanger des textes, et je n’en connais aucun qui bosse avec Final Draft, par exemple. Du coup, Word, c’est quand même ce qu’il y a de plus souple.

Travaillez-vous à horaires fixes ?

Disons que je travaille toute la journée et que j’essaye de m’arrêter le soir, vu que je suis en couple. Mes horaires sont donc plus ou moins calqués sur celles de mon amie. Une estimation ? Je commence un peu avant 10h et je m’arrête vers 19h. Avec, évidemment, des coups de rush et des jours plus calmes.

Combien de temps de travail en moyenne par jour ?

Ouh la… En phase de construction de l’intrigue, quand je dessine les grandes lignes d’un projet, j’écris vite des documents très courts, des synopsis de deux pages, des fiches diverses. Je fais des timelines, etc. En parallèle, je lis beaucoup sur le sujet abordé, je prends des notes. Puis je reviens à mes timelines, mes croquis, etc. Difficile de chiffrer ça en « heure active »… Un synopsis, c’est un boulot de haute voltige : inutile de s’épuiser dix heures de suite. Deux heures peuvent suffire pour sortir un document, sur lequel il sera possible de bien rebondir le lendemain, avec un regard neuf. Et comme la journée est « libre »… il m’arrive de passer des heures à regarder des films. Quand on dit que ça fait partie du boulot, on essuie en général des commentaires assez joyeux :

–  Bien bossé aujourd’hui ?

–  Ouais, je viens de me faire la première saison de The Shield

Crédible, quoi.

Mais quand le sujet que vous travaillez a déjà été traité à la TV ou au cinéma, il faut le savoir.

Ensuite, pour la rédaction du traitement… En phase d’écriture « normale », avec échéances courtes, et quand ça roule bien, je suis concentré six, sept heures de suite, auxquelles on rajoute une petite heure de « revue de presse » le matin. Ça, finalement, c’est quand même ma journée type.

Et puis il faut aussi compter les journées avec réunion de travail, qui sont souvent des journées relativement minces en termes d’heures d’écriture puisqu’on passe surtout du temps à parler de ce qui vient d’être fait et de ce qu’on va faire. Mais c’est indispensable.

Quand je rédige les dialogues d’un scénario, enfin, je passe en mode « tunnel » : je me couche tard et je me lève tôt… je suis vraiment immergé dans le travail en cours, parce que je me mets dans la peau des personnages. Ce sont des phases assez courtes, mais pendant lesquelles je ne décroche pas vraiment. Là, je dois dépasser les dix, douze heures par jour. Sachant qu’il m’arrive de me lever de table pour corriger une réplique, ou de me réveiller la nuit pour en déplacer une. Et, au petit matin, je vais tout de suite relire ce que j’ai fait la veille. Je me dis « c’est l’affaire de dix minutes » et je finis par prendre ma douche à 12h. Mais ces « tunnels » sont rares, heureusement.

Quand j’ai attaqué la dernière phase d’écriture des Chiens du paradis, mon premier roman, j’ai fait un « tunnel » de deux mois. Ça donne quoi au quotidien ? Un putain d’asocial. Je bouffe plus que des pâtes ou des trucs au micro-ondes.

Bref… Chaque type d’écriture demande un planning particulier, à négocier avec la prod. Quand on me commande un synopsis, on me donne en général une deadline. Et je ne vais pas m’organiser de la même manière, selon qu’on me demande de le faire en une semaine ou en deux mois.

Jusqu’à combien de pages utiles pouvez-vous écrire par jour?

Comme je viens de le dire, ça dépend. Un scénariste écrit peu, mais réécrit beaucoup. Chaque page est donc potentiellement « utile ». Mon meilleur allié, c’est la poubelle : si c’est pas bon, hop ! adios ! Mais ça permet d’avancer, de préciser les choses.

Il ne faut pas chercher à être bon tout de suite, mais sur la durée. C’est assez dur à comprendre pour ceux qui n’écrivent pas de scénarios.

Par exemple, une première version de dialogue sur un scénario de long métrage, je peux la faire en une semaine. C’est-à-dire une centaine de pages en cinq ou six jours. Il y aura de bonnes choses, surtout si on a correctement travaillé le traitement en amont, mais ce n’est évidemment pas le dialogue final ! En revanche, on a tout de suite une idée très claire des masses narratives, des « ventres mous », etc.…

Quand je précisais que les gens ont du mal à comprendre ça, je veux simplement dire que ceux qui savent lire un « work in progress » sont vraiment rares, même dans la profession.

Précisions : j’écris pour le cinéma et donc pour un réalisateur. Au cinéma, l’objet scénario est moins absolu qu’à la télévision, même si vous ne pouvez pas produire le film si le script est mauvais. (Hum… ?) En tout cas, j’avance forcément à tâtons : je cherche ce que veut le réalisateur, ça implique des allers-retours, des essais, etc. La notion de « work in progress » est donc fondamentale. En gros : je jongle avec des critères « objectifs » d’efficacité narratives et l’univers d’un réalisateur, lesquels ne se recoupent pas forcément. C’est intéressant, c’est l’essence du boulot, mais ça demande de reconsidérer cette notion de « page utile ».

Cela dit, évidemment, plus le temps de l’écriture est réduit, moins on a de temps de recherche. Je viens de terminer un scénario dont les échéances étaient claires dès le départ : signature du contrat fin juin, livraison du script fin septembre. Trois mois. C’est très court. Dans ce laps de temps, il y a eu une note détaillée (9 pages) sur les axes de réécriture, vu que je partais d’un scénario existant, puis un synopsis de 8 pages, deux traitements de 33 et 28 pages, puis une V1 de 95 pages, avant la remise de la V1 corrigée (97 pages). Et entre chaque rendu : une ou deux réunions de travail.

Là, évidemment, je me donnais des échéances très rapprochées.

Les réalisateurs (ils co-réalisent) attendaient un peu anxieux le résultat : est-ce que ça allait correspondre à leur attente ? C’est quitte ou double. En l’occurrence, ça s’est très bien passé.

Juste avant, j’avais développé un scénario sans que le planning de production soit vraiment arrêté. C’est confortable, parce qu’on a le temps, mais c’est le genre de projet à risques parce que ça peut prendre des années sans que le cachet soit revu à la hausse. Ce scénario a demandé presque un an et demi de travail, dont dix mois à temps plein. Là, on a surtout manipulé des « masses » de scènes. Impossible de donner un rapport « temps de travail/pages utiles ».

Avez-vous besoin de faire des pauses à heure fixe ?

Non.

Travaillez-vous dans le silence total ? En musique ?

En silence. Très relatif, d’ailleurs, parce que j’habite en face d’un square où les mômes courent en hurlant dans tous les sens. Ça ne me dérange pas. Même le bruit de fond de la ville, j’aime bien. Au moment où je vous réponds, j’entends la voisine qui gueule sur quelqu’un. Voilà, la vie. C’est reposant.

Avez-vous un ou des compagnon(s) d’écriture à quatre pattes ?

Hum… Dans le système français, le compagnon d’écriture à quatre pattes s’appelle le scénariste.

Mais j’ai eu un chat. Il est mort. Je l’ai encore, d’ailleurs – il est très décoratif.

Vous coupez-vous du reste du monde ou restez-vous connecté à votre entourage (mail, téléphone, Twitter, Facebook…) ?

Je reste connecté.

Avez-vous des rituels d’écriture ?

Pas vraiment. Ou alors… à la fin d’une cession d’écriture, je range mon bureau. Au début d’une autre, je rends accessible la documentation dont je vais avoir besoin. Je déplace les livres, je trie. Je nettoie.

« T’as pas un nouveau projet, là ? Faut passer l’aspi. »

Mais c’est plus symbolique qu’autre chose parce que je suis souvent sur plusieurs projets à la fois.

Utilisez-vous une méthode particulière (tableau, fiches, cahier…) ?

Vu que je suis rarement l’instigateur de l’écriture, je me soumets à la méthode du réalisateur.

Quand c’est moi qui organise le travail, je suis très méthodique. En général, je « dessine » l’histoire, au sens propre, sur de grandes feuilles A2. J’établis des graphiques, parfois en m’aidant de Photoshop ! Paraît que je suis assez maniaque, là-dessus. La feuille A2 se couvre de post it. Etc.

Je la mets au propre régulièrement. Je fais des fiches de personnages, mais ça ne ressemble pas aux fiches habituelles.

Dans le bureau de Jérôme Fansten

Comment trouvez-vous l’inspiration ? Musique, photos, films ?

J’en sais rien. C’est devenu, comment dire ? mécanique ? Non, je sais pas. Que ce soit pour un producteur ou un réalisateur, on m’appelle quand on a un point de départ : un personnage, une situation dramatique, même une première version du scénario. Parfois un livre à adapter. Ce point de départ génère des choses assez spontanées, qu’on questionne très vite. Et, par développements successifs, par associations d’idées, rebonds, etc., la machine est lancée.

De toute façon, rapport à l’inspiration, c’est là encore une erreur de réfléchir à l’échelle de la journée. La vérité, c’est qu’un projet vous accompagne, vous habite, il se construit sur la durée, entre les lignes. Une journée où vous ne sortez rien de bon, c’est énervant. Oui. Et alors ? Une écriture sérieuse demande du temps et on a tous nos propres rythmes. Au cours de cette fameuse journée « perdue », il y a forcément un travail de décantation qui se fait quelque part. Rien n’interdit de penser que le « jaillissement » d’une idée dépend d’un processus inconscient plus ou moins long qui fait feu de tout bois.

Pour moi, en phase d’écriture, mieux vaut écrire de la merde que rien écrire du tout : je corrigerai plus tard. L’essentiel, c’est de s’y mettre. Pour d’autres, faut sortir se balader.

Un scénariste qui me dit qu’il n’a plus d’inspiration, je me dis juste qu’il passe une sale journée, une journée a priori stérile, comme on en a tous, et que son ego d’auteur se flagelle un bon coup. Je ne prend pas le truc trop au sérieux. Surtout s’il est enlisé dans un projet. Ça arrive. On bloque sur des scènes, des chapitres… Je suis persuadé que cette « panne » passagère va s’avérer bénéfique sur le terme ; il va trouver des réponses narratives imprévues, des scènes auxquelles il n’aurait jamais pensé sans le coup de pied de la contrainte, etc.

On n’est pas en pilotage automatique. On aimerait, parfois, mais c’est pas comme ça que ça fonctionne.

Si le vide se manifeste à intervalles réguliers, en revanche, je commence à m’inquiéter pour l’auteur et son projet… En général, c’est que le projet n’est pas assez solide, tout simplement. L’inspiration, contrairement à ce qu’on pense, n’est pas déconnectée du reste. Un projet peut promettre des choses qu’il est incapable de tenir. Alors on s’épuise. C’est ça, le plus dur, finalement : passer du temps sur un projet… le voir en colosse.. et s’apercevoir qu’on accouche d’un nabot. Hop ! Six mois de perdus. Là, je vous assure, ça n’a rien à voir avec un manque d’inspiration.

Avez-vous besoin de « carburants » (thé, café, tabac, nourriture…) ?

Non. Le moteur, c’est la satisfaction du réalisateur et de la production. (Violons)

Ça a l’air fayot, dit comme ça, mais c’est vrai. Quand je sens que j’ai mis le doigt sur un truc et que le réalisateur m’appelle pour me dire « ça, c’est bon ! », ça me met un sacré coup de fouet.

A l’inverse, quand des projets s’enlisent, que personne ne s’accorde, je peux vite devenir teigneux. Quand vous entendez, dans les bonus DVD, des acteurs se féliciter que « le réalisateur sait ce qu’il veut ! », ne prenez pas la chose à la légère ! Je vous ASSURE qu’une écriture qui se dilue, se perd, s’éparpille parce qu’on ne sait pas vraiment ce qu’on cherche, ça peut vite devenir cauchemardesque !

Là, c’est plus du café qu’il faut, c’est carrément de la soude.

A quel moment et dans quel lieu pratiquez-vous le mieux le brainstorming ?

Où vous voulez, quand vous voulez. En revanche, un peu de calme est nécessaire. J’ai brainstormé un jour dans une brasserie avec quelqu’un qui parlait fort, il faisait des gestes, on en faisait profiter tout le monde. « Attends ! Et si le mec vomit dans le couffin, qu’est-ce que t’en penses ? » Là, j’avoue, je ne suis pas très à l’aise.

Prenez-vous beaucoup de notes ? Comment les organisez-vous (carnet, notes volantes, logiciel…) ?

J’ai des carnets Moleskine, qui sont très beaux et que je n’utilise donc jamais. Ou alors je soigne mon écriture, je souligne à la règle. Et puis au bout de deux jours, ça m’emmerde. Du coup, j’utilise de vieux carnets tout pourris, que je mets au propre sur des fichiers .doc.

J’utilise aussi Evernote. Très bon logiciel !

Quand je lis un livre, je prends beaucoup de notes à même les pages. Autant dire que les Pléiades, c’est pour la déco.

Etes-vous sujet à la procrastination ?

Sur des projets qu’on me propose ? Non. Quand on est scénariste, on ne peut pas se permettre ça.

Sur les projets personnels, c’est plus délicat. Je n’ai pas l’impression de repousser ce qui me tient à cœur. Pourtant, avec le recul, je dois bien admettre que certains projets sont restés en évidence au-dessus de la pile, pendant des années. Alors, oui, je prends des notes… je lis toujours par-ci par-là de la documentation… mais… Si procrastination il y a, elle est assez retorse et éventuellement visible à l’échelle des années : ne pas procrastiner une journée sur tel projet, au besoin en faisant du zèle, me sert à en repousser tel autre, plus intime, plus personnel.

C’est assez vertigineux d’ailleurs… j’entrevois le moment où je vais aborder l’âge canonique qui permet de regarder derrière soi, et là… ça risque de faire mal… Mes journées sont pleines, mais je ne peux peut-être pas en dire autant de la somme de mes journées.

Dans le bureau de Jérôme Fansten

Avez-vous déjà été frappé par le writer’s block ? Si oui, quelle est votre recette pour en sortir ?

Non. Vu le nombre de projets en cours, ça serait mal venu ! En même temps, je suis assez jeune dans le métier. Quand j’aurais vingt ans de carrière et que je chercherai LE projet qui va m’emporter complètement, je serai peut-être frappé de stupeur mentale ou de dépression.

Quand vous prenez des vacances, vous coupez-vous totalement de votre travail ?

Non. D’ailleurs, je prends très peu de vacances. Je crois que c’est Tardi qui disait, je cite de mémoire : « les chutes du Niagara ? Ça ne m’intéresse pas de traverser la moitié de la planète juste pour voir tomber de la flotte. En revanche, si je peux imaginer un cadavre à côté et faire quelques petits dessins pour lancer une histoire, oui, je veux bien… »

Inutile de dire que Jacques Tardi est un grand bonhomme.

Qu’aimez-vous faire quand vous ne travaillez pas?

Hum… Parler du boulot ?

Non… comme tout le monde, j’imagine : discuter, voir les potes… un apéro au soleil…

Avez-vous un ouvrage culte traitant de l’écriture ?

Non, parce qu’ils se complètent. Il y a toujours quelque chose à prendre. Le danger, c’est de se trouver un gourou. Quel que soit le domaine, d’ailleurs. Parce qu’on ne va plus sortir des règles de départ.

La pédagogie, pour moi, elle commence à partir du deuxième bouquin, parce qu’on peut comparer deux approches.

Une fois qu’on a dit ça… le McKee et le Truby sont quand même assez stimulants. Le Lavandier aussi. Mais c’est peut-être un peu formel, quand même. Le livre de Vincent Colonna sur les séries TV est très bien, mais ce n’est pas vraiment un manuel.

Du côté des auteurs, il y a de très bonnes pages dans les textes que Nabokov a consacré à la littérature, il dit des choses aux antipodes de ce que je peux parfois penser, notamment sur le polar, mais qu’est-ce qu’il le dit bien !

Ah ! Si, quand même… L’art du roman, de Kundera.

Personnages & point de vue, d’Orson Scott Card, est à mon avis très bien pour commencer. Mais je crois que le bouquin est épuisé.

C’est intéressant comme question parce qu’il n’y a pas plus faux cul qu’un artiste qui écrit un « Art poétique ». Dans 99% des cas, son truc est une justification a posteriori de SON art à lui.

Une exception notable : Baudelaire. Mais il a juste inversé la donne : il a loué la virtuosité et la rapidité d’exécution d’un Guys et d’un Delacroix parce que lui-même était un galérien total. Sinon, de Céline à Bukowski, de Picasso à Godard, même combat ! Quand ils prétendent parler de la création artistique en général, ils ne font qu’un autoportrait déguisé. Mais c’est pas grave, évidemment : c’est passionnant, c’est jubilatoire… faut juste pas les prendre trop au sérieux…

Qui est votre scénariste fétiche ?

Il y en a plusieurs. En BD, Dieu est anglais. Il s’appelle Alan Moore.

Côté US, et pour revenir au cinéma, je pense aller voir spontanément un film écrit par Aron Sorkin ou Charlie Kaufman. Pas très original, hein ?

Idem pour n’importe quelle production de David Simons. La première saison de Treme, je l’ai achetée les yeux fermés. Et j’ai bien fait !

En France, c’est plus délicat, parce qu’aucun scénariste n’est à 100% l’auteur de son scénario. Ou alors c’est qu’il vient de passer à la mise en scène. De fait, je ne déconnais pas vraiment en disant que le scénariste est un compagnon d’écriture, plus qu’un auteur de scénario.

En tout cas, je reviens souvent aux films de Jacques Audiard, si vous voulez vraiment une réponse. C’est pour moi l’un des meilleurs auteur-réalisateur du moment.

A la TV, je dois dire que j’ai été quand même été assez impressionné par le boulot de Virginie Brac sur la seconde saison d’Engrenages.

Quelle est votre actu ?

J’ai fait une petite intervention sur R.I.F. (recherche dans l’intérêt des familles), de Franck Mancuso, sorti cet été dans les salles. The Incident devrait bientôt sortir, un slasher réalisé par Alexandre Courtès.

J’ai terminé il y a peu l’adaptation d’Au bonheur des ogres, d’après le roman de Daniel Pennac. Tournage dans deux mois, tout le monde est sur les starting blocks. C’est un long métrage réalisé par Nicolas Bary. La sortie est prévue pour Noël 2012.

Je viens aussi de terminer un scénario pour un film d’animation, Mune, réalisé par Benoît Philippon et Alexandre Heboyan, produit par Onyx films. La production est lancée ; sortie prévue fin 2013.

Et puis… Je suis sur un deuxième polar, qui prend la suite des Chiens du paradis, mon premier roman. Voilà.

Rendez-vous dans quinze jours pour visiter un nouveau bureau de scénariste… 

Copyright©Nathalie Lenoir 2011

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