Time Out, critique

Par Fredp @FredMyscreens

Quand un concept génial se voit complètement charcuté par une histoire plate et une foule de clichés, ça donne Time Out. Un beau gâchis dont on ressort frustré devant le potentiel immense qu’affichait le background créé par Andrew Niccol.

Avec Bienvenue à Gattaca et Lord of War, sans oublier le scénario de the Truman Show, Andrew Niccol a toujours trouvé des concepts de SF géniaux qui permettent de regarder notre société sous un nouveau prisme (la recherche de la perfection génétique, le lobby des armes, …) sans jamais oublier les sentiments d’humains qui se sentent étrangers dans ces mondes dans lesquels ils évoluent. Même dans son plus anecdotique S1m0ne, on retrouvait cette patte et cette vision d’un futur immédiat. Lorsqu‘il revient en appliquant à la lettre l’expression « le temps c’est de l’argent» , inutile de dire que l’on a droit à un concept qui peut tenir la route et nous offrir une vision inédite de la SF avec un discours intelligent comme il en a le secret.

Dans Time Out (In Time en VO), c’est donc le temps de notre vie qui est devenue la monnaie courante. A partir de 25 ans, nous arrêtons de vieillir et il faut gagner du temps si nous voulons continuer à vivre. Ainsi, un café peut coûter 4 minutes et un trajet en bus 1 heure. Évidemment, dans ce nouveau monde, des disparités fortes s’exercent entre les riches qui peuvent devenir presque immortels et les pauvres obligés de vivre au jour le jour.
Entre les mains de Niccol, le concept est tout simplement génial et le réalisateur le présente avec un limpidité exemplaire
, si bien que l’on croit tout de suite à cet réalité parallèle où une mère et sa fille semblent avoir presque le même âge. Il prend même d’autant plus de relief qu’il fait écho au contexte de crise économique que nous vivons.

Seulement voilà, une fois le monde présenté, il faut bien y glisser une histoire… et c’est là que la pendule commence à se détraquer. Andrew Niccol nous présente un ouvrier (Justin Timberlake) qui va hériter par hasard d’une bonne centaine d’années de vie, faisant de lui la cible de pas mal de monde (à la fois de gangsters qui cherchent l’immortalité et de flics censé contrôler le temps comme des banques). Sa fuite l’amènera à croiser le chemin d’une jeune héritière (Amanda Seyfried) qu’il va embarquer pour braquer ensemble quelques banque de temps et rétablir la justice.
Alors qu’on attendait un thriller rythmé et sombre sur fond de réflexion politique, économique voir même philosophique
(vit-on vraiment quand on est immortel et qu’on a le temps ?), le récit dérive d’un seul coup dans une histoire à la Bonnie & Clyde légèrement fauchée et parfois grotesque qui n’exploite jamais tout le potentiel de son concept.

En effet, dès que le héros se voit doté d’une vie de centenaire, tout change laissant la part belle à une action pauvre et prévisible où s’enchainent les situations totalement convenues voire pas crédible du tout (à peine a-t-il rencontré Amanda qu» ils vont se baigner ensemble nus dans la mer …) et servies par une mise en scène plate où même la seule scène d’action manque d’intensité. Si Justin Timberlake se montre relativement efficace (faisant ce qu’il peut pour porter le film sur ses épaules), son entourage n’est malheureusement pas là pour contribuer à la réussite du film.
D’Amanda Seyfried mal fagotée et juchée sur ses talons pour compenser son manque de personnalité à Cillian Murphy venu ici seulement pour endosser un chèque en passant par les inutiles John Galecki (Big Bang Theory) et Alex Pettyfer (Numéro Quatre) ou le cabotinant Vincent Kartheiser (Mad Men), tous donnent l’impression d’arriver sur le plateau de tournage parce que la porte était ouverte. On sauvera peut-être Matthew Bomer et Olivia Wilde trop vite sacrifiés.

C’est bien simple, toute l’intelligence des scénarios d’Andrew Niccol est ici complètement noyée sous une histoire bateau et un casting pseudo hype mais qui n’a pas le talent pour porter le projet. On en viendrait même à penser que le film a échappé à son réalisateur tellement sa patte est ici presque inexistante (d’ailleurs, celui-ci n’ayant pas fait la promo du film, doit-on interpréter cela comme un renoncement au film face au studio ?) . En effet, Niccol nous avait habitué à présenter bien plus qu’un concept, à une véritable réflexion sur la politique, la société et l’humanité.
Avec Time Out, nous n’aurons qu’une banale série B qui passe le temps, à l’histoire simplifiée et à la portée anti-capitaliste profondément amoindrie nous laissant seulement entrevoir par instants et par quelques répliques ce qu’aurait pu être le film avec un réalisateur en pleine possession de ses moyens.