“Time out” d’Andrew Niccol

Par Boustoune

Ouverture : Le jeune et beau Will Salas (Justin Timberlake) rentre chez lui et embrasse la jeune et belle Rachel Salas (Olivia Wilde) pour lui souhaiter un bon anniversaire. Sa femme? Non, sa mère… Hein? Quoi?!? Comment ça, sa mère??? On ne va quand même pas nous faire gober que la divine Olivia Wilde (quels yeux magnifiques!) incarne une femme de cinquante ans! Même avec une utilisation intensive de crèmes et de sérums anti-âge…

Si?  Ah d’accord, Time out, le nouveau film d’Andrew Niccol, se déroule dans un futur proche où la génétique a fait tellement de progrès que les individus arrêtent de vieillir physiquement à partir de 25 ans. Ce n’est pas improbable, vu les récentes découvertes sur le vieillissement cellulaire. La contrepartie, c’est qu’à partir de cet âge-là, les individus sont condamnés à mourir, sauf à gagner du temps supplémentaire, un capital qui leur est administré via une puce intégrée dans leur avant-bras, qui fait aussi office de compteur leur indiquant le temps qu’il leur reste à vivre… et la monnaie dont ils disposent. Car dans ce monde-là, l’expression “le temps, c’est de l’argent” est à prendre au premier degré. Le temps étant devenu le bien le plus précieux, il sert de base à toutes les transactions financières.
La monnaie a été remplacée par le temps, mais finalement, rien n’a vraiment changé en termes de classes sociales. Les plus riches peuvent vivre centenaires sans aucun problème et habitent les beaux quartiers, tandis que les plus défavorisés habitent les bas-fonds et ont une espérance de vie beaucoup plus limitée.
La ségrégation est totale. Les nations ont été réorganisées en secteurs ou “zone-temps” qui abritent chacun des classes sociales différentes, et accessibles uniquement par un système de péage de plus en plus onéreux à mesure que l’on accède aux zones les plus luxueuses. Il est donc très difficile pour un individu issu d’un milieu modeste de côtoyer les personnes les plus fortunées et de voir ce qui se passe au sommet de leur pays…

Will Salas, justement, habite dans la zone-temps la plus minable des Etats-Unis. Sa mère, donc, et lui doivent travailler dur dans les usines pour gagner un sursis d’une journée supplémentaire. Mais depuis quelques temps, les salaires diminuent et le coût de la vie augmente. De ce fait, il devient de plus en plus difficile de survivre dans cette zone. Les cadavres jonchent les trottoirs et de plus en plus de gens, désespérés, sombrent dans la délinquance.
Un soir, dans un bar, Will prend la défense d’un homme venu des beaux quartiers et ayant plus de cent ans de crédit, sur le point de se faire attaquer par un gang de voyous. En fait, le bonhomme, nommé Hamilton, est déjà centenaire et cherchait volontairement à se faire agresser pour mettre fin à ses jours. Si le corps ne vieillit plus, l’intellect, lui, finit par se lasser, surtout dans les beaux quartiers où la vie est complètement oisive et manque cruellement de sens. Il avoue à Will qu’en fait, il y a largement assez de temps pour tout le monde vive une vie “normale”, mais que chez les plus riches, certains ont décidé d’avoir encore plus de temps, de tendre vers l’immortalité.

Pendant la nuit, il transfère à son sauveur la quasi-totalité de son crédit-temps avant de se suicider du haut d’un pont. Will essaie de le sauver, mais arrive trop tard.
Désormais riche, il part pour les beaux-quartiers avec l’intention d’y glaner encore plus de temps et de le redistribuer aux plus démunis. Sur place, il rencontre l’homme le plus puissant de la cité, Philippe Weis (Vincent Kartheiser), réputé “millionnaire” (en années de survie) et tombe sous le charme de la jeune et belle Sylvia (Amanda Seyfried, quels yeux magnifiques aussi…). Sa mère? Non, sa fille… Ah, faut suivre…Ben oui, le futur sera compliqué, qu’on se le dise!
Will s’apprête à plumer Weis au poker – l’un des rares loisirs de cette néo-bourgeoisie qui cherche à euh… tuer le temps… Mais il est interrompu par l’irruption des gardes-temps (les policiers locaux) qui le soupçonnent d’avoir tué Hamilton et qui lui reprochent surtout de s’enrichir anormalement pour un homme de sa condition sociale…
Le jeune homme (forcément jeune, il a 25 ans, comme tout le monde…) prend la fuite en emmenant Sylvia comme otage…

Toute ressemblance entre ce contexte et la situation économique mondiale actuelle n’est pas du tout fortuite. Time out est l’allégorie d’une société malade où les plus riches, qui ont déjà de quoi mettre à l’abri du besoin leur familles pour les quatre ou cinq générations à venir, cherchent à gagner encore plus d’argent sur le dos des classes inférieures, condamnées, elles, à se serrer la ceinture et à mener des vies de plus en plus difficiles.  C’est bien l’ultra-libéralisme qui est ici visé par Andrew Niccol. Son film dénonce les dérives d’un système qui privilégie une poignée de nantis tout en pénalisant des milliers de personnes en bas de l’échelle. Salutaire, mais étonnant de la part d’un gros film hollywoodien. Cela dit, le cinéaste n’est jamais tendre avec le système capitaliste. En témoigne son précédent film, l’excellent Lord of war
Et il n’est jamais tendre non plus avec l’usage détourné que les élites en quête de perfection pourraient faire de la science et du progrès. Cette réflexion était déjà au coeur des précédents films du cinéaste néo-zélandais, Bienvenue à Gattaca et S1m0ne.
Niccol aime à mettre en scène des hommes qui veulent devenir l’égal des dieux : le démiurge télévisuel de The Truman show (oui, on sait, c’est de Peter Weir, mais c’est lui qui a écrit le script original…), les élites eugénistes de Bienvenue à Gattaca obsédées par l’idée de l’échec ou de l’imperfection, le créateur de S1mOne qui façonne l’actrice parfaite, femme virtuelle plus adulée que toutes les stars en chair et en os, les dictateurs africains de Lord of war…
Et il aime aussi à mettre en scène ceux qui combattent cet ordre établi, ce système, des êtres imparfaits qui dépassent leurs limites pour faire triompher – ou non – une certaine idée de la liberté…

Avec son scénario qui s’inscrit dans cette logique-là, Time Out avait tout pour être une oeuvre subtile, finement politique et subversive, incitant à la fois à la réflexion et à la révolte. Ce n’est pas tout à fait le cas, hélas, mille fois hélas!
Certes, le point de départ de l’intrigue est original et intéressant, et on reçoit cinq sur cinq le message du cinéaste sur la mauvaise répartition des richesses et la nécessité de faire voler le système en éclats, mais le fond se laisse beaucoup trop submerger par la forme. La forme qui est ici, justement, en petite forme, se contentant d’un thriller assez plat, privilégiant l’action à la réflexion et empruntant beaucoup à des films comme Le Fugitif (pour la poursuite par un shérif d’un homme innocent du crime dont on l’accuse), Robin des bois (pour le côté voleur qui prend aux riches pour redistribuer aux pauvres) et Bonnie & Clyde (pour la cavale d’amants braqueurs de banques).

Les acteurs font un travail plutôt correct – même si le duo Timberlake/Seyfried n’a pas l’aura du couple Ethan Hawke/Uma Thurman dans Bienvenue à Gattaca – et l’ensemble est mené sans temps morts. Pourtant, le résultat nous semble un peu paresseux. La plupart des péripéties sont bien trop prévisibles pour nous enthousiasmer et nous entraînent sans trop d’enthousiasme vers un dénouement franchement décevant – pour ne pas dire un brin ridicule. Mais ça, on pourrait encore le pardonner, vu la cohérence globale du propos et son intégration dans la filmographie d’Andrew Niccol. En revanche, on sera un peu plus sévère sur la mise en scène en elle-même, qui manque singulièrement d’inventivité. De la part de n’importe quel tâcheron hollywoodien, le résultat aurait été jugé correct, sans plus, mais on attendait quand même mieux de la part du cinéaste néo-zélandais, qui nous a habitués au haut niveau. Où sont passés  les plans glaçants de Bienvenue à Gattaca, les mouvements de caméra élégants de S1m0ne, la folie visuelle du générique de Lord of war? Ici, il signe une série B honnête, mais qui n’est que l’ombre du grand film qu’elle aurait pu – et dû – être…

Cela dit, il y a quand même plus d’idées dans ce Time out (titre français débile, sachant que l’original est “In time”…) que dans la plupart des gros films d’action sortis cette année, et le nouveau film d’Andrew Niccol saura sûrement séduire de nombreux spectateurs. De quoi permettre au cinéaste de revenir ultérieurement avec un projet plus ambitieux et plus abouti, même si on appréhende un peu de le voir s’attaquer prochainement  à un roman de Stephenie Meyer, l’auteur de “Twillight”. A suivre, en espérant que l’on ne soit pas en train de perdre définitivement un des auteurs les plus originaux du cinéma hollywoodien…

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Time out
In time

Réalisateur : Andrew Niccol
Avec : Justin Timberlake, Amanda Seyfried, Cillian Murphy,
Vincent Kartheiser, Olivia Wilde, Alex Pettyfer
Origine : Etats-Unis
Genre : Time is money
Durée :
Date de sortie France : 23/11/2011
Note pour ce film : ●●○○
contrepoint critique chez : Filmosphere

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