Les Révoltés de l’Île du Diable, critique

Par Fredp @FredMyscreens

Coup de froid dans les salles. Les Révoltés de l’Île du Diable est sorti en toute discrétion mais n’en mérite pas moins toute notre attention. Voici une histoire dure et poignante, encore plus glaciale que le climat nordique qui lui sert de contexte.

Le siècle dernier, une île isolée, un climat rude, une maison de redressement. Un nouveau pensionnaire arrive et va semer le trouble parmi les occupants, que ce soit les jeunes soi-disant délinquants où les adultes qui les encadrent. L’histoire racontée par Marius Holst dans les Révoltés de l’Île du Diable n’est pas nouvelle. Les révoltes en prison ou dans des instituts pour mineurs ne sont pas nouvelles au cinéma. Pourtant le réalisateur arrive d’emblée à nous embarquer sur cette île, aux côtés de ces jeunes oppressés par l’autorité et ce climat rude.

Marius Holst ne fera pas d’étincelles du côté de la réalisation et se montre même très classique. Mais c’est justement ce classicisme d’une grande précision qui nous fait entrer dans le récit et ressentir toute la dureté de ce que vivent ces jeunes. Le réalisateur décrit méticuleusement le climat dans lequel ce tiennent les personnages. Que ce soit ce climat glacial, un hiver sans fin ou l’isolation complète du monde extérieur mais aussi les tâches qui leurs sont données par des adultes qui ont leur propres préoccupations. A croire que tout le monde ou presque a renoncé à être soi. Le directeur n’est plus qu’une ombre dont l’autorité est incontestée mais qui refuse de voir ce que ses subordonnés peuvent faire, tandis que l’enfant le plus indiscipliné est devenu serviable pour rejoindre le monde extérieur. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les jeunes sont dénommés par leurs numéros dès leur arrivée.

L’arrivée de Erling va justement bouleverser tout cet ordre établi. Renommé N°19 sur l’île, ancien délinquant dont nous ne connaitrons pas les méfaits mais sachant qu’ils doivent être tout à son honneur, il va remettre les pendules à l’heure, rappeler aux jeunes ce qu’ils doivent être et aux adultes que l’autorité ne doit pas être exercée au dépends de la sécurités des personnes dont ils ont la charges. Un gardien abusant de l’un des jeunes et le laissant dans la détresse, ignoré par le directeur sera l’élément déclencheur de la révolte qui gronde.

Mais le réalisateur ne va pas montrer les sévices, préférant s’attacher à l’impact des non-dits sur la psychologie des personnages auxquels nous prenons le temps de nous attacher. La détresse d’Olav, la fureur d’Erling, l’effacement du directeur (impressionnant Stellan Skarsgard), chacun est décrit avec respect et poésie. Une poésie aussi glaciale que le contexte de l’histoire mais qui n’en est pas moins émouvante comme en témoigne ce texte imaginé par Erling faisant le parallèle entre sa vie sur l’île et l’équipage d’un bateau de pêche.

Marius Holst prend son temps pour développer ces sentiments fraternels qui vont lier nos personnages, si bien que quand la révolte survient, nous ne pouvons qu’être avec les personnages, attentifs à leur sort, les encourageant à reprendre le pouvoir, à être eux-même, juste des gamins qui avaient besoin d’un peu de disciplines, pas d’être élevés dans un goulag. Mais au milieux de ce climat où la survie dépendra du courage et de la volonté des personnages, il y a malgré tout de la tendresse dans Les Révoltés de l’Île du Diable. Une tendresse âpre mais qui rapproche les personnes et créé des liens fraternels forts qui vont nous laisser dans le final bien plus qu’émus, bouleversés.

Servi avec brio par une majorité de jeune comédiens amateurs qui devraient faire parler d’eux, Marius Holst nous donne froid dans le dos avec Les Révoltés de l’Île du Diable. Un récit rude, froid mais attachant dont on ne ressort pas indemne.