Dans le bureau de Sheila O’Connor

Dans le bureau de Sheila O’Connor

Rien ne nous en apprend plus sur un auteur que d’examiner le lieu où il travaille. Si quelques scénaristes se vantent de pouvoir écrire n’importe où, la plupart d’entre eux ont besoin de se réfugier dans un lieu dédié. C’est dans ce sanctuaire qu’ils passent de longues heures solitaires à créer leurs histoires, coupés du reste du monde. Je vous propose de découvrir, à travers cette nouvelle rubrique, les bureaux de quelques scénaristes français(e), mais aussi leurs méthodes, leurs routines d’écriture…

Pour cette nouvelle édition, c’est ma consoeur Sheila O’Connor qui nous ouvre la porte de son bureau…

Sheila O’Connor est comédienne et scénariste. Elle s’est également illustrée en tant que dramaturge, auteur de contes, et réalisatrice.

Depuis combien de temps travaillez-vous comme scénariste ?

Officiellement depuis cinq ans, officieusement depuis une bonne dizaine d’années.

Travaillez-vous dans un coin de votre habitation ou dans une pièce dédiée ?

J’aime travaillez partout ! A la maison comme dehors.

Pouvez-vous décrire ce bureau ?

C’est une pièce lumineuse, pratique car l’espace est vaste et il peut servir à des réunions. L’endroit est calme et à l’abri des regards.

Dans le bureau de Sheila O’Connor

Avez-vous choisi un espace neutre ou êtes-vous contraire entourée d’objets et souvenirs ?

Les objets souvenirs sont présents mais quand je travaille, je n’y prête pas attention. Je garde plutôt l’œil sur le Bescherelle !

Etes-vous capable de travailler hors de cette « tanière » ?

Oh largement ! Parfois j’ai besoin de me confronter à l’Océan, à la nature, au silence total loin de la ville. Et selon le projet sur lequel je travaille, il m’arrive d’avoir besoin du fourmillement urbain, d’être dans des cafés, dans les transports en commun pour être concentrée. C’est un peu dingue mais le son crée des tensions et ça m’aide !

Travaillez-vous parfois dans des lieux publics ?

Cafés, bars, bancs publics ! Une petite préférence pour les TGV !

Etes-vous satisfaite de votre bureau et/ou l’organisation de vos journées de travail. Si la réponse est non, qu’aimeriez-vous pouvoir changer?

Je suis assez rigoureuse et je m’adapte facilement. Quelle liberté que de pratiquer le métier de scénariste ! J’aime tout de même être entourée d’un peu de bordel  (heu… désordre !) et sans plaquette de chocolat, c’est difficile !

Je bannis régulièrement le téléphone pour ne pas trouver le moyen de m’échapper !

Préférez-vous travailler seule ou avec un co-auteur ?

J’ai vécu les deux expériences et j’ai un petit faible pour travailler avec un coauteur. On rebondit, on rigole, on est carrément plus efficace. Et on se fait les breaks ensemble !

Etes-vous plutôt Mac ou PC ?

Quelle honte ! Je commence toujours par la plume ! A l’ancienne. Ensuite, ça m’est complètement égal, je travaille sur les deux machines. Maintenant qu’ils sont compatibles…

Dans le bureau de Sheila O’Connor

Utilisez-vous un logiciel d’écriture ? Si oui lequel ?

Je travaille actuellement sur un long-métrage avec Christian Monnier  fan de Final Draft. Je viens de découvrir la « bête » et je reconnais que c’est pas mal. J’y trouve quand même quelques inconvénients, il manque une règle en haut quand on travaille avec plusieurs couleurs, on est obligé de refermer la première mise en forme et en rouvrir une pour quelques mots plus tard. Ce qu’on gagne par rapport à Word, on le perd ailleurs. Mais le Navigator, c’est top !!!

Travaillez-vous à horaires fixes ?

Je préfère le matin (8-13h). Mais quand il y a une dead line, je peux rester devant l’ordinateur jusqu’à 4h du matin ! Le soir, j’aime relire le travail du matin.

Combien de temps de travail en moyenne par jour ?

5 à 7 heures. J’aime les grandes plages de travail, étirer le temps … Là encore, tout dépend de la date du rendu car au début d’un projet, je réfléchis, j’imagine les personnages dans certaines situations, je prends quelques notes etc … Il me faut du temps, un peu comme un Diésel !!!

Jusqu’à combien de pages utiles pouvez-vous écrire par jour?

C’est vraiment irrégulier. Au cinéma, on peut avoir cette sensation d’écriture automatique où tout vient facilement avant de corriger et 20-30 pages arrivent simplement lors du premier jet. Pour la télé c’est vraiment différent, nous devons respecter certains codes, la contrainte est plus présente. J’aime ça aussi la contrainte, ça structure !

Avez-vous besoin de faire des pauses à heure fixe ?

Je ne déjeune pas le matin à part un jus de fruit et mes 4 mugs de café ! Donc, vers 12h-13h, je croque !

Travaillez-vous dans le silence total ? En musique ?

Musique très souvent. J’écoute aussi des sons que je n’aime pas, exemple la techno quand je dois faire de la saisie à gogo !!!

Avez-vous un ou des compagnon(s) d’écriture à quatre pattes ?

Non, je me réserve cela pour mes vieux jours, ça m’obligera à sortir ! Je suis plutôt gros chien ! Depuis que je vis en région parisienne, je ne veux plus avoir d’animaux à la maison.

Vous coupez-vous du reste du monde ou restez-vous connectée à votre entourage (mail, téléphone, Twitter, Facebook…) ? 

Je coupe ! Et de temps en temps, histoire de reprendre un souffle ou besoin d’une info, je repars sur le Net et vérifie si un mail est arrivé. Mais là aussi, je m’oblige à rester disciplinée.

Avez-vous des rituels d’écriture ?

Café !!! Clope ! Music ! Chocolate !

Utilisez-vous une méthode particulière (tableau, fiches, cahier…) ?

Avec les coauteurs beaucoup plus ! Seule, je suis très cahier (grand format !)

Comment trouvez-vous l’inspiration ? Musique, photos, films ?

Je n’ai pas de problèmes de pages blanches. Je suis si reconnaissante de pouvoir travailler chez moi que l’inspiration vient d’abord de l’intérieur. Je manque de temps par contre. j’ai des tas de notes qui dorment, de synopsis qui trainent !

Dans le bureau de Sheila O’Connor

Avez-vous besoin de « carburants » (thé, café, tabac, nourriture…) ?

Comme je le disais plus haut, des excitants (café / clopes), du chocolat, et parfois un bon saucisson !!! Avec des pistaches à l’intérieur !

A quel moment et dans quel lieu pratiquez-vous le mieux le brainstorming ?

Je n’ai pas de lieu précis. Dès que j’ai le nez dehors ! J’observe les gens, je suis heureuse quand un rayon de soleil vient me chatouiller la bouille, je peux craquer devant un chat qui s’étire derrière une vitrine, tout me fait réagir. Je porte un petit carnet où je note tout ce qui me vient.

Prenez-vous beaucoup de notes ? Comment les organisez-vous (carnet, notes volantes, logiciel…) ?

Le carnet c’est dehors, à la maison c’est n’importe où. Post-it, feuilles volantes, bout d’espace sur une pub reçue dans la boîte à lettres. Après je mets des plombes pour les retrouver !!! Très rarement dans un logiciel sauf sur Final quand je travaille dessus, le « script note » est bien pratique.

Etes-vous sujette à la procrastination ?

Non ou alors dans un futur très proche. Si je suis fatiguée le soir, je suis capable de me lever très tôt (5-6h) pour rattraper le coup. J’ai pas mal d’amis qui y sont sujets !!!

Avez-vous déjà été frappée par le writer’s block ? Si oui, quelle est votre recette pour en sortir ?

Oui et j’ai acheté un livre très intéressant  : Libérez votre créativité de Julia Cameron. Depuis, ça n’est jamais revenu !

Quand vous prenez des vacances, vous coupez-vous totalement de votre travail ?

J’essaie ! Mais il s’avère que je concrétise avec des prods  régulièrement  avant l’été !!! Je m’oblige à une quinzaine de jours sans activité mais les méninges ne sont pas toujours d’accord.  Je fais des activités où le corps est en mouvement, sports, randonnées, je pense qu’il faut laisser reposer pour être plus créatif ensuite et… ne pas culpabiliser !

Qu’aimez-vous faire quand vous ne travaillez pas?

Faire la fête ! Voir des amis, des spectacles, voyager, apprendre encore et toujours, lire des essais !

Avez-vous un ouvrage culte traitant de l’écriture ?

Je viens de découvrir deux ouvrages très intéressant pour les auteurs TV :  Philosophie en séries (tome 1&2) de Thibaut de Saint Maurice chez Ellipses. Chaque chapitre est consacré à une série télévisée (française, anglaise, américaine), l’auteur en fait l’analyse et c’est passionnant. A conseiller à tous.

Qui est votre scénariste fétiche ?

Je n’en ai pas ! Ou alors plein ! En France, j’aime le travail de Agnès de Sacy, Zabou Breitman, Emmanuelle Bercot, Abdel Raouf Dafri, et je suis très sensible au travail d’Olivier Lorelle. En plus il est humble, un bonheur cet homme-là. Côté international : Robert Moresco qui a travaillé avec Paul Haggis (Collision), Guillermo Arriaga, scénariste mexicain (avec Inarritu), Fernando Meirelles et Paulo Lins (La cité de Dieu), Asia Argento … Et il y en a tant d’autres !!! C’est difficile de répondre à cette question.

Quelle est votre actu ?

Avec Violaine Bellet (qui a travaillé sur Un village français avec Frédéric Krivine), nous venons de signer pour une série TV qui parle des petites gens. Communauté de la débrouille au milieu de notre époque précaire. Nous mettons à l’honneur la solidarité. Et oui, ras le bol d’être tout le temps cynique et méchant ! Envie de bonté (mais il y aura des obstacles ! Promis !). Côté cinéma, je travaille avec Christian Monnier  et Danielle Laurent sur une histoire qui se tournera en Nouvelle Zélande. Dispersées par le vent décrit le portrait de quatre femmes qui se cherchent, se fuient, s’apprivoisent … C’est du bonheur en barre ! Et ça se passe dans une ambiance délicieuse ! Et ils aiment le chocolat ! J’ai aussi France Télévisions qui a pré-acheté mon prochain court-métrage Duo et la région Picardie qui suit … Si on boucle le budget, ça se fait fin de printemps 2012. J’aime réaliser mais je comprends parfaitement qu’en France, certains scénaristes n’en ont pas envie. Pourquoi faut-il absolument être auteur réalisateur, c’est dingue ! Quand on voit le nombre de chef d’œuvres, nés de la collaboration d’un auteur et d’un réalisateur complices, c’est un vrai problème en France, nous devons évoluer sur le sujet !

Rendez-vous dans quinze jours pour visiter un nouveau bureau de scénariste… 

Copyright©Nathalie Lenoir 2011