Take Shelter, critique

Par Fredp @FredMyscreens

Découvert à l’Étrange Festival et fortement remarqué à Cannes et Deauville dont il n’est pas reparti bredouille, Take Shelter, drame paranoïaque, arrive enfin dans les salles. 2012 commence donc sur un véritable coup de cœur  !

Deuxième film ensemble pour le réalisateur Jeff Nichols et Michael Shannon qui, après un Shotgun Stories à l’excellente réputation, s’intéressent encore à l’univers de l’Amérique profonde. En effet, Take Shelter est l’histoire d’un père de famille ouvrier qui voit sa vie basculer lorsqu’il commence à rêver qu’une tempête va s’abattre sur son foyer. Alors qu’il tombe petit à petit dans la folie, c’est la cellule familiale qui explose.

Si certains attendaient un film catastrophe, ils seront déçus. Take Shelter est avant tout un drame, une histoire intimiste et forte où le fantastique et le fléau s’immisce par pincées. Ainsi, Jeff Nichols prend son temps pour nous faire entrer dans le quotidien de Curtis et de sa famille avant que la paranoïa l’emporte. Un peu comme lorsque Spielberg décrivait la montée de la folie enfantine de Roy Neary dans Rencontres du Troisième Type, Nichols nous montre, de manière plus dramatique, comment une vision peut changer le comportement d’un père et mettre ses proches en danger et comment le manque de communication peut rapidement détruire une famille.


Le réalisateur nous fait alors peu à peu entrer dans la psyché de cet homme normal qui n’a rien demandé à personne. La paranoïa s’installe progressivement et les visions apocalyptiques installent aussi le doute chez le spectateur de manière marquante. Curtis devient-il fou ou medium, impossible de le savoir. Tout ce que nous savons, c’est que ces possibles prémonitions prennent le pas sur ses relations avec les autres. Cette montée en puissance de la paranoïa et de la perte de repères dans la structure familiale trouvera son point culminant et sa libération dans un final d’une puissance émotionnelle rare et exceptionnelle.

Finalement, seules les toutes dernières images à l’interprétation assez floue peuvent nuire Take Shelter suite à l’aboutissement qu’ont connu les personnages. Mais cette impression passe vite pour nous laisser en tête le moyen extrême qu’il faudra trouver pour ressouder cette famille à deux doigts d’être brisée.

Vision de l’Amérique post-11 septembre ou simple constat sur l’état de communication et de la confiance dans la cellule familiale de nos jours, Nichols réalise en tout cas ici un film puissant avec l’appui de comédiens exceptionnels. Car il est ici impossible de passer à côté des interprétations à fleur de peau de Michael Shannon, dont le regard fou glace le sang, et de Jessica Chastain, portrait de la mère et épouse parfaite (encore plus depuis The Tree of Life), ici mise à mal.

Take Shelter est ainsi de ces films qui restent en tête et nous accroche au fauteuil devant la puissance des émotions qu’il dégage. Un film poignant et déjà le premier grand coup de cœur qui ouvre l’année d’une belle manière.