J.Edgar, critique

Par Fredp @FredMyscreens

Clint Eastwood s’intéresse au patron mythique du FBI J. Edgar Hoover dans un portrait intimiste porté par un DiCaprio magistral mais à la réalisation fatiguée.

Après avoir superbement mis en scène sa propre mort dans Gran Torino et avoir très maladroitement regardé Au-Delà, Clint Eastwood éprouverait-il quelques regrets ? C’est en tout cas l’un des thèmes qu’il aborde en consacrant son nouveau film à la personnalité de J. Edgar Hoover, mythique chef du bureau d’investigation le plus connu de la planète. Mais plutôt que de nous offrir une fresque d’espionnage grandiose sur la construction du FBI et de ses secrets, Eastwood va s’intéresser à l’intimité de l’homme, discret mais au pouvoir immense.

Appuyé par un Leonardo DiCaprio en perpétuelle course à l’oscar, grandiose dans le rôle titre, J.Edgar est construit, comme de nombreux biopics, sur une série de flashbacks. Hoover âgé revoit sa vie, sa carrière et en dicte le récit à l’un de ses subordonnés. Une vie remplie d’interrogations et de zones d’ombres auxquelles l’homme ne répond que partiellement, laissant ainsi l’image de cet esprit qui hante encore les bureaux du FBI.

Si vous espériez en savoir plus sur la genèse du FBI ou sur quelques affaires qui ont marqué cette longue période pendant laquelle Hoover était à la tête du Bureau, vous risquez fortement d’être déçu. Très loin d’être un récit retraçant une partie de l’histoire de l’espionnage,  J.Edgar s’intéresse de manière très classique à l’homme. Nous en saurons ainsi plus sur sa vie privée, pourtant discrète, que sur les grands secrets d’état.
De la recherche de la fierté de sa mère à sa relation inavouée avec son bras droit en passant par sa confiance totale en sa secrétaire, le film parle plutôt des relations qu’il souhaite développer le plus confidentiellement possible et de l’image qu’il va se construire plutôt que des véritables faits d’armes accomplis. Du coup, le récit peine à inscrire l’homme dans la grande histoire et à faire ressentir au spectateur la subtile influence qu’il a pu avoir.

Ce manque d’ampleur, de chaleur mais aussi de rythme (parasité par ces incessants allers-retours dans le temps) font que, si l’histoire et la personnalité ambiguë de l’homme ne nous intéressent pas, on risque vite de décrocher. De facture très classique (mais pas pour autant académique étant le style personnel d’Eastwood bien présent), trop peut-être, J.Edgar ne décolle jamais vraiment. Si l’on perçoit bien tout l’intérêt qu’Eastwood porte à son personnage, celui-ci reste tout même assez effacé derrière la caméra et le magnifique travail sur la lumière de Tom Stern.

Il faudra en fait toute la puissance de jeu de Leonardo DiCaprio pour sortir le spectateur de la torpeur. L’acteur prend encore ici quelques risques et arrive à dépasser le maquillage (lorsqu’il incarne un Hoover âgé) pour livré une prestation dramatique du personnage. A la fois secret, menteur, manipulateur, froid et frustré, Hoover n’est pas forcément présenté sous son meilleur jour et toutes ses failles, malgré tout humaines, sont ici révélées. En cela DiCaprio est aidé par un Armie Hammer au rôle plus discret et effacé mais néanmoins indispensable.

Si J.Edgar s’avère relativement décevant (mais loin d’être inintéressant) par son sujet qu’il n’aborde qu’en surface avec une réalisation sans tension, le film s’avère toutefois un bel écrin pour démontrer à toute la palette de jeu de Leonardo DiCaprio encore parfait.