“A l’âge d’Ellen” de Pia Marais
Temps de chien, froid de canard. Ellen (Jeanne Balibar),une grande perche hôtesse de l’air, rentre chez elle, dans la grisaille allemande, après un nouveau périple autour du monde. Son compagnon l’accueille, muet comme une carpe. Il fait sa tête de cochon pendant tout le trajet de l’aéroport à leur domicile. Elle se donne un mal de chien pour le dérider, l’aguiche, le taquine. Rien n’y fait. Le type finit par cracher le morceau : il a une poule dans sa vie et la conséquence de leurs ébats est un joli ventre de baleine pour la jeune femme…
Ellen, à cheval sur les principes, considère que la fidélité, c’est sacré et quitte le domicile conjugal illico. Problème, elle ne sait pas où aller… Et comme un malheur n’arrive généralement jamais seul, elle voit d’un mauvais oeil la convocation de son médecin traitant, pour lui parler de son dernier bilan de santé. Il serait bien capable de lui annoncer qu’un crabe ou autre bestiole à pinces lui ronge la santé…
Alors, elle reprend son envol, fuit dans le travail. Un trajet l’emmène en Afrique Noire. Au moment de repartir, une femelle guépard perturbe le décollage. Ellen est fascinée par l’animal, mais aussi par l’association de protection des animaux qui intervient pour empêcher que le félin ne soit abattu par les forces de l’ordre…
De retour au bercail, Ellen se pose plus de questions que jamais sur sa vie. Son travail l’étouffe de plus en plus, elle est hantée par l’image de ce guépard en liberté… Elle décide de tout plaquer sur un coup de tête.
Sans argent, sans domicile, Ellen traîne un temps dans l’aéroport et les hôtels glacials. Elle y croise une petite cochonne qui l’invite à une soirée coquine. Puis elle reprend la route et rencontre sur un groupe d’activistes oeuvrant contre la consommation de viande, contre la vivisection, contre l’exploitation des animaux et prônant un mode de vie vaguement hippie, peace and love, communautarisme et alimentation végétalienne.
Elle tombe amoureuse d’un jeune loup du mouvement et le suit dans sa croisade pour la libération des singes et des souris de laboratoire…
On se doute bien qu’elle ne va pas en rester là et va finir par trouver sa voie en Afrique, auprès des animaux sauvages.
Mais le film met beaucoup de temps à arriver à ce point-là. A vrai dire, il ne décolle jamais vraiment – ce qui est embêtant pour raconter les tribulations d’une hôtesse de l’air – et reste embrumé dans la grisaille d’une ambiance franchement cafardeuse…
Bref, on peut très bien décider de lui poser un lapin…
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A l’âge d’Ellen
Im alter von Ellen
Réalisatrice : Pia Marais
Avec : Jeanne Balibar, Stefan Stern,Georg Friedrich,
Eva Löbau, Alexander Scheer, Julia Hummer
Origine : Allemagne
Genre : des animaux et des hommes
Durée : 1h35
Date de sortie France : 04/01/2012
Note pour ce film : ●●●○○○
contrepoint critique chez : Les Inrockuptibles
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”Freakonomics” de Heidi Ewing, Morgan Spurlock, Alex Gibney,
Seth Gordon, Rachel Grady, Eugene Jarecki
Les films à sketches réalisés par un collectif de cinéastes souffrent souvent d’un contenu hétéroclite et de qualité inégale. Il en va de même pour les films documentaires…
Pour illustrer sur grand écran leur best-seller “Freakonomics”, les écrivains/statisticiens/économistes Steven Levitt et Stephen Dubner ont fait appel à la crème des documentaristes américains : Morgan Spurlock (Supersize me), Heidi Ewing et Rachel Grady (Jesus camp), Eugene Jarecki (Why we fight)… Et le résultat est de qualité assez variable.
Spurlock fait le minimum syndical avec une étude sur l’influence d’un prénom sur la réussite individuel. Son segment est rythmé, coloré, et amusant, sans plus…
Mais il ennuie quand même moins qu’Alex Gibney et sa thèse sur les matchs de sumo truqués, en parallèle avec la corruption au niveau économique et politique, un peu… lourde.
Le segment d’Eugene Jarecki est filmé sans grande inspiration, mais est suffisamment intéressant pour maintenir notre attention. On y apprend que si la criminalité a baissé aux Etats-Unis vers la fin des années 1990, c’est parce que l’avortement a été légalisé vingt ans auparavant! Ceci a permis moins de grossesses non-désirées, et moins d’enfants mal-aimés enclins à tomber dans la délinquance… Logique imparable…
Mais le meilleur morceau du film est le tout dernier, signé Ewing & Grady.
Les deux réalisatrices démontrent qu’offrir de l’argent aux étudiants en échange d’un bulletin de notes en progrès n’est finalement que peu efficace et peut même avoir les effets inverses que ceux escomptés…
Mais si le film se termine sur une note positive, il n’en demeure pas moins assez déséquilibré.
Pire, il manque de liant et de cohérence. On ne comprend pas vraiment ce que cherchent à démontrer les auteurs avec leurs questions farfelues et leurs outils statistiques. Ce qui en ressort, c’est que la réussite d’un individu dépend bien plus de son origine sociale et culturelle que du choix d’un prénom ou de stimuli externes (était-ce bien nécessaire de le prouver?), et que les statistiques peuvent permettre de repérer plus facilement les tricheurs (mouais…).
Bref, voilà un film assez moyen et pas du tout indispensable…
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Freakonomics
Freakonomics
Réalisateurs : Heidi Ewing, Morgan Spurlock, Alex Gibney,
Seth Gordon, Rachel Grady, Eugene Jarecki
Origine : Etats-Unis
Genre : documentaire à sketchs
Durée : 1h25
Date de sortie France : 04/01/2012
Note pour ce film : ●●●○○○
contrepoint critique chez : Le Monde
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“Goodbye Mister Christie” de Phil Mulloy
On ne sait pas trop à quoi carbure Phil Mulloy, mais c’est du costaud…
On avait déjà eu un bel aperçu de l’univers singulier du cinéaste britannique à travers ses courts-métrages (Mondo Mulloy, Intolérance…). films d’animations au style graphique “rudimentaire”, mais aisément reconnaissable, et surtout à l’humour noir décapant, pour fustiger les travers de l’humanité en général et de la société anglaise en particulier.
Et voilà qu’il va encore plus loin en passant au format long… Il reprend les personnages de sa série The Christies, une famille typique de la bourgeoisie anglaise – père égocentrique, borné, stupide, mère bigote et idiote, ados dégénérés et rebelles, chien méchant… – et les plonge dans une intrigue complètement déjantée qui n’est ni plus ni moins qu’une variation autour de la fin du monde.
L’Apocalypse selon Phil Mulloy, ça donne quoi?
Hé bien ça commence un peu comme dans un film de Fassbinder : un marin français curieusement prénommé Ramon débarque dans une ville anglaise et diffuse immédiatement son charme latin dans l’air en même temps qu’une petite musique romantique qui, comme le son de la flûte du musicien attirait les rats, fait ici craquer les femmes. Madame Christie, par exemple… On ne tarde pas à comprendre pourquoi l’homme s’appelle Ramon(e). Aux va-et-vient du bateau sur la houle ont succédé des va-et-vient d’une toute autre nature, plus charnelle…
Madame Christie se laisse charmer non sans plaisir, mais éprouve de la culpabilité. Elle se confesse au prêtre local, qui l’écoute avec attention, se voyant bien prendre la place du marin auprès de la jolie (in)fidèle… Puis elle essaie d’avouer sa faute à Mr Christie, sans succès. L’homme est trop occupé à essayer de mater son fiston, ado rebelle et décérébré qui passe son temps à écouter de la musique de sauvage et à jouer à des jeux vidéo violents.
Puis le film prend des accents pasoliniens. Comme dans Théorème, Ramon vient semer la zizanie dans la famille en séduisant également Mr Christie lui-même, sous l’emprise de la fameuse musique… Même le chien de la famille rêve d’être possédé par le beau marin!
C’est là que ça se corse…
Le chien des Christies est un chien qui parle (!), ce qui attire l’attention d’une chaîne de télévision. Une équipe de reportage vient s’immiscer dans le quotidien de la famille et tombe sur une partie de jambes en l’air faisant intervenir Mr Christie et Ramon.
Le public se passionne pour cet homme qui ose se montrer dans toute sa fragilité à la télévision. Il devient une icône télévisuelle, un nouveau Messie qu’idolâtrent des hommes et des femmes partout sur la planète. Christie? Bon sang mais c’est bien sûr, il s’agit de la réincarnation de Jésus venue sauver le monde… Enfin…
Mr Christie, lui, s’en fout un peu… Comme d’habitude, il est centré autour de son nombril. Il se met en tête de creuser un tunnel pour se rendre en Australie, de l’autre côté de la Terre… Pendant ce temps, les choses dégénèrent : le prêtre, débarrassé du mari gênant, élimine Ramon pour pouvoir enfin déclarer sa flamme à Mrs Christie. D’autres morts viennent s’ajouter à celle-ci et Dieu décide d’intervenir, sous la forme d’une araignée (hop, écrasée!) puis d’une mouche (hop, écrasée!) et devant l’étendue de la stupidité humaine, décide de tout effacer…
Oui, on vous avait prévenus. Goodbye Mister Christie postule d’ores et déjà au titre du film le plus barré de 2012.
Certains resteront probablement totalement hermétiques à cet univers déjanté et graphiquement assez “simpliste”. Les autres apprécieront sans doute cet humour noir teinté d’absurde qui sert à orchestrer un monumental jeu de massacre où sont visés, pèle-mêle, la bourgeoisie britannique et les french bastards lovers, les jeux vidéo violents et la télé-réalité, la rébellion adolescente et la rigidité morale des vieux, le puritanisme et la bigoterie, la famille et l’individualisme…
De quoi tutoyer les sommets…
Sauf que, de notre point de vue, le film s’essouffle assez rapidement à mi-parcours. Autant on avait apprécié les délires politiquement incorrects de Phil Mulloy en format court, autant le même principe, étiré sur 1h20 nous semble un peu longuet, et ce n’est pas le visuel assez laid de l’ensemble qui parvient à compenser cela…
On salue le côté iconoclaste de cet objet cinématographique non-identifié, et on est heureux de voir que des auteurs de films d’animation adultes tels que Bill Blympton ou Phil Mulloy parviennent à réaliser des oeuvres sortant des sentiers battus et des systèmes de production classiques, mais on n’adhère donc pas totalement à ce nouveau projet.
Tant pis, ce n’est pas la fin du monde…
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Goodbye Mister Christie
Goodby Mister Christie
Réalisateur : Phil Mulloy
Origine : Royaume-Uni
Genre : Apocalypse à l’anglaise
Durée : 1h17
Date de sortie France : 04/01/2012
Note pour ce film : ●●●●○○
contrepoint critique chez : Ecran Large
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