L’Amour dure trois ans, c’est le premier test de Frédéric Beigbeder derrière la caméra avec le génial humoriste/cartésien désabusé Gaspard Proust. A la recherche du bonheur dans une joyeuse farandole rajeunissant la comédie sentimentale française.
Le film raconte donc l’histoire de Marc Marronnier (Gaspard Proust), critique littéraire et fêtard la nuit, qui se laisse aller après son récent divorce, répudie l’amour et en théorise l’impossible longévité dans un livre, l’Amour dure 3 ans, rapidement best-seller. Et puis il rencontre Alice (Louise Bourgoin) qui va bouleverser sa vie.
Entre rejet égoïste du bonheur et douce folie amoureuse, les 2, bien entourés, vont se faire la nique pendant 1h30.
Film à tiroirs, de portes ouvertes sur plein de mondes différents, l’Amour dure 3 ans peut s’interpréter et s’apprécier de diverses façons. Parfois pathétique, mélancolique, onirique, dépressif, cynique romantique, l’Amour dure 3 ans est un film… qui se cherche. On peut penser à quelques interprétations pour ce qui est du traitement recherché par Beigbeder, et à 2 fois plus de critiques possibles sur ce qu’on pourrait bien en penser.
En fin de compte, ce premier jet d’un réalisateur qui aime la comédie, est assez frais, fou et mignon. Frédéric Beigbeder raconte à qui veut bien l’entendre qu’il est fana de la comédie sentimentale à la Woody Allen, qu’il aime la classe américaine à la Billy Wilder et les dialogues taillés aux répliques cinglantes de Judd Apatow. Beigbeder le montre une fois de plus, il aime le cinéma ; c’est un bon début. Mais qu’en est-il de sa comédie ? Entre romance aux accents amers et comédie romantique moderne, on ne saurait où classer l’Amour dure 3 ans.
D’amour, il en sera beaucoup question : enfin surtout pas mal de désir, de l’idée de tromper son ennui, de posséder plus que ce qu’on a déjà, de récupérer ce qui vous file entre les pattes. 2 sentiments dominent ce long-métrage : le mal-être d’être sans l’autre et le désir de posséder l’autre pour son contentement personnel ! Après, on appelle ça aussi de l’amour.
Une fois cette opposition établie, ajoutez un pauvre critique littéraire désabusé tentant de survivre sa rupture et surtout l’échec de son précédent amour. Il réalise un livre d’adolescent devenu macho car délaissé, devient rapidement un génial géniteur d’un must de la littérature populaire dont malheureusement la rencontre avec une beauté espiègle renversera toutes les acidités amoureuses. Ça c’est pour le scénario.
Pour ce qui est des acteurs (dans le désordre Joey Starr, Gaspard Proust, Louise Bourgoin, Jonathan Lambert, Frédérique Bel, Bernard Menez), ils apportent tous leurs univers personnels développés sur scène, au théâtre, à poil sur Comédie ou à la météo de Canal +… quelque fois de façon un peu décalée mais cela restant très raisonnable. Mais le plus gros boulot est livré par Gaspard Proust qui chausse ses bottes de grand timide maté d’un macho peureux et prétentieux. Oui c’est presque voulu.
Et si la légèreté comique un tantinet absurde de l’univers de Beigbeder, entre le too-much et le pas-assez, n’allégeait pas le film, on aurait droit ici à une bonne comédie sentimentale française habituelle, ringarde et chiante. Celles où généralement les personnages fument cigarette sur cigarette en buvant des cafés dans des bistrots, en regardant par une fenêtre où ruisselle l’eau d’une pluie battante avec un petit thème de piano lent pour seule frivolité.
Ce film s’adresse donc pour pas mal à ceux qui se promènent toujours dans un Paris ensoleillé et en habits légers, pour ceux qui ont une situation mais ne travail pas, pour ceux qui ont même des livres dans leur salle de bain, qui partent en week-end à St-Jean-de-Luz (terre d’affection de Beigbeider), qui boivent du vin dans des grands verres, qui conduisent une coccinelle décapotable,… A toutes ces petites aspirantes bourgeoises parisiennes habillées comme des grands-mères qui refusent de se voir vieillir, l’Amour dure 3 ans arrivera peut-être à faire trembler la corde sensible.
Clairement, l’Amour dure 3 ans est un film schizophrène ! D’un côté on a une revisite de la comédie sentimentale chiante à la française qui se révèle donc un beau petit morceau tendre et aux répliques bien amenées ; un plaisir total de ne pas se bassiner une mièvrerie fade aux acteurs constipés !
De l’autre, on se retrouve face à une fable d’un amoureux qui s’ignore dans une cage à souris bâtie par Eric & Ramzy, à la puérilité déconcertante.
Beigbeider parvient à s’affranchir un peu de la fausse mièvrerie parisienne bienpensante qui entend dissimuler les vrais sentiments sous une panoplie d’attitudes superficielles, occultant toute affirmation d’une personnalité propre. Parce qu’il en a quand même de la personnalité le Gaspard Proust / Frédéric Beigbeder !
Et s’il ne fallait pas être aussi cynique que ça, pour juste aimer Louise Bourgoin tombant fou d’amour pour Gaspard Proust dans un tourbillon des sentiments ?