19e Festival de Gérardmer, bilan (1/2)

Par Fredp @FredMyscreens

La semaine dernière, le Festival International du film fantastique de Gerardmer tenait sa 19e édition. Connu comme l’un des plus gros festival du film de genre depuis des années, il s’est forgé une réputation d’» immanquable»  pour les fans d’étrange et de surnaturel. Emmenée par un jury qui n’avait peut-être pas grand chose à voir avec le fantastique, la sélection s’est avérée cette année d’une qualité plutôt moyenne mais extrêmement diversifiée, allant allégrement du pur gore au film post-apocalyptique en passant par les fantômes coréens ou anglais ou même de la grand SF robotique. Bref, il y en avait pour tous les goûts. En 48h sur place, c’est pas moins de 9 films que nous avons eu l’occasion de voir. Voici donc la première partie de notre présence à Gerardmer avec : la Maison des Ombres, Pastorella, The Day, Hell et Corman’s World.

Nous commençons donc avec La Maison des Ombres (the Awakening) de Nick Murphy, présenté en compétition. Film de fantôme british se déroulant après la première guerre mondiale, on y découvre Rebecca Hall (Vicky Christina Barcelona, le Prestige) enquêtant sur la présence d’un fantôme dans un pensionnat géré par Dominic West (300, Centurion). Dans une première partie très intéressante, le réalisateur arrive à nous faire entrer dans l’atmosphère de ce début de XXe siècle où le mystère est là. A travers le personnage de Florence, particulièrement développé tout au long du film, il trouve même un angle très intéressant pour apporter beaucoup de rationnel dans cette histoire fantôme. L’ambiance est bien là, portée par des comédiens investis et une réalisation efficace dans sa sobriété, ne cherchant pas à faire de l’esbroufe.
Qu’est-ce qui peut bien clocher alors dans cette Maison des Ombres ? Pas grand chose si ce n’est qu’on a tout de même une bonne impression de déjà-vu. Impossible en effet de ne pas penser au tarabiscoté frenchie Derrière les Murs mais surtout au très bon Les Autres d’Alejandro Amenabar, en particulier lorsqu’arrive un twist final qui n’avait peut-être pas besoin d’être révélé comme tel mais qui a en tout cas le mérite de développer encore plus son personnage principal féminin. Au final, sans réinventer le genre et malgré quelque clichés, Nick Murphy réalise une série B d’épouvante fouillée et bien menée, qui se regarde sans déplaisir.

Revenons maintenant sur le Festival qui, pour cette 19e édition a choisi de rendre hommage à une vraie gueule du cinéma fantastique. Grand fidèle des réalisateurs aux univers personnels mais à l’aura internationale, c’est un Ron Perlman (la Guerre du Feu, la Cité des Enfants Perdus, Cronos, Sons of Anarchy, Drive) humble et ému qui a reçu cette distinction des mains de ses acolytes frenchies des première heures de sa carrière : Jean-Jacques Annaud et Jean-Pierre Jeunet qui ont pour l’occasion raconté de délicieuses anecdotes sur leurs rencontres et leur travail avec le Hellboy préféré de Guillermo Del Toro. Un beau moment pour un acteur incontournable des fans de fantastique.

Nous reprenons ensuite la compétition avec Pastorella de Emilio Portes. Le réalisateur est jusque là resté cantonné à son Mexique natal et on se demande bien où le Festival a bien pu trouvé ces 90 minutes  d’humour déglingué. Racontant l’histoire d’un flic qui veut à tout prix interpréter le Diable dans la pièce religieuse annuelle organisée par le nouveau pasteur, Pastorella est un concentré d’irrévérence saupoudré de fantastique démoniaque et un chouilla sanglant.
Comme si Alex de la Iglesia réalisait un film Grindhouse avec une photo sale et n’hésitant pas à démonter les principes de la religion (dès les 5 premières minutes, un prêtre se tape une bonne sœur, c’est pour donner un avant goût de ce qui nous attend !), Emilio Portes nous embarque dans un grand délire qui navigue entre le grotesque et l’absurde, provocant de gros éclats de rires face à tout ce qu’il se permet. Bien sûr il y aura toujours des personnes hermétiques au genre mais si on apprécie, ce Pastorella est un gros moment de n’importe qui fait plaisir et si un distributeur a les cojones de le sortir en France, je lui tire mon chapeau !

Place ensuite à l’avant-première de The Day. Produit et joué par Dominic Monaghan (le Seigneur des Anneaux, Lost) et Shawn Ashmore (X-Men, Frozen), ce film post-apocalyptique réuni tous les ingrédients du genre : des personnages perdus, la photo déssaturée, la recherche d’un abri et de nourriture, les méchants cannibales… Évidemment, à son détriment, la comparaison avec La Route est immanquable , mais si The Day ne sort pas des sentiers battus et manque clairement de budget, il dégage tout de même assez de personnalité pour l’apprécier à sa juste valeur.
The Day est donc une bonne série B aux personnages humains certes un peu cliché, mais surtout qui ne va pas chercher le happy end. Au contraire, en sacrifiant dès le début son personnage le plus rempli d’espoir, le film donne le ton et trouvera son rythme et son cachet dans un assaut final bien mené grâce au personnage discret mais sacrément badass d’Ashley Bell. Après Highlander Endgame, Douglas Aarniokoski redore son blason de manière intéressante mais surtout, ses deux acteurs montrent ici des intentions de production à suivre de près.

Second film post-apocalyptique du festival, c’est l’allemand Hell de Tim Fehbaum qui se retrouve en compétition. Pas de photo à la limite du noir et blanc ici puisque c’est sur une terre brulée par les rayons du soleil que se tient l’action. Plus fauché que The Day, Hell peine à faire exister ses personnages et agace fortement par sa shaky cam permanente. Si l’on apprécie les instants d‘une première partie se déroulant en plein soleil et reflétant alors de belles intentions graphiques de la part de son réalisateur, le film s’engouffre malheureusement rapidement dans les clichés du survival type Massacre à la Tronçonneuse (encore une histoire de cannibales dans un film post apocalyptique donc) laissant tomber ce qui était plutôt intéressant et sortait des sentiers battus. En laissant tomber les choix audacieux de la première partie, Hell devient alors un banal film de survie de nuit souvent peu lisible. Dommage.

Un moment de détente et de pédagogie s’impose ensuite. Avec Corman’s World : Exploits of A Hollywood Rebel, Alex Stapleton dresse un portrait de l’un des cinéastes les plus prolifiques des années 50 à aujourd’hui mais surtout nous montre une toute autre facette d’hollywood, celle qui s’étend series B dispensables aux nanars cultes. Une recette imparable : pas de budget, de mauvais acteurs, des boobs, des clichés mais beaucoup de plaisir artisanal pour faire des films d’exploitations destinés à être rentables.
A travers les témoignages de nombreux réalisateurs et acteurs qu’il a fait travailler (Martin Scorsese, Jack Nicholson en tête mais aussi Ron Howard, Joe DantePam Grier, …) ou qu’il a grandement influencé (Quentin Tarantino évidemment), Corman’s World est un documentaire passionnant et réalisé de manière ludique (avec quelques extraits des films culte de Roger Corman évidemment) sur un état d’esprit qui a disparu aujourd’hui mais dont l’emprunte culturelle se ressent aujourd’hui dans bon nombre de divertissements de réalisateurs biberonnés aux films de seconde zone autrefois diffusés dans les drive-in.

A suivre dans la seconde partie  : Eva, Emergo, The Theatre Bizarre, The Cat et évidemment, le palmarès du Festival de Gerardmer.