Nous continuons aujourd’hui notre bilan du Festival International du film fantastique de Gerardmer. Après les films post-apocalyptique, les délires religieux, le fantôme anglais, l’hommage à Ron Perlman et une belle revue de nanars (voir la première partie), nous allons cette fois nous intéresser aux robots avec Eva, aux phénomènes paranormaux avec Emergo, à un concentré d’horreur (The Theatre Bizarre) et au fantôme coréen (The Cat), sans oublier évidement, le palmarès !
Eva était sans doute l’un des films les plus attendus dans la compétition du festival. Bénéficiant d’excellents échos du festival de Sitges, le film de Kike Maillo est une belle réflexion sur la robotique et la paternité. Dans la droite lignée de A.I., Eva raconte l’histoire d’un ingénieur de retour au pays qui va tenter de créer un enfant robot alors qu’il se lie d’amitié avec la fille de son frère. L’univers légèrement futuriste de Maillo intégrant des robots dans notre quotidien est ici crédible et nous plonge tout de suite dans cette histoire intimiste. Elle est même dans la droite lignée de ce que peut proposer Isaac Asimov sur l’identité des robots. Même si la réflexion n’est pas aussi profonde est maîtrisée que dans le film de Spielberg, on se pose bien des question sur le fait d’être parent et sur la réalité des émotions des robots qui se révèlent finalement aussi humains que nous lorsqu’ils dépassent leur programme pour proposer de véritables sentiments.
Si la réflexion est belle, elle est tout de même légèrement atténuée par la volonté peut-être trop affichée de son réalisateur à vouloir faire passer des sentiments tout en révélant certaines choses trop tard. En effet, le twist final aurait permis d’approfondir bien plus sa réflexion si il avait été révélé plus tôt et aurait ouvert d’autre pistes encore plus intéressantes sur la relation paternelle de l’ingénieur et du robot. Mais Eva n’en est pas moins un film sincère et touchant, révélant la patte d’un auteur à suivre. A découvrir le 21 mars au cinéma.
Hors compétition, l’Espagne nous envoie Emergo. Que dire sur le film si ce n’est qu’une pâle copie du déjà très mauvais Paranormal Activity ? A part une phase d’introduction moins longue que son modèle, nous plongeant ainsi plus rapidement dans le récit, il n’y a pas grand chose à sauver. Des personnages tout droit sortis de Confessions Intimes, l’utilisation de la « caméra de surveillance» histoire d’avoir une bonne excuse pour montrer des images crades, de gros raccourcis entre schizophrénie et possession démoniaque, des jump scares parfois efficaces mais tout sauf inventifs, des meubles qui bougent, des bruits bizarres, … Bref, ce n’est qui n’est qu’un ersatz sans aucun intérêt et il n’y a vraiment pas besoin de s’étendre sur le sujet.
Séance de minuit avec The Theatre Bizarre. Cette anthologie de l’horreur est composée de 6 court-métrages fantastico-horrifiques réalisés par quelques figures marquantes du genre ces dernières années, le tout lié par l’univers du Théâtre Guignol que s’est approprié Jeremy Kasten avec Udo Kier. Objectif ici : laisser une liberté totale aux créateurs. Avec l’introduction de Kasten dans son très glauque théâtre de marionnettes, on est tout de suite plongé dans l’ambiance burlesque du film qui va enchaîner les petites histoire avec plus ou moins de réussite.
On commence donc avec le grotesque The Mother of Toad de Richard Stanley qui fait tomber un touriste dans les bras d’une sorcière dans la France profonde. Bonne idée de mettre en avant ainsi nos légendes locales mais ça ressemble ici plus à un épisode de Chaire de Poule pour adulte qu’à un bon court-métrage à coller des frissons. Le second segment est un récit plus intimiste et psychologique qui n’hésite pas à montrer les aveux cruels d’une femme devant son amoureux transi… I Love You de Buddy Giovinazzo est déjà plus intéressant. Place ensuite au moins fantastique mais beaucoup plus percutant The Accident de Douglas Buck qui, sous ses airs de spot pour la sécurité routière, révèle toute la réflexion d’une enfant sur la mort. Le texte est beau, les images prennent au cœur, assurément le film qui sort le plus du lot, autant par sa qualité que par son « hors sujet» .
On retombe ensuite tout de suite dans le pur fantastique et même le fantasmagorique avec Wet Dreams de Tom Savini. Le réalisateur nous gratifie ici d’un court construit comme un Hollywood Night version gore à base de femmes presque toujours dévêtues et de vengeance sanglante. Un joyeux délire sans réflexion mais un bon plaisir coupable. Puis suit le véritable de choc de ce Theatre Bizarre, le Vision Stains de Karim Hussain. Le canadien va nous mettre mal à l’aise dans son récit à base dépendance à la drogue version medium. Bourré d’idées de mise en scène et de réflexions intéressantes sur la vie et la mort qu’il serait intéressant de voir développées sur un long-métrage, Hussain va au bout du malaise et il vaut mieux ne pas avoir froid aux yeux pour apprécier ce segment. Enfin, le dernier court-métrage est digne d’un feu d’artifice gore. Avec Sweets, David Gregory nous invite joyeusement à festoyer dans un récit de bourgeois accros à la nourriture et finissant dans une véritable orgie de bouffe gore.
Dernier film vu en compétition pour nous, The Cat. On attendait un peu plus d’originalité du film coréen de Byun Seugwook. Mais rapidement on se trouve en terrain balisé avec cette toiletteuse qui va recueillir un chat annonciateur de morts tragique. Pour qui aura vu Dark Water ou n’importe quel film de fillette fantôme japonais, se sera même d’un ennui total tant le film reprend les recettes éculées du genre avec peut-être juste un peu plus de moyens mais sans vraiment d’idées. Même les personnages sentent le déjà vu dans cette intrigue plus que prévisible.
Avec neuf films vus en compétition ou en avant-première pour nous, le Festival de Gérardmer s’est montré plutôt diversifié et nous espérons qu’il continuera d’exister malgré les rumeurs et les difficultés. A noter qu’étaient aussi montrés pendant le festival des films attendus que nous n’avons pas eu l’occasion ou le temps de voir (le Twixt d’ouverture de Coppola, Babycall avec Noomi Rapace, l’attendu Chronicle ou le romantique Perfect Sense) et que nous avions déjà vu quelques films qui étaient présentés à l’Étrange Festival (The Woman, The Divide, Norwegian Ninja ou Tucker & Dale). Place donc maintenant au palmarès du festival avec le jury présidé par le dessinateur Enki Bilal et composé de Christine Citti, Vincent Desagnat, Dina Drukarova, Tonie Marshall, Agnès Merlet, Joann Sfar et Tomer Sisley.
Grand Prix : BabyCall
Prix du Jury : Beast et La Maison des Ombres
Prix du Public : Eva
Prix de la critique : BabyCall
Prix du jury jeunes de a région lorraine : La Maison des Ombres
Prix du jury SyFy : La Maison des Ombres
Grand Prix court-métrage : Le Cri