A l’occasion de la sortie de Cheval de Guerre, revenons ce dimanche sur l’un des films les plus personnels de Steven Spielberg, regroupant ses grands thèmes favoris et révélant un grand acteur, et pourtant souvent oublié du public, le magnifique Empire du Soleil.
Après les grands succès du box-office qui ont fait de lui le maître du divertissement à Hollywood, Steven Spielberg s’est orienté vers un registre plus intimiste dans la seconde partie des années 80. C’est ainsi qu’après La Couleur Pourpre, il commence à travailler sur Empire du Soleil. A l’origine, le livre quasi-autobiographique de J.C Ballard devait être adapté sur grand écran par le grand David Lean. Mais celui-ci trouvant le sujet trop proche du Pont de la Rivière Kwai laissa tomber le projet. Grand bien lui en a pris puisque Steven Spielberg se retrouva tout de suite dans le script.
Et pour cause, l’histoire d’un enfant abandonné au beau milieu d’une guerre avait tout pour plaire au créateur d’E.T. Empire du Soleil raconte donc se déroule dans la Chine occupée par le Japon, lorsque celui-ci déclare la guerre aux Etats-Unis. C’est la panique et le jeune James Graham est séparé de ses parents puis emmené dans un camp de prisonnier où il va devoir s’adapter pour survivre.
Composé en trois grandes parties, le récit commence par nous dépeindre l’environnement bourgeois dans lequel a grandi James à qui tout est accordé. Protégé dans son cocon familial, loin de la pauvreté et de la guerre qui veille le jeune tête à claques ne pense qu’aux avions jusqu’à ce qu’il soit séparé de sa famille et se retrouve seul dans les rues de Shanghai. Dans cette première partie, Spielberg nous décrit un gamin pourri-gâté mais c’est surtout son coté rêveur et passionné qui va l’intéresser. Avec une reconstitution impressionnante de Shanghai, il nous immerge complètement dans le contexte d’occupation japonaise complexe mais toujours à hauteur humaine, filmant simplement un grand drame humain à travers les yeux d’un enfant esseulé.
La seconde partie verra l’enfant grandir dans un camps de prisonniers regroupant américains et britanniques. Protégé par le charlatan Basie, il va s’adapter et faire vivre le camp, apportant de l’aide à tous pour oublier lui-même ce qui lui est arrivé. Si cette partie ne montre pas toutes les difficultés de la vie dans ce milieu carcéral, c’est parce que Spielberg n’a pas encore cette vision sombre qu’il développera ensuite. Il préfère garder cette vision de l’enfant qui verra le camp comme un terrain de jeu pour éluder la vérité.
Puis arrive la dernière partie, plus onirique, dans laquelle James quitte le camp et se retrouve livré à lui-même au milieu de nulle part, meurtri par la guerre, les pertes de proches, … Entre images magnifiques portées par la musique de John Williams, mots parfois durs des adultes, Spielberg, malgré les longueurs du récit dans ces dernières parties, arrive à nous toucher et à faire passer toutes les émotions de son personnage.
A travers Empire du Soleil, Spielberg livre là un récit personnel qui regroupe nombre de ses thèmes favoris. Evidemment, celui qui saute le plus aux yeux est celui de l’enfant perdu qui a parcouru toute sa filmographie. D’enfant roi à enfant samaritain jusqu’à l’enfant traumatisé (cette émotion lorsque Bale dit ne plus se souvenir de ses parents !), ce sont toutes les facettes de l’enfance dans un milieu familial difficile que l’on retrouve ici. C’est aussi l’innocence de l’enfance qui ressort du film, notamment lorsqu’il se lie d’amitié à travers les barbelés à un jeune pilote japonais voisin. Et pour jouer ce môme multi-facette, il offre le rôle à Christian Bale alors débutant mais qui fait tout de suite preuve d’un talent immense pour être aussi tête à claque que touchant dans un final qui a de quoi serrer la gorge.
L’autre thème abordé par Spielberg est bien sûr la guerre. Et cette fois, chose rare dans le cinéma américain, il s’intéresse à ce sujet du côté asiatique. Ce contexte complexe, passionnant, qu’il ne retranscrit qu’à moitié, comme les souvenirs de cet enfant, lui permet alors de traiter d’un troisième thème lui tenant à cœur, celui de l’aviation. Spielberg est passionné d’avions de guerre mais avait peu eu l’occasion de le montrer au cinéma si ce n’est de façon anecdotique dans 1941, Rencontres du Troisième Type ou les deux premiers Indiana Jones. Avant Always, Empire du Soleil est une véritable déclaration d’amour aux avions, il n’y a qu’à voir cette séquence où le James s’approche d’un avion pour le caresser ou comme il filme cette avion passant à quelques mètres de lui dans le bombardement du camp.
Avec Empire du Soleil, Spielberg réalise un grand film sur l’enfance durant la guerre. Si il élude les pires instants de ses personnages, ils n’en portent pas moins les cicatrices intérieures. Tendant toujours vers le merveilleux, il filme ici son récit non comme la vérité mais comme un rêve, un souvenir flou dont on ne retient que les meilleurs moments, les plus magiques et forts en émotions positives pour oublier ce qui était difficile à vivre.
Malheureusement, face au côté intimiste, le film ne sera pas un hit (Spielberg reviendra ensuite en force au box-office avec le nouveau Indiana Jones) et sera même légèrement boudé par la profession qui ne le nominera aux oscars que pour ses aspects techniques mais tous salueront la performance de Christian Bale alors âgé de 13 ans. Aujourd’hui, Empire du Soleil est souvent l’un des films sérieux de Spielberg injustement oubliés par le grand public mais les admirateurs du réalisateur y voient sans doute l’un de ses plus beaux films des années 80.