Film concept, Aux Yeux de Tous est un pari risque, une idée audacieuse qui fait plaisir à voir dans le cinéma français mais qui souffre un peu du syndrome du « long métrage qui aurait été meilleur sur un court» .
Il y a des fois où des ovnis débarquent sans prévenir, proposant un concept super casse-gueule avec un budget ultra-limité. Tout de suite on se dit que si le film n’est pas réussi, il aura au moins le mérite de tenter quelque chose d’inédit, une audace de la part d’un réalisateur au sang neuf à saluer quoi qu’il arrive. Aux Yeux de Tous est de ces projets.
Pour l’histoire, imaginons qu’un attentat fasse des centaines de morts et que les coupables ne soient pas trouvés. Sauf qu’un hacker mettra la main sur les responsables de l’horreur et se mette à les prendre en chasse, accumulant les preuves accablantes d’un complot terroriste. Jusque là on penserait être parti dans une série B d’action comme il s’en fait à la chaîne dans à Hollywood pour alimenter un printemps pauvre pour les studios. Mais imaginez cette histoire entièrement du point de vue du hacker à visage couvert, suivant l’action uniquement au travers des écrans diffusant les images des caméras de surveillance, webcam, … alors vous avez droit à un véritable film concept, une expérience étrange et déroutante, qui intrigue autant qu’elle peut énerver.
D’un côté elle intrigue forcément car le concept est osé et le réalisateur Cédric Jimenez le tient jusqu’au bout, sans jamais se détourner ou se laisser aller à la facilité d’en sortir pour aérer un peu son récit, nous enfermant dans ces écrans pour être les témoins de ce qu’il se passe là dehors. En plus d’un discours qui nous met la puce à l’oreille quand au respect de la vie privée, il nous prend à partie tel des Anonymous dénichant la vérité pour la faire exploser au bon moment. Avec ce concept, on peut tout de même féliciter le monteur pour son énorme boulot. En effet, assembler les rushs de la qualité des caméras de surveillance pour obtenir un tout cohérent et regardable a du être assez éprouvant.
Mais Aux Yeux de Tous énerve aussi car si il tient son concept de bout en bout, il tire tout de même un peu trop sur la corde pour être crédible et prenant pendant ses 85 minutes. Ainsi, au bout de 40 minutes, on a la désagréable sensation d’être devant un court-métrage que l’on essaie d’étirer en longueur et il faut bien avouer qu’avec la qualité d’image des caméras de surveillance et autres webcams, on sort en ayant assez mal aux yeux. Et ce ne sont pas les comédiens qui vous nous faire tenir le coup, car malgré leur implication, Olivier Barthélémy et Mélanie Doutey ont cette manie de tout jouer faux pour avoir l’air vrais, s’en est assez irritant, d’autant plus que les réactions de leurs personnages sont la plupart du temps assez malvenues étant donné les circonstances (mais après … que ferait-on sur le coup de la panique …). A la place du hacker, cela fait longtemps qu’on aurait donné un coup de fil aux autorités pour mettre fin à tout ce complot.
En parlant de hacker, les geeks risquent bien de grincer des dents tant le film n’est pas très crédible côté techno. On comprend bien qu’il y a des raccourcis techniques pour des questions de rythme, mais de là à s’immiscer sur 50 réseaux de caméras privés en 1h, ça en devient assez gros, surtout quand tombe la révélation sur l’identité du hacker qui n’apporte en soit pas grand chose à l’histoire. Au contraire, approfondir ce qu’il se passe du côté du hacker aurait permis de garder le concept tout en apportant un second suspens et une montée d’adrénaline supplémentaire.
Ainsi, si Aux Yeux de Tous relève d’une véritable audace qui en plus n’est pas sans faire réfléchir à la présence des caméras dans notre vie en permanence, il souffre malheureusement du syndrome du court-métrage étiré en longueur, souffrant de son budget et de ses comédiens pour tenir la corde jusqu’au bout. C’est dommage car le concept est en soi bien pensé et aurait certainement pu donner quelque chose de plus percutant. Il reste alors un objet intriguant qui a toujours le mérite d’essayer ce que trop peu tentent de faire : oser.