Angoisse d’être mère et paranoïa sataniste, voilà le menu de ce culte du dimanche qui voyait la consécration hollywoodienne de Roman Polanski : Rosemary’s Baby.
Après avoir acquis une grande reconnaissance du milieu du cinéma européen grâce à Répulsion et Cul-de-Sac sans oublier son hommage parodique à la Hammer avec le Bal des Vampires, Roman Polanski est repéré par un producteur américain qui lui offre son premier film hollywoodien, l’adaptation du livre d‘Ira Levin, Rosemary’s Baby. Il en fera un drame horrifique paranoïaque entré depuis dans le panthéon du genre.
Il s’agit de l’histoire d’un couple qui s’installe dans un nouvel appartement pour y fonder une petite famille. Il font alors la connaissance de leur voisins plus que bienveillants. Peu de temps après l’emménagement, la grossesse de Rosemary ne se passe pas très bien, entre douleurs et rêves étranges, elle commence à se poser des questions sur les véritables intentions des voisins qu’elle imagine versés dans la sorcellerie. Mais est-ce la réalité ou tout cela n’est-il que paranoïa ? Rosemary va devoir surmonter ses peurs pour établir la vérité et montrer qu’elle n’est pas folle.
Avec Rosemary’s Baby, Roman Polanski fait preuve d’une redoutable efficacité dans sa mise en scène et dans l’installation d’un faux rythme qui fait grimper la tension pendant plus de deux heures de film. Ainsi il prend le temps de nous montrer la vie de couple des Woodhouse, l’installation dans l’appartement et les liens qu’ils créent avec les Castevet avant d’en venir à l’essentiel, la grossesse de Rosemary. Il installe ainsi son film dans un cadre quotidien et urbain tout ce qu’il y a de plus normal. Et quel meilleur moyen d’installer la terreur que de faire progressivement basculer ce quotidien dans le fantastique ? Polanski y arrive merveilleusement sans jamais faire de démonstration par de grands effets (ni sang, ni effets spéciaux), tout est dans la suggestion et maîtrise d’un récit prenant. L’horreur qui s’installe est indicible, sournoise et l’attitude paranoïaque de Rosemary interroge le spectateur sur ce qu’il se passe réellement.
Si Rosemary’s Baby fonctionne si bien, ce n’est pas seulement à grâce à une parfaite maitrise de la mise en scène de son réalisateur mais aussi par son histoire. En effet, le récit est une métaphore de la grossesse qui se passe mal et des interrogations que toute femme enceinte porte en elle. Comment élever ensuite son enfant ? Sera-t-il en bonne santé ? Puis-je faire confiance à mon mari pour l’élever ? Telles sont les questions qui sont ici amplifiées, dramatisées, pour montrer toute la difficulté de la grossesse.
La réussite de Rosemary’s Baby est aussi due à l’interprétation parfaite de la jeune Mia Farrow qui transmet à la perfection ses angoisses maternelles. Elle passera de l’innocence à la paranoïa avec subtilité avant d’accepter son rôle de mère dans le final grandiloquent et après une transformation physique douce qui révèle toute l’horreur dans laquelle la plonge cette grossesse.
D’un autre côté Polanski n’oublie pas l’humour noir qu’il glisse justement dans son final et à travers Madame Castevet, voisine envahissante qui cache bien des secrets. Un rôle qui vaudra d’ailleurs un oscar et un golden globe à son interprète Ruth Gordon.
Avec Rosemary’s Baby, Roman Polanski réalise ainsi une pièce maîtresse du cinéma d’angoisse qui lui vaudra alors une reconnaissance internationale. Aujourd’hui encore, le film reste certainement l’un des plus intéressants sur les angoisses de la maternité mais aussi sur la manifestation de la sorcellerie dans le quotidien de notre monde moderne. Bref, le bébé de Rosemary n’a pas fini de rendre son public paranoïaque.