Réputé inadaptable, Sur la Route de Jack Kerouac arrive enfin sur grand écran, poussé par une présence en compétition à Cannes. Malheureusement, ça dérape et le réalisateur Walter Salles passe à côté de son sujet malgré son casting de premier choix.
Il aura fallu attendre très longtemps avant de découvrir l’adaptation de Sur la Route de Jack Kerouac. Ce n’est pourtant pas une mauvaise volonté de l’auteur qui avait démarché Marlon Brando, sans réponse. Depuis, c’est la famille Coppola qui a racheté les droits du film et c’est seulement après avoir découvert son Carnets de Voyages, que le clan a décidé de laisser le réalisateur Walter Salles au volant du road movie. Et le challenge est de taille puisque le manuscrit de Kerouac, par sa structure et son atmosphère sont réputés inadaptables, d’autant plus qu’il est à l’origine de la « beat generation »… autant dire que la trahison est proche.
Et c’est le cas. Car Walter Salles oublie tout simplement ce qui fait l’intérêt du roman et même juste du concept de ce road movie. Il passe totalement à côté de son sujet et cela se sent même pour quelqu’un qui n’a pas lu le matériau originel (seulement bercé par la légende de Kerouac).
Ainsi, pour un film dont le titre est Sur la Route, la notion de voyage est reléguée au second plan. Jamais on ne se sentira enivré par le road trip puisque le réalisateur préfère tourner des scènes en intérieur pour montrer que les personnages sont proches et couchent ensemble parce que « c’est rebelle ». Il passe alors à côté de ce qui apporte de la profondeur au récit : les rencontres. Celles-ci arrivent comme un cheveu sur la soupe et sont survolées. Elle n’apportent même pas tant de choses au récit et aux relations entre les trois personnages principaux que sont Sal, Dean et Marylou.
Jamais nous ne sentirons non plus le mouvement, la chaleur, la passion qui animent le voyage, Walter Salles restant bien trop sage dans son envie d’adapter la pensée de Kerouac. Même la musique qui est une composante essentiel du voyage de l’écrivain n’est pas utilisée comme il se doit et la BO jazzy peine à installer une ambiance qui ne décollera jamais.
Mais surtout, c’est toute la représentation de la « beat generation » à côté de laquelle passe le réalisateur. Car Kerouac et ses acolytes sont à l’origine d’une pensée nouvelle, d’une liberté retrouvée et de nouvelles tendances légèrement underground dans la culture US. Non, au lieu d’illustrer tout cela, le réalisateur préfère simplement montrer 3 jeunes qui couchent ensemble, un trio qui se fait et se défait, sans y apporter de profondeur.
Tout juste sauverons-nous en fait les acteurs, tous bien employés, des premiers rôles Sam Riley qui apporte le plus de profondeur possible à Sal/Kerouac, Garett Hedlund qui dégage plus de charisme que dans Tron lorsqu’il est en transe et Kristen Stewart qui a enfin l’opportunité de se lâcher un peu (oui, on la voir sourire), aux seconds rôles passant en un éclair et donnant les (trop courts) instants les plus intéressants du film (Kirsten Dunst et Viggo Mortensen). Mais malgré le travail des acteurs, l’amitié profonde entre Sal et Dean a même du mal à prendre.
Alors qu’il aurait dû être le road movie par excellence, celui qui donne envie de partir et de réfléchir sur la vie, Sur la Route n’est finalement qu’un pétard mouillé qui ne fera pas voyager le spectateurs … à moins que celui-ci ne soit déjà parti dans les songes devant l’ennui du film.