Jeff Nichols arrive dans la cour des grands pour conclure le Festival de Cannes avec un film qui explore encore certains mythes américains avec une grande justesse émotionnelle. Son Mud ne repartira peut-être pas avec un prix du palmarès mais restera assurément dans le cœur de ses spectateurs.
Révélé l’année dernière avec un prix de la critique à Cannes pour son magnifique Take Shelter, Jeff Nichols revient cette fois en compétition officielle. Une belle promotion pour celui qui arrive à dépeindre les travers de l’Amérique profonde avec une puissance émotionnelle que seuls quelques rares auteurs américains arrivent à trouver. Pour son 3e film, il s’oriente moins sur l’émotion ou la portée politique mais va toujours plus loin dans le thème de la famille en s’intéressant à deux enfants qui vont se lier d’amitié avec un fugitif.
Des histoires se déroulant du point de vue de l’enfant découvrant le monde des adultes, nous en avons vu des dizaines. Mais Jeff Nichols y imprime tout de suite son empreinte particulière avec un attachement sincère pour ses personnages et une mise en scène qui coule naturellement pour délivrer un film touchant, dont on ne ressort pas bouleversé et qui ne renouvelle pas le genre mais l’épouse à merveille.
Dans Mud, le réalisateur retrouve ici l’une de ses principales préoccupation : la famille. Il en parlait dans Take Shelter, il continue ici en s’intéressant de plus près aux conflits entre le jeune Elis et ses parents et entre le lien affectif qu’il créé avec le mystérieux fugitif Mud. A travers cela, il dresse toujours un portrait des États-Unis que nous avons peu l’occasion de voir, l’Amérique profonde, populaire et campagnarde mais de manière profondément humaine et avec le regard de l’innocence des enfants sans jamais être niais.
On aurait pu penser que le réalisateur allait s’orienter vers la menace de ce personnage remplit de mystère (ce qui aurait pu donner un thriller avec pas mal de caractère) mais ce ne sera finalement pas le cas. Mud n’est pas un film noir ou violent. Il se regarde plutôt comme une fable sur l’enfance et l’amour à destination des adultes. Car c’est aussi d’amour que le film parle, que ce soit au travers de l’origine de la fuite de Mud ou dans la découverte des sentiments d’Elis pour l’une de ses camarades. Mais, ils vont l’apprendre chacun de leur côté, les histoires d’amour, toujours remplies d’espoir, ne se finissent pas toujours bien et sont parfois difficiles à gérer.
Par ces thèmes, Mud devient donc un conte tendre sur l’apprentissage des sentiments et incite à la confiance qui devrait se développer entre les américains pour mieux vivre ensemble.
Pour illustrer cette histoire, Jeff Nichols colle au plus près de ses personnages et en particulier d’Elis tout en gardant une mise en scène pleine de naturel, magnifiant les paysages et en y apportant cette touche purement « american way of life» portée par une bande-son qui colle parfaitement à l’ambiance du milieu décrit. D’ailleurs, le réalisateur fait aussi preuve d’une superbe direction d’acteurs. Outre son acolyte Michael Shannon qu’il emploie ici dans un rôle très secondaire, il donne une réelle consistance à un Matthew McConaughey attachant, qui change agréablement de ses rôles où il n’est employé que pour son physique, et à Reese Witherspoon qui illumine ici la petite ville de sa présence mélancolique. Mais celui qui va nous bluffer, c’est le jeune Tye Sheridan. Révélé dans the Tree of Life, il interprète avec force un Ellis dans la découverte des sentiments (amour, trahison, amitié, …) et s’impose comme l’un des jeunes acteurs à suivre de très près, en particulier si il choisit encore des cinéastes de cette trempe.
Si Mud n’atteint as la force émotionnelle du précédent film de Jeff Nichols, il se révèle néanmoins assez riche et touchant pour nous emporter. Avec une justesse et une sincérité rares, nous tenons peut-être pas la palme du festival de Cannes, mais certainement l’un de ses plus beaux coups de cœur.