Holy Motors, critique

Par Fredp @FredMyscreens

Véritable OVNI de la compétition cannoise, Holy Motors de Leos Carax est un film protéiforme qui ne se laissera pas facilement apprivoiser. Mais il a cette capacité de créer chez le spectateur une fascination et une réflexion assez inattendue.

Un homme dans une limousine parcourt Paris pour effectuer d’étranges missions. Tour à tour mandiante, monstre fou errant dans les cimetières, enfermé dans une étrange combinaison, père de famille, mourant, mais aussi homme normal, il erre à la recherche d’un but que l’on ne saisit pas vraiment et que lui même semble ignorer dans le chaos qui règne. Composé de segments distincts qui emporteront plus ou moins l’adhésion, mais se rejoindront dans une même réflexion autour de l’art, de l’avenir du cinéma et du métier d’acteur (cela pour les messages les plus limpides), Holy Motors tire toute sa force de sa foultitude d’idées, des plus absurdes aux plus belles.

Ainsi, les premières parties se montreront particulièrement étranges, entre érotisme bas de gamme et dégout, mais délivrent une réflexion étrange sur l’art, les apparences et l’attraction (culminant avec la motion capture ou cette étrange relation entre la belle Eva Mendes et la bête). Mais plus nous avancerons dans le film, plus nous serons absorbés et fascinés. Après un entracte sublime à l’accordéon dans une église et une réflexion touchante culminant par une magnifique interprétation de Kylie Minogue (qui se révèle comme une véritable actrice à potentiel dramatique). Puis le film se terminera sur des images d’une absurdité apparente qui posent pourtant de nouvelles questions sur notre place et notre avenir.

D’une audace sans limites mais avec un style très fermé et affirmé, Carax multiplie les pistes d’interprétation selon les histoires et les instants et demande un véritable travail d’immersion du spectateur. Mais il le fait avec une mise en scène étrange et complexe, qui ne sera pas sans évoquer Lynch, s’adaptant à chaque histoire qu’il développe tout en y apportant une cohérence. Il nous offre ainsi certaines des images tout simplement fascinantes où chaque chose a finalement un sens.

Mais Carax fait aussi preuve d’une formidable direction d’acteur et offre à Denis Lavant un rôle multiple d’une énorme complexité dont il se sort royalement en y apportant une humanité désespérée quand à sa condition et sa profession qu’il ne reconnaît plus, cherchant le contact humain au milieu d’un monde en apparence uniformisé mais qui cache bien des malaises.

A la fois ovni et œuvre somme, film étrange et barré et intense réflexion personnelle et artistique, film désespéré et absurde, Holy Motors ne fait que s’entre apercevoir à la première vision pour y revenir ensuite avec toujours plus de fascination pour ses thèmes et les images marquantes qui y sont proposées. A ce titre, il est sans conteste le long métrage le plus osé et intéressant du Festival de Cannes qui a le potentiel de venir culte de manière underground.

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