Ridley Scott est de retour à la science-fiction et à l’univers d’Alien avec Prometheus. Si ce n’est pas le chef d’œuvre du genre qui avait été annoncé, il n’en est pas moins un film posant de nombreuses pistes de réflexion et un prequel à la monstrueuse saga plutôt efficace et interrogateur.
Suite, puis prequel, reboot ou juste un film se déroulant dans le même univers, Prometheus sera passé par tous les qualificatifs pour tenter d’expliquer en quoi il est différent de la saga Alien et en même temps à quel point il y est intimement lié. Finalement, la définition qui a été utilisée et semble la plus juste est celle d’un film qui partage le même ADN que son cousin, au sens propre comme au figuré puisqu’il est ici question d’héritage, de croisements génétiques en même temps qu’il y est clairement fait le lien avec les origines du monstre baveux.
Pour son retour à la science-fiction (genre qu’il n’avait pas touché depuis 30 ans avec Blade Runner), Ridley Scott repart ainsi dans les couloirs des vaisseaux spatiaux et des rencontres monstrueuses qui mettront l’homme face à sa destinée. Car cette fois l’intrigue est assez ambitieuse puisqu’il envoie une équipe de scientifiques enquêter sur ceux qui auraient fait apparaitre la vie sur Terre. Arrivés sur place, ils découvrent un lieu rempli de dangers et à l’histoire chargée qui pourrait bien menacer l’humanité. D’entrée de jeu, le réalisateur ne base plus son film sur l’horreur (même si elle sera de la partie dans quelques séquences d’une redoutable efficacité) mais sur la réflexion métaphysique, ce qui est assez rare dans ce qui reste un blockbuster.
Avec Prometheus, Ridley Scott mixe finalement l’univers d’Alien aux questions qu’il se posait dans Blade Runner pour en sortir un film assez hybride un peu maladroit mais tout de même assez fascinant. Il évoque ainsi la place de l’homme dans l’univers, l’âme et l’apprentissage des robots mais c’est surtout la notion d’héritage et l’abandon de l’enfant qui domine. Si le thème a été très souvent abordé par le cinéaste, il prend ici toute son ampleur. Que ce soit l’héritage que ces « ingénieurs» ont laissé à l’humanité et qu’ils voudraient détruire, une mère qui refuse la créature qu’elle engendre, un androïde qui cherche son humanité ou le patron d’une multinationale qui entretien une relation conflictuelle avec son enfant, tout tourne ici autour de ce thème de la succession et d’enfants qui cherchent donc à se faire une place aux côtés de leurs parents, d’hommes qui cherchent à devenir des dieux. En ce sens, le titre mythologique du film, Prometheus, est bien chargé d’un sens passionnant qui se révèle tout au long du visionnage.
On s’aperçoit alors que l’univers d’Alien qui est très clairement évoqué ici (Prometheus s’impose bien comme la première partie d’un prequel) sert de base pour lancer quelque chose de plus grand et plus ambitieux qu’un simple « film de monstres dans l’espace» (même si la saga Alien et en particulier son 3e épisode vont toujours plus loin que cette simplicité apparente). Mais c’est aussi le défaut du film qui a du coup du mal à choisir entre simples référence et véritable prequel. Ce poids pèse sur l’écriture du film qui aurait clairement gagné à choisir l’un ou l’autre plutôt que de jouer sur les deux tableaux.
Malgré cette gène, le film est tout de même d’une redoutable efficacité et Ridley Scott montre qu’il sait encore filmer comme personne un univers complexe de science-fiction. L’esthétique sombre, glacée, brumeuse, à la fois futuriste et mystique explorant encore plus les célèbres designs de HR Giger est une réussite. Et si il oublie volontairement d’explorer le gros de l’équipage du Prometheus, c’est pour mieux s’intéresser aux deux types de personnages qu’il préfère. D’un côté la femme encore innocente qui va révéler sa force et voir ses croyances bouleversées ou confortées (Noomi Rapace), et l’autre la machine bien plus humaine que les autres mais gardant une étrange par de mystère dans sa quête (Michael Fassbender).
L’attente était forte autour de Prometheus et ceux qui espéraient l’un des films de SF les plus révolutionnaires risquent d’être déçus. Mais Ridley Scott livre tout de même un film prenant et aux pistes de réflexion assez denses et aux images assez chocs pour un blockbuster qui devrait prendre bien plus de relief avec les années et quelques suites que l’on peut déjà entrevoir.