Après Ridley Scott et James Cameron, c’est l’un des nouveaux génies du cinéma contemporain qui s’était attaqué de manière controversée à la saga Alien : David Fincher. Retour sur le fascinant Alien 3.
Après le succès du second volet Alien par James Cameron, il était impensable pour la Fox de ne pas poursuivre la franchise. Il faudra cependant attendre à nouveau 6 ans pour voir à nouveau le xénomorphe sur les écrans après de nombreux problèmes de production. Car Alien 3 est l’un de ces films maudits où le scénario sera écrit sur le tournage et dont la vision de l’auteur sera sacrifiée au profit du studio. Il faut dire que la Fox confie les rênes de ce nouvel épisode à un débutant, David Fincher. Certes, le jeune réalisateur avait déjà fait ses preuves sur de nombreux clips et publicités mais il n’avait pas encore oeuvré sur un long-métrage. Ce n’est pas pour autant qu’il n’a pas déjà un univers marqué et c’est sans doute ce qui va effrayer le studio.
Après le déluge d’action d’Aliens, Fincher s’intéresse à une nouvelle dimension du monstre. Sans chercher non plus à retrouver la profonde terreur du film original de Ridley Scott, il apporte à cet Alien 3 une dimension beaucoup plus noire, pessimiste et mystique. Ainsi, le vaisseau de Ripley s’est écrasé sur une planète-prison. Unique survivante du crash, elle est secourue par un médecin, ancien détenu, et va devoir s’habituer à cotoyer d’anciens meurtriers et violeurs qui ont trouvé la foi en attendant les secours. Mais la créature de ses cauchemars est toujours là et va décimer petit à petit tous les prisonniers.
Tout de suite, Fincher place Ripley dans un milieu hostile. Seule femme au milieu d’hommes sans morale et qui lui sauteraient dessus à la moindre occasion si ils ne s’étaient tournés vers la religion, la voici démunie, sans aucun soutien dans le cadre complètement déshumanisé d’une fonderie immense. Comme si cela ne suffisait pas, un alien est aussi de la partie et elle apprendra même qu’elle en porte un embryon prêt à éclore. Désarmée face à autant de menaces et après la perte de la famille qu’elle avait réussi à construire dans le précédent volet, elle va donc devoir faire preuve d’une force de caractère plus intense que jamais si elle veut survivre et éliminer la créature. D’autant plus que celle-ci a évolué.
En effet, nous apprenons de nouvelles choses concernant le xénomorphe et en particulier que sa morphologie s’adapte à l’hôte qui l’a fait naitre. Ainsi, dans ce 3e volet, l’alien est issu d’un chien (ou d’un boeuf dans la version longue donnant alors un tableau plus dantesque du film) et se déplacera donc à 4 pattes, plus rapide qu’auparavant.
Pour son premier film, Fincher n’hésite pas à prendre le spectateur à rebrousse poil en n’allant jamais dans le spectaculaire ou le film d’action mais au contraire en prêtant à la réflexion. Ainsi, on peut y voir déjà les thèmes qui jalonneront sa filmographie comme ce renversement du système en s’intéressant à des personnages toujours à la marge de la société ou la religion dans son versant le plus sombre. Il confère ainsi à Alien 3 une aura mystique et désespérée. D’un côté nous avons ce groupe de prisonniers qui ont trouvé la foi et que l’on pourrait presque considérer comme des moines si il n’avaient pas certaines tendances au meurtre et de l’autre nous avons l’unique femme enceinte d’une créature maléfique. Le fait que l’un des prisonniers qualifie l’alien de « dragon» ajoute encore à la mythologie de la créature et toute cette dimension culminera dans le final quasi christique du sacrifice de Ripley.
En plus d’instaurer déjà les thèmes qui lui son chers et feront tout son cinéma, David Fincher fait preuve d’une maîtrise impeccable de la caméra et du récit. Malgré un alien numérique aujourd’hui bien trop voyant, il arrive à instaurer tout de suite une ambiance malsaine dans cette prison qui suinte la testostérone et la chair brûlée. Alien 3 est ainsi l’épisode le plus glauque de la saga mais aussi celui qui permet à Sigourney Weaver de montrer tout le désespoir de son personnage et son crâne rasé n’en est que la surface. En perfectionniste de l’image, le réalisateur offre aussi certaines des images les plus marquantes comme ce face à face entre le monstre et Ripley dans l’infirmerie ou cette naissance de l’animal.
Mais tout ces commentaires ne sont valables que pour la version cinéma et la version longue qui se montrent déjà fascinantes. Car devant la noirceur de l’histoire, la Fox a remonté le film pour le rendre plus accessible et en a totalement dépossédé le Fincher, à tel point que celui-ci l’a renié et a totalement tiré un trait sur cette expérience traumatisante avant de revenir sur les écrans avec Se7en. Jamais nous ne verrons donc le director’s cut. Film maudit de la saga, cet Alien 3 n’en reste néanmoins dans ses versions existantes une conclusion intimiste et noire à la saga et n’a fait que renforcer l’image mythique de la dualité entre Ripley et l’alien. L’accueil critique sera mitigé face au partis pris et le film fera un four au box-office américain. Néanmoins, les résultats à l’international sont bien plus réconfortants pour le studio, à tel point qu’il envisagera tout de même une nouvelle suite toute aussi décriée.