Retour aujourd’hui sur l’un des plus beaux westerns de ces dernières années et un film fascinant sur la célébrité porté par un duo d’acteur au sommet : L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford.
Il aura suffit d’un seul film, Chopper, pour faire d’Andrew Dominik l’un des nouveau grands espoirs du cinéma néo-zélandais. Pourtant, il faudra attendre 7 ans pour voir son second film. Et pour cause puisqu’il préparait méticuleusement son adaptation de l’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford de Ron Hansen, western psychologique sur la fin de l’une des légendes du banditisme. Alors que l’on connaissait le héros à travers de multiples westerns racontant sa vie, n’hésitant pas à l’enjoliver, peu se sont vraiment penchés sur les raisons qui ont poussé Robert Ford à tuer celui qu’il admirait.
Le film d’Andrew Dominik débute donc lorsque le plus jeune des frères Ford, Robert, rejoint le gang de Jesse James. Petit à petit il va apprendre à le connaitre, à l’admirer et à voir l’homme dernière la légende. Un homme devenu au fil du temps paranoïaque, soupçonnant tout son entourage de vouloir le livrer aux autorités pour récupérer une précieuse récompense. Pendant 2h40, le film va donc s’attacher à montrer l’évolution de la relation entre ces deux hommes, de l’amitié à la haine, de l’admiration à la déception.
Pour nous intéresser à cette fresque, il faut avant tout compter sur le savoir faire du réalisateur qui, pour son second film , fait preuve d’une maturité immense. Alors que d’ordinaire le sujet du film se prêterait plutôt à des réalisateurs qui feraient un bilan en fin de carrière, le fait qu’il s’attache à montrer les questionnements d’un homme qui sent la fin proche montre bien toute l’esprit qui l’habite. Sa mise en scène est d’ailleurs très sage, laissant la part belle aux plans éthérés mettant ses héros face à une nature qui a encore ses droits. Entre poussière, brume, neige ou une soleil qui ne se montre jamais pleinement, n’étant pas sans rappeler un certain Malick, il développe une atmosphère fascinante, comme si le temps était suspendu en attendant le fameux assassinat du titre.
Cette beauté formelle qui prend le temps de s’installer met aussi en avant les dilemmes psychologiques de ses deux personnages. Souvent vu de dos ou comme une silhouette, Jesse James est insaisissable et jamais nous ne comprenons véritablement ses intentions. C’est surtout par les dires de son entourage que nous comprenons bien qu’il est devenu paranoïaque, sachant pertinemment que l’un de ses hommes finira par le trahir. Avec un jeu d’une immense sobriété mais qui n’en est pas moins intense, Brad Pitt se montre encore une fois exceptionnel et son regard désespéré, perdu et résolu lui valu un prix d’interprétation à Venise fort bien mérité, faisant de Jesse James une légende plus intrigante encore (s’est-il laissé tuer par celui qu’il a invité à sa table parce qu’il se savait fini ? nous n’aurons jamais la réponse).
Mais celui qui surprend tout le monde, c’est Casey Affleck. Dans le rôle du lâche Robert Ford il se révèle ambigu et son timbre de voix si particulier en fait un personnage mal à l’aise mais tout aussi imprévisible qui va basculer de l’adoration de Jesse à la haine lorsque celui-ci manquera de considération envers lui. En interprétant ce personnage complexe, il nous faire penser à ces fans qui ont voulu tuer leurs idoles par amour (Mark Chapman et John Lennon n’est que l’exemple le plus marquant). Tout comme nous pouvons également y voir une dimension biblique (la traitrise de Judas), renvoyant encore plus loin Jesse James au statut de légende américaine.
Lent mais d’une beauté insondable, l’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford prend le temps de se révéler comme un film immense et fascinant sur la fin d’un homme et la construction d’une légende. Impossible de sortir de cette atmosphère envoutante (la musique en retenue de Nick Cave sur les images magnifiques y est bien pour quelques chose) sans y réfléchir et se dire qu’Andrew Dominik est très certainement l’un des réalisateurs à encourager.