Rien ne nous en apprend plus sur un auteur que d’examiner le lieu où il travaille. Si quelques scénaristes se vantent de pouvoir écrire n’importe où, la plupart d’entre eux ont besoin de se réfugier dans un lieu dédié. C’est dans ce sanctuaire qu’ils passent de longues heures solitaires à créer leurs histoires, coupés du reste du monde…
Puisque les confrères et consoeurs qui ont accepté de nous ouvrir les portes de leurs bureaux tardent à rendre leurs copies, je vous propose de nous faufiler dans celui du grand romancier, essayiste et scénariste, miam!
Norman Mailer (1923-2007) fut à la fois écrivain, journaliste, essayiste, poète, dramaturge, scénariste, acteur et cinéaste. Il connut son premier succès avec un roman pacifiste, The Naked and the Dead, à vingt-cinq ans à peine, et devint l’un des plus grands, mais aussi des plus controversés, écrivains américains de l’après-guerre. Figure de l’engagement littéraire et de la critique de l’Amérique contemporaine, il a notamment écrit pour le New Yorker et le Sunday Time. Il publia une trentaine d’ouvrages et gagna deux Prix Pulitzer.
Il séjourna à Hollywood dans les années cinquante, signant un grand nombre de scénarios dont la plupart furent refusés, et livra sa vision des mœurs dissolues de la grande usine à rêves dans son roman The Deer Park (1955). Cette fascination/répulsion pour le microcosme du septième art s’est également exprimée à travers les ouvrages (biographie et oeuvres de fiction) consacrés à Marilyn Monroe.
Il s’est confessé à maintes reprises sur son rapport à l’écriture, notamment sa peur du writer’s block:
« J’ai écrit à plusieurs reprises sur l’aspect effrayant de l’écriture. On s’y met chaque matin et il y a une page blanche. Cela peut prendre cinq minutes comme une heure. A un moment ou un autre on se met à écrire et les mots commencent à couler. D’où vient cette inspiration? On ne peut en identifier la source. On se demande toujours: « Va t-elle se tarir demain? » C’est en ce sens que c’est effrayant. En d’autres mots, on s’appuie sur un phénomène qui n’est pas nécessairement fiable. » (The Academy of Achievement, Juin 2004)
Il déclarait n’avoir comme règle d’écriture que de s’y préparer mentalement. Selon lui, se répéter à soi-même que l’on va s’installer à son bureau pour écrire le lendemain prépare l’inconscient à fournir ce travail. Il recommandait aux jeunes auteurs de s’inscrire dans des cours d’écriture, pour apprendre à connaitre les attentes du lecteur/public d’une part, mais plus encore pour se débarrasser de la vanité du débutant, c’est à dire pour apprendre à écouter la critique et en retirer des bénéfices.
Selon Norman Mailer le style d’un auteur dépend directement de ses valeurs humaines, de ses capacités à se détacher de la cupidité, du narcissisme, des contingences matérielles, de parvenir à un état de grâce physique et spirituel.
Tout travail d’écriture était à ses yeux fiction parce que l’auteur permet à ses lecteurs de revivre/comprendre/appréhender des expériences de leur vécu qu’ils n’ont pas eu le temps d’analyser au moment où ils les ont vécues.
Ses deux grands maitres à penser étaient Ernest Hemingway et William Faulkner. Il avait toujours sur lui un carnet de notes et pouvait s’arrêter au beau milieu de la rue, ou interrompre n’importe quel interlocuteur, pour coucher ses idées sur papier.
Voici comment Norman Mailer considérait l’écriture de scénario:
You know, in movie-making, parenthetically, they have a wonderful phrase: « Do what is necessary. » In other words, if you have to get a scene in before dark, the director will say, « Do what is necessary, » and what that means is, we’ll get the shot in whether it’s good or it’s bad. We’ll have it by dark because otherwise we’re lost. . . . Once you can only afford the task before you, you work quickly provided you’ve gotten yourself into a simple frame of mind. Most writing consists of getting into that simple frame of mind; it’s very, very hard to do. You know there’s so much to write about and you’ve chosen a little and that’s always irksome, and one’s always rebelling against how little there is to write about in the particular book you’ve chosen. (Interviewed by Barry H. Leeds, 1987)
Jusqu’à la fin de son existence, Norman Mailer écrivit quotidiennement de neuf heures à dix-sept heures. Il se disait capable d’écrire des articles ou ouvrages de non fiction par simple « acte de volonté » mais il comparait l’aventure de chaque roman à une histoire d’amour. Je vous invite à lire le très chouette article Writing tips from Norman Mailer publié par GQ en guise de dessert.
Rendez-vous dans quinze jours pour visiter un nouveau bureau de scénariste…
Copyright©Nathalie Lenoir 2012