Alors qu’une nouvelle adaptation de la nouvelle de K. Dick arrive sur les écrans, il était temps de s’intéresser au film original de Paul Verhoeven qui mettait fin à une certaine idée du blockbuster des 80′s : Total Recall.
Après sa venue de Hollande pour réaliser Robocop, Paul Verhoeven a tout de suite été catalogué par Hollywood comme un réalisateur de SF un peu trash. C’est d’ailleurs grâce au succès de ce premier film sur le territoire américain qu’il arrive du jour au lendemain sur la production de Total Recall qui peinait à se monter depuis près de 10 ans et le succès de Blade Runner malgré l’implication de la superstar Schwarzenegger, la faute à un scénario qui a enchaîné les versions sans trouver de point de chute. Lorsque le hollandais arrive sur le projet, sa première tâche sera de rééquilibrer le scénario pour conserver son ambivalance entre le rêve et la réalité jusqu’au bout, mais aussi pour porter à l’écran une vision plutôt audacieuse de l’univers de Philip K.Dick.
Car Total Recall s’inspire avant tout de la nouvelle Souvenirs à vendre de l’auteur phare de la SF paranoïaque. Dans le futur, Schwarzenegger entre dans la peau de Douglas Quaid, simple ouvrier qui rêve d’aller sur Mars et qui va profiter de l’offre alléchante que propose la société Rekall : implanter des souvenirs d’un voyage pour avoir l’impression de l’avoir vécu. Mais l’expérience ne va pas se dérouler comme prévu et les souvenirs souhaités vont se mêler à la réalité, entraînant notre héros en plein conflit sur la planète rouge.
Si Verhoeven ne garde que la trame basique de l’histoire dans le premier tiers avant de partir pour Mars et de faire de la femme de Quaid une espionne, le film n’en est pas moins tout à fait fidèle à l’esprit de l’auteur en gardant en permanence 2 degrés de lecture, jouant habilement avec la notion de fantasme ou de réalité et n’hésitant pas non plus à jouer avec le récit. Ainsi, le réalisateur garde toujours à l’esprit une paranoïa latente comme l’a toujours vécu l’auteur.
Qu’est-ce qui est réel ou non ? Quels souvenirs forgent la personnalité et entrainent quelles actions ? Autant de questions qui amènent une véritable réflexion sur la psychologie du personnage et sa perception du monde. D’autre part, Verhoeven joue sur cette notion avec une scène clé (la rencontre avec le docteur Edgemar dans sa chambre d’hôtel) où il n’hésite pas à indiquer ce qu’il va se passer pendant tout le 3e acte sans nuire pour autant au plaisir de suivre le récit. Le réalisateur nous entraîne alors dans un jeu où la psychologie garde autant d’importance que l’action.
Avec le recul que l’on a aujourd’hui, on se rend compte aussi que non seulement le propos du films fonctionne toujours aussi bien, mais en plus, Total Recall est aussi le témoin de la fin d’un certain cinéma d’action pour Hollywood. Car Total Recall est l’un des derniers film à n’utiliser que très rarement (seulement pour les rayons X) les effets réalisés sur ordinateur, privilégiant à chaque instant le réel et palpable de la maquette et du maquillage qui fonctionne donc encore avec un certain charme aujourd’hui.D’ailleurs il faut vraiment saluer le talent du maquilleur Rob Bottin (à juste titre récompensé par un oscar) qui a réalisé un superbe travail, donnant vie aux mutants de mars et contribuant à rendre l’univers du film encore plus étrange.
Avec en plus la violence exacerbée de Verhoeven qui a réussi à conserver des bras coupés et des balles en pleine tête et les phrases instantanément culte de Schwarzy (« Considère ça comme un divorce» ) ou encore la révélation de Sharon Stone (qui retrouvera le réalisateur ensuite pour Basic Instinct), le film conserve du coup encore un cachet bien particulier propre à la fin des années 80, avant que le numérique ne vienne changer la donne pour les blockbusters des 90′s.