Rien ne nous en apprend plus sur un auteur que d’examiner le lieu où il travaille. Si quelques scénaristes se vantent de pouvoir écrire n’importe où, la plupart d’entre eux ont besoin de se réfugier dans un lieu dédié. C’est dans ce sanctuaire qu’ils passent de longues heures solitaires à créer leurs histoires, coupés du reste du monde…
Puisque les confrères et consoeurs qui ont accepté de nous ouvrir les portes de leurs bureaux tardent à rendre leurs copies, je vous propose de nous faufiler dans celui du grand pape de l’écriture gonzo.
Auteur et journaliste, figure incontournable de la contre-culture américaine, Hunter S. Thompson (1937-2005) popularisa le gonzo journalisme, une forme de reportage en immersion totale qui place le journaliste au centre du sujet traité. Il travailla un temps, sans grand succès, comme scénariste de télévision mais il a toujours exercé sur Hollywood un sentiment de fascination-répulsion. Deux de ses romans, Fear and Loathing in Las Vegas et The Rum diary, furent respectivement adaptés au cinéma par Terry Gilliam en 1998 et Bruce Robinson en 2011.
Après un passage dans l’American Air Force, Hunter S. Thompson devint journaliste sportif, puis suivit des études d’écriture à l’université Colombia. Pour s’exercer à l’écriture romanesque, il s’amusait à réinventer ses ouvrages de chevet comme The Great Gastby de F. Scott Fitzgerald, ou A Farewell to Arms d’Ernest Hemingway.
Brillant et déjanté, Hunter S. Thompson s’est beaucoup inspiré de la maxime « Fiction is often the best fact « de William Faulkner. Comme ce grand romancier, il considérait que la fiction est en quelque sorte plus vraie que la réalité parce qu’elle replace l’humain au coeur des évènements.
Son parcours d’auteur fut pour le moins chaotique, d’autant qu’il n’était pas homme de compromis. Il fut renvoyé, au fil des ans, de divers journaux pour insubordination, bagarres ou… destruction de distributeur automatique de friandises, se fit tabasser par une poignée de Hell’s Angels vexés par le reportage qu’il leur avait consacré. Il travailla entre les Etats-Unis, Puerto Rico et l’Afrique du Sud, retraçant ses errances, rencontres et expériences hallucinogènes dans ses romans et articles, notamment ceux qu’il écrivit régulièrement pour Rolling Stone, mais aussi via sa correspondance prolixe.
On sait peu de choses sur ses habitudes d’auteur, il n’était sans doute pas personnage à s’installer dans une quelconque routine, mais il resta jusqu’à la fin de ses jours un fervent utilisateur/défenseur de la machine à écrire.
Voici d’ailleurs ce qu’il confessait au sujet des ordinateurs:
“I’ve tried. There is too much temptation to go over the copy and rewrite. I guess I’ve never grown accustomed to the silent, non-clacking of the keys and the temporary words put up on the screen. I like to think that when I type something on this [pointing to the typewriter], when I’m finished with it, it’s good. I haven’t gotten past the second paragraph on a word processor. Never go back and rewrite while you’re working. Keep on it as if it were final.”
Le style d’Hunter S. Thompson reposait en grande partie sur l’usage de verbes forts et sur des descriptions puissantes qui avaient pour but de faire expérimenter au lecteur ses propres sensations. Si son style de vie fut borderline, son implication viscérale dans le choix de chaque mot est un exemple à suivre…
Voici quelques ressources au sujet de ce grand gonzo master:
- L’excellent site The Great Thompson Hunt
- Une compilation de citations d’Hunter S. Thompson
- Une interview publiée par The Atlantic
- Une lettre dans laquelle il nous explique… comment rater ses lettres de motivation, cultissime!
- Un numéro du Late Show de David Letterman avec Hunter S. Thompson, miam!
Je vous propose enfin d’écouter l’acteur Johnny Depp, grand admirateur et ami du romancier, nous lire quelques unes de ses lettres: