Aujourd’hui, intéressons-nous au premier film d’une auteure qui a su développer un ton et un univers personnel en échappant à l’ombre de son père pour se faire un vrai prénom et devenir l’une des chantres de mouvement « indie» américain : Virgin Suicides de Sofia Coppola.
En effet, après un court-métrage, Sofia Coppola choisit pour son premier film d’adapter le roman de Jeffrey Eugenides, The Virgin Suicides. Dans l’Amérique puritaine des années 70, la benjamine des sœurs Lisbon fait une tentative de suicide. Après cet événement, la famille va se replier sur elle-même alors que les filles connaissent leurs premiers émois et que des garçons du voisinage tombent désespérément amoureux d’elles.
Les premières images du film nous plongent tout de suite dans l’ambiance. Sur la musique atmosphérique des frenchies de Air, Sofia Coppola nous présente les 5 sœurs Lisbon, adolescente virginales qui font rêver tous les garçons du quartier. Elles les font d’autant plus rêver que, placées sous la surveillance d’une mère possessive, elles font un peu figure d’interdit. Un statut et un isolement que les jeunes filles ont du mal a accepter. Avec the Virgin Suicides, la réalisatrice peint le portrait d’une adolescence difficile qui, sous couvert d’une certaine chaleur mais aussi d’un recul nécessaire, se révèle horrible. Du suicide de la jeune Cecilia aux dérives de Lux, jusqu’au terrible final, Sofia Coppola n’hésite pas à montrer la pression qu’ont vécu ces jeunes filles mais ne va pas non plus forcer le trait, préférant rester dans une certaine retenue, prenant le point de vue des jeunes amoureux transis d’en face pour donner une touche poétique à ces destins tragiques.
D’une certaine manière, Sofia Coppola réalise avec Virgin Suicides un portrait de l’Amérique qu’elle a vu à travers les films de son père en replongeant dans les années 70 et d’un autre, la réalisatrice a du retrouver un peu de son histoire en s’intéressant à cette famille renfermée un peu sur elle-même comme le clan Coppola l’est un peu vis-à-vis d’Hollywood. Une manière pour elle de s’affranchir du nom de son père pour se faire un prénom tout en poursuivant sur la même voie.
Mais Virgin Suicides marque aussi les thèmes que va aborder Sofia Coppola par la suite. La solitude, l’ennui, l’adolescence trop encadrée mais aussi cette impression d’être un éternel adolescent sont certains des thèmes que l’on retrouvera dans Lost in Translation, Marie-Antoinette ou Somewhere qui auront toujours pour héros des personnages légèrement perdus, en plein spleen. Le spleen est d’ailleurs l’essence même du cinéma de Sofia Coppola qui, avec Virgin Suicides compose déjà des plans dégageant une beauté éthérée et aérienne, d’une légèreté apparente toujours renforcée par une musique planante 100% indé. Tout de suite, ces thèmes et ces choix plastiques ont fait de la réalisatrice une icône de la culture indépendant américaine.
Il ne faudrait pas non plus oublier la révélation du film qu’est Kirsten Dunst. Car si la jeune actrice était déjà connue après Entretien avec un Vampire et avait fait quelques films pour enfants (Jumanji et Small Soldiers) lui permettant d’être la girl next door idéale (image qu’elle cultivera en incarnant Mary-Jane Watson dans la trilogie Spider-Man de Sam Raimi, seuls blockbusters à son actif), Virgin Suicides oriente clairement sa carrière vers un cinéma indépendant affirmé qui culminera avec son interprétation récompensée à Cannes pour Melancholia.
Confirmation d’une actrice de talent, révélation d’une cinéaste en passe de faire honneur au talent familial, The Virgin Suicides est donc aussi le film iconique d’une nouvelle vague du cinéma indépendant américain qui marque les ados de l’aube des années 2000 pour qu’aujourd’hui, Kirsten, Sofia et le film soient cultes.