“The Secret” de Pascal Laugier

Par Boustoune

Le titre, The Secret, fait-il référence au secret de fabrication d’un bon film? Possible, car ce secret-là, Pascal Laugier l’a bien connu. On avait pu en avoir la preuve avec son premier long-métrage, Saint Ange, fable fantastique cruelle et sombre que nous avions beaucoup aimé, et (un peu) avec Martyrs, son second, oeuvre étrange, à la fois fascinante et vénéneuse. On attendait donc avec une certaine impatience The Secret, son premier film en langue anglaise, et d’autant plus que la bande-annonce promettait un thriller haletant, aux coups de théâtre nombreux.

Hélas, le fameux secret a dû se perdre quelque part dans l’Océan Atlantique car le film a tout d’un pétard mouillé : intrigue improbable, propos fumeux, rebondissements tirés par les cheveux, rythme mollasson, réalisation et interprétation assez médiocres…

Le point de départ était pourtant prometteur : Dans une petite ville du nord des Etats-Unis, Cold Rock, des enfants disparaissent mystérieusement. La légende raconte qu’ils sont emmenés dans la forêt par un homme de grande taille (“The Tall man”, titre original du film).
Les habitants n’avaient pas besoin de ça. L’activité de leur ville était centrée sur l’exploitation des mines situées sous les montagnes, et depuis leur fermeture, la ville subit un inexorable déclin, avec ce que cela suppose de chômage, de misère, de détresse sociale. Les seuls endroits qui semblent encore en activité son le bar de la ville, où la population vient se saouler, et le dispensaire, tenu par la belle infirmière Julia Denning (Jesica Biel).
Malgré le décès de son mari, qui était le médecin de la ville, la jeune femme a décidé de rester sur place, et d’y élever son jeune fils David avec l’aide de sa nurse, Christine.
Un soir, l’enfant est kidnappé et Julia part à la poursuite de l’agresseur. On se dit qu’elle va finir par pénétrer dans l’antre d’un redoutable tueur en série ou d’une secte apocalyptique, mais les apparences peuvent être trompeuses, et le récit ménage quelques surprises de taille, à commencer par un retournement de situation assez radical à mi-parcours, coup de théâtre que l’on gardera soigneusement sous silence pour ne pas gâcher le plaisir de ceux qui voudront, malgré notre avis défavorable, voir ce film.

Ce twist aurait pu être une idée brillante s’il ne tombait pas un peu comme un cheveu sur la soupe et ne charriait pas autant d’incohérences scénaristiques. Mais au moins, il a le mérite de pimenter un peu une intrigue jusqu’alors mollassonne et manquant d’enjeux dramatiques. Et pour être honnêtes, on s’est laissés surprendre par ce coup de théâtre assez imprévisible.
Ce qui est plus gênant, c’est le propos philosophique tordu – et assez nauséabond – qui pointe derrière l’ensemble. Martyrs possédait déjà un côté moralisateur assez malsain, mais cela cadrait avec l’ambiance sordide de l’oeuvre, éprouvante et provocatrice. Là, c’est surtout l’ennui qui domine, et l’embarras…

Et on ne peut guère compter sur l’interprétation et la mise en scène pour relever le niveau.
Pascal Laugier semble seulement s’intéresser à sa comédienne principale, Jessica Biel, ce que l’on peut aisément comprendre vu le charmant minois de la demoiselle. Et il semble aussi ignorer que cette dernière en fait des tonnes et n’est pas toujours très crédible dans ce rôle. Les autres acteurs? C’est bien simple, ils sont réduits au rang de simples faire-valoir et sont purement et simplement sacrifiés en cours de route, comme s’ils n’étaient là que pour brouiller les pistes.

Sinon, le cinéaste est apparemment tout content d’avoir reçu un plus gros budget que pour ses deux précédents films et il le gaspille allègrement en tournant de nombreux plans aériens, totalement gratuits et inutiles. Pourquoi pas, c’est son film… Mais on est moins clément quand il oublie en chemin quelques règles élémentaires en matière de montage et de narration cinématographique.

La seule chose intéressante dans ce gros film raté, c’est la récurrence des obsessions de Pascal Laugier, qui met en scène, à chaque fois, des héroïnes à la lisière de la folie, ayant un rapport contrarié à la maternité, et travaille autour des zones d’ombres de la psyché humaine, symbolisée par ces belles demeures débouchant sur des zones souterraines gigantesques et inquiétantes.

Pour le reste, c’est une déception. Et une grande…
On conseille à Pascal Laugier de redescendre sur Terre et de revenir à plus de simplicité, tant sur la forme que sur le fond. Cela lui permettrait plus d’efficacité et une meilleure mise en valeur de ses thématiques. Parce que s’il continue comme cela, son style va vite tourner en rond et le cinéaste va perdre tout le capital-sympathie accumulé jusqu’alors. Ce serait dommage…

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The Secret
The Tall man

Réalisateur : Pascal Laugier
Avec : Jessica Biel, Jodelle Ferland, Stephen McHattie, William B. Davis, Samantha Ferris
Origine : France, Canada
Genre : twist again à Cold rock
Durée : 1h45

Date de sortie France : 05/09/2012
Note pour ce film :

contrepoint critique chez : TF1 news
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