L’étrange festival continue de plus belle et on s’attaque maintenant à quelques poids lourds de la compétition avec Insensibles, Antiviral et A Fantastic Fear of Everything. Mais il y a aussi un peu de rétro (Mort sur le Gril) et une fausse bonne idée (Resolution).
Il s’agit sans doute de l’un des films les plus attendus du festival. Premier essai sur grand écran de l’espagnol Juan Carlos Medina après un court-métrage prometteur, Insensibles a tous les ingrédients pour emporter l’adhésion. Et pour cause, dans la droite lignée de ce qu’a pu faire Guillermo Del Toro avec l’Echine du Diable, Medina nous emmène dans un hôpital où sont internés des enfants insensibles à la douleur à la veille de la guerre civile et de l’arrivée de Franco. Avec une parfaite maîtrise, le réalisateur arrive dans la première partie du film à créer en empathie pour ces mômes mais joue aussi sur le malaise qui se créé quand l’innocence est mêlée à d’horribles mutilations inconscientes. L’atmosphère est dure et va s’assombrir encore quand l’hôpital tombera sous le joug de l’armée et s’intéressera particulièrement à l’un des enfants qui en deviendra l’un des instruments.
Et c’est à ce moment là que le récit devient malheureusement moins prenant, parasité par une structure en flashbacks, il ne nous laisse malheureusement pas sombrer suffisamment dans la folie de cet hôpital et des tortures qui y sont subies mais en plus, le final devient alors assez prévisible. L’influence de Del Toro dans l’enfance désespérée et le portrait d’une Espagne chancelante devient alors trop évidente pour se prendre au jeu. Toutefois, il faut reconnaitre au réalisateur un véritable talent pour nous emmener dans ce sombre récit avec une triste poésie et il est certain qu’il est à suivre de très près.
Montré en sélection Un Certain Regard à Cannes, le premier film de Brandon Cronenberg (fils de …), Antiviral, avait divisé. Aujourd’hui, il a été remonté pour être présenté à Toronto mais aussi à L’Étrange Festival. Dans la droite lignée de son père, le jeune réalisateur développe un univers froid et hypnotisant. Dans le monde d’Antiviral, le public est tellement obnubilé par les stars qu’il en vient à vouloir les même maladies qu’elles, c’est ainsi que la clinique où travaille Syd March revend à tour de bras les dernières infections de la superstar Hannah Geist. Mais pour arrondir ses fins de mois, il transmets aussi des souches de virus à un dealer du coin. C’est ainsi qu’il se retrouve porteur du virus qui vient de faire mourir la star. Il va alors tout tenter pour trouver un remède.
Antiviral se pose ainsi comme une critique acerbe de notre société de consommation et de la starification à outrance. Le réalisateur n’hésite pas à montrer des steaks faits à partir de cellules des stars consommés par les fans vus alors comme des mort-vivants. Un point de vue qui fait froid dans le dos mais qui montre bien les dérives vers lesquelles les médias tendent. D’un autre côté, comme son père, Brandon Cronenberg montre une véritable obsession pour la chair et le sang. Un obsession maladive de la dégénérescence des corps qui n’a rien à voir la simple copie du paternel mais s’inscrit plus avec une véritable hérédité. Une chose est sûre, alors que David Cronenberg nous a déçu cette année avec des films trop bavards, la relève est ici assurée. Certainement l’un des meilleurs chocs du festival !
De temps en temps, Simon Pegg arrive à s’affranchir de ses compères Nick Frost et Edgar Wright et c’est dans A Fantastic Fear of Everything que nous le retrouvons. Il interprète ici un écrivain de livre pour enfants qui, en changeant de registre pour partir sur les traces de serial killers, devient complètement parano et agoraphobe. Dès lors, la préparation de son rendez-vous qu’il a avec un producteur hollywoodien pour adapter son livre sur grand écran devient un parcours du combattant.
Le film s’articule en deux parties, d’un côté, nous découvrons le personnage de Simon Pegg chez lui, hirsute, à l’affut du moindre drap volant à cause d’un courant d’air ou du moindre craquement de plancher. On croit alors à un huis-clos paranoïaque et affabulateur où Pegg fait le show un brin trop longtemps jusqu’à ce qu’il doivent accomplir un périple incroyable … au lavomatic du coin malgré un serial killer qui rôde ! Complètement absurde l’acteur s’en donne à cœur joie et déclenche régulièrement le rire. Toutefois, malgré un style british jouant assez justement sur l’équilibre entre le thriller et la comédie, l’histoire patine tout de même pas mal avec de sacrées longueurs en ayant du mal à se trouver à côté du show de Simon Pegg.
L’une des choses intéressantes de l’Étrange Festival est également de laisser carte blanche à certains réalisateur pour nous faire (re)découvrir des bijoux du cinéma ou des plaisirs coupable. Cette année, Jan Kounen s’est donc amusé et a ouvert sa sélection avec un film trop méconnu de Sam Raimi, Mort sur le gril. Réalisé après Evil Dead, sur un scénario de ses amis les frères Coen, le futur réalisateur de Spider-Man se lançait ici un cartoon live. Il n’y a qu’à voir le pitch pour s’en rendre compte : un installateur de vidéo surveillance doit échapper à deux dératiseurs cinglés et sauver la femme qu’il aime en secret.
Un brin trop long mais bourré d’idées (cette séquences avec les portes du hall d’exposition), il ne manquait plus que Roger Rabbit pour se joindre à la fête et à la bonne humeur sans prétention de ce petit délire. Assez anecdotique dans la carrière du réalisateur, il reflète toutefois un penchant pour le cartoon que l’on décèlera dans ses prochaines productions. Et évidemment, inénarrable Bruce Campbell est de l’aventure.
Avec Resolution, les réalisateurs Justin Benson et Aaron Moorhead tenait là un bon petit concept qui permettait, avec une légère touche de fantastique, de toucher un peu à un malaise de l’Amérique profonde et à la drogue. Après avoir reçu une vidéo de son meilleur ami complètement camé, Michael décide de lui venir en aide. Il va alors l’isoler chez lui et le sevrer de toute drogue mais en plus des dealers et propriétaires qui viendront réclamer leur du, d’étranges messages sont adressés aux deux amis.
Hélas, l’histoire se révèle vite être une fausse bonne idée. Le film tournant en rond sans arrêt sans jamais s’étendre à un problème un peu plus vaste, il répète encore et toujours les mêmes scènes entre les deux amis. Et d’un autre côté, les mystérieux message reçus par photo, vidéo, cassettes, … orientent le film vers un mauvais blair witch dont on sait qu’on sait très vite qu’on n’aura pas la réponse. Pourtant, malgré un budget fauché les réalisateur arrivent à poser de bonnes bases mais en trainant en longueur avec un intérêt tout relatif, le film trouve vite ses limites.