Rien ne nous en apprend plus sur un auteur que d’examiner le lieu où il travaille. Si quelques scénaristes se vantent de pouvoir écrire n’importe où, la plupart d’entre eux ont besoin de se réfugier dans un lieu dédié. C’est dans ce sanctuaire qu’ils passent de longues heures solitaires à créer leurs histoires, coupés du reste du monde…
Puisque les confrères et consoeurs qui ont accepté de nous ouvrir les portes de leurs bureaux tardent à rendre leurs copies, je vous propose de nous faufiler dans celui du célèbre romancier et scénariste britannique Martin Amis.
Né en 1949, Martin Amis est un romancier et essayiste britannique, on lui doit notamment les best-sellers Money et London Fields. Il a longtemps enseigné l’écriture créative à l’université de Manchester et s’est essayé à l’écriture de scénarios. Il aurait notamment collaboré, sans être crédité, au génial Mars Attacks! de Tim Burton et on lui aurait demandé d’adapter le roman Northanger Abbey de Jane Austen pour une cible adolescente!
Plusieurs de ses oeuvres ont été portées sur grand écran, dont The Rachel Papers, ou encore Mood Swingers, et son roman Money a été adapté en série télévisée. Comme son compatriote Philip Pullman, le Times l’a sacré l’un des cinquante plus grands auteurs britanniques depuis 1945. Il s’est récemment installé à New York.
On pourrait croire que Martin Amis a baigné dans l’écriture depuis sa prime enfance, étant fils de romancier, mais il était bien plus attiré par les comics books que les romans. C’est sa belle-mère, la romancière Elizabeth Jane Howard, qui lui fit découvrir Jane Austen lors de son adolescence
Son premier roman, The Rachel papers, largement autobiographique, lui vaudra à vingt-quatre ans à peine, le Somerset Maugham Award. Il en a depuis publié une douzaine d’autres, ainsi que sept essais. Artiste cynique et engagé, il rejette violemment toute idéologie politique et/ou religieuse et s’est attiré les foudres des mouvements féministes lorsqu’il a pointé certains « inconvénients » de la révolution sexuelle. Le New York Times l’a désigné comme l’un des maîtres « new unpleasantness » (« nouveau désagréable »).
Il se dit influencé par l’oeuvre de Saul Bellow, Vladimir Nabokov et James Joyce, et a lui-même fortement marqué de jeunes auteurs comme Will Self ou Zadie Smith.
Dans une interview au Guardian, Martin Amis a levé le voile sur sa routine d’écriture. On sait par exemple que son bureau se situe dans un bâtiment indépendant de sa demeure de Brooklyn, au fond d’une cour. Il apprécie de pouvoir y fumer librement et d’entendre les jeux des enfants dans la rue. Il s’y rend de dix heures à dix-neuf heures, mais pas forcément pour écrire. Il aime y lire ou brainstormer.
Il débute ses écrits sur papier avant de les taper sur son ordinateur portable, l’encre faisait à ses yeux « partie du processus créatif ». Il apprécie de ne plus travailler sur sa machine à écrire électronique car il lui fallait sans cesse retaper de nouvelles versions. Sur son bureau, on trouve des photos de famille, notamment un cliché de sa mère, mais il se dit peu attaché aux objets et souvenirs matériels.
Il ne s’est pas confié sur d’éventuels rituels d’écriture mais il a fait quelques très belles (et justes) déclarations à ce sujet, par exemple:
“On what he’s learned from writing fiction:You have to earn things. There are some things I’ve tried writing about that I haven’t yet earned the rights to. It’s about feeling the weight of [the subject] and suffering for it.”
(« Ce que j’ai appris au sujet de l’écriture de fiction: On doit mériter les histoires. Il y a certains sujets que j’ai essayé d’écrire sans en avoir encore gagné le droit. Il s’agit de sentir le poids du sujet, d’en souffrir. »)
La véritable écriture est à son sens obsessionnelle. Il estime que les auteurs qui comptent ont une part de génie, que le talent s’acquiert mais que ce génie est inné. Certains romans sont un échec dans la mesure où le génie n’a pas pu submerger l’auteur au point qu’il en fasse oublier son talent.
Voici quelques belles ressources au sujet de Martin Amis:
- le site The Martin Amis Web, qui comme son nom l’indique, lui est entièrement dédié
- une passionnante interview issue de la chronique The Art of Fiction du Paris Review
- quelques chouettes citations compilées
- un portrait publié cet été par le Guardian et une interview accordée au New York Times à l’occasion de la sortie de son dernier roman, Lionel Asbo
Je vous laisse en compagnie de l’auteur qui nous en dit plus sur sa vie et son oeuvre dans ce bel entretien datant de 2011:
Rendez-vous dans quinze jours pour visiter un nouveau bureau d’auteur…
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