Aujourd’hui, place à l’une des comédies musicales les plus importantes du cinéma américain. Discours sur l’immigration et l’acceptation de la différence dans une grande histoire d’amour avec des personnages forts, des chansons marquantes et des chorégraphies endiablées, voilà les composantes de West Side Story.
Il faut dire que l’histoire de West Side Story a bien tout du grand film populaire avec son histoire d’amour largement inspirée de Roméo & Juliette transposée dans les quartiers populaires de New-York où deux gangs rivaux se disputent le contrôle des rues. D’un côté nous avons donc les Jets, jeunes blancs de la classe ouvrière, tandis que de l’autre on trouve les Sharks, immigrés porto-ricains qui rêvent de trouver une place en Amérique. Et lorsque la sœur du gang des Sharks tombe amoureux de l’un des leaders des Jets, tout va évidemment mal tourner. Ainsi, West Side Story contraste déjà avec l’esprit du genre à l’époque en adoptant un ton plutôt tragique et social, laissant parler la frustration d’une génération.
Après avoir déjà abordé plusieurs genres (dont la SF avec le Jour où la terre s’arrêta), le cinéaste Robert Wise s’attelle donc à l’adaptation cinématographique du spectacle musicale en s’accordant les services de ses créateurs et en particulier de Jerome Robbins, chargé de filmer toutes les séquences dansées parfois d’une complexité ahurissante, à l’image de l’introduction ou de la séquence de « Cool» . Évidemment, les deux réalisateurs ayant un égo assez important mais désirant chacun délivrer le meilleur film possible, de nombreuses tensions vont perturber le tournage (Robbins quittant la caméra pour retrouver le réalisateur plus tard au montage, assurant ainsi au film une chance aux oscars).
Le film débute ainsi sur une séquence de 10 minutes sans la moindre parole. Après des vues aériennes vertigineuses de New-York, nous entrons sur le territoire des Jets et toute la chorégraphie filmée dans les rues de la ville (et non en studio comme cela se fait habituellement) nous permet faire le connaissance et par là-même de comprendre leur rivalité avec les Sharks. Une séquence qui laisse bouche bée et annonce le meilleur à suivre. Et effectivement, la suite sera toute aussi enivrante, de l’affrontement durant le bal à « cool» dans le garage sans oubier évidemment l’exaltant « America» , le film regorge de séquences cultes, inventives, rythmées et filmées avec un véritable savoir-faire évoquant un pur plaisir de cinéma qu’ont su capter Wise et Robbins.
Mais le film n’est pas qu’un enchaînement de séquences chantées et dansées et va bien plus loin en proposant, en plus d’une histoire d’amour romantique à souhait, assez mielleuse au début avant de révéler toute sa profondeur dans le final, une véritable réflexion sur la jeunesse américaine, sur l’immigration et l’acceptation des étrangers et la vie difficile dans les quartiers populaires. Autant de thèmes sociaux qui commencent à se faire lourdement ressentir dans le cinéma des années 50 et 60 et qui trouvent ici leur incarnation dans des personnages forts et en particulier Anita qui représente bien cette envie de vivre le rêve américain (éclipsant même alors la star du film Natalie Wood).
Avec un film aussi réussi, le public se déplace en masse et permettra également à la pièce de Broadway de connaitre l’affluence. Mais, dépassant son côté populaire, la profession aussi y voit un grand film de cinéma sur l’Amérique, ses rêves et ses démons. C’est donc un triomphe aux oscars où West Side Story récolte 10 oscars dont ceux de meilleur film, réalisateurs, acteur et actrice dans un rôle secondaire (il ne pouvait en être autrement pour les performances de George Chakiris et Rita Moreno) mais aussi pour sa direction artistique, ses costumes, sa musique, … de quoi faire alors entrer cette comédie musique au panthéon du cinéma américain pour des dizaines d’années et ça fonctionne encore aujourd’hui avec le même succès.