Quand la télévision française ose enfin innover, ça donne Metal Hurlant Chronicles, l’adaptation des nouvelles du magazine culte, pas exempt de défauts mais dont l’intention et l’audace sont tout de même à saluer dès le 27 octobre sur France 4.
Il était temps que les français comprennent. Largement devancées par la qualité et les risques des fictions américaines et anglais, on se demandait bien quand les chaînes françaises allaient réagir. Alors certes, Canal+ propose régulièrement des séries de qualité mais du côté de TF1, M6 et France Télévision, si ce n’est n’est pas une série policière, ça passe à la trappe. C’est au milieu de ce monde formaté que débarque donc Guillaume Lubrano, plein de rêves en tête et en particulier celui d’adapter la bande-dessinée de son enfance sur le petit écran. Après avoir acheté les droits de Metal Hurlant, il faudra beaucoup d’audace, de courage et sans doute un grain de folie pour proposer cela à France 4. Mais la chaîne déjà habituée des projets originaux (après tout, c’est la seule chaîne qui ait choisit de diffuser les séries déjà cultes de la BBC comme Dr Who ou Sherlock) va jouer le jeu et s’embarquer à son tour dans l’aventure. Toutefois, face aux risques d’une telle entreprise, le budget ne sera pas facile à réunir et le créateur va partir à la recherche de fonds dans toute l’Europe mener son projet à bien.
Il faut dire que Metal Hurlant est plus qu’une petite BD francophone. Au contraire, né dans les années 70 entre les mains de Jean-Pierre Dionnet, Moebius et Philippe Druillet, le magazine a révélé de nombreux talents, dessinateurs ou scénaristes au travers de centaines de courtes histoires et a du coup acquis une renommée internationale qui lui a déjà valu une adaptation animée sur grand écran dans les années 90. Ici, Lubrano, revient aux base ou presque en adaptant certaines histoires parues au format 26 minutes sous la forme d’une anthologie. Car comme pour des séries telles qu’Au Delà du Réel ou les Contes de la Crypte, chaque épisode sera ici complètement indépendant, avec des acteurs différents, permettant ainsi de varier les genres (de la SF au huis-clos post apo en passant par le médiéval fantastique) sans lasser, leur seul point commun étant donc la présence du Metal Hurlant (astéroïde circulant à toute vitesse dans l’univers) et une structure révélant toujours un twist final.
Et pour porter ces histoires à l’écran, Guillaume Lubrano a réussi, malgré un budget ultra réduit et un temps limité, à tenir le cap, en partie grâce à un générique qui nous replonge dans l’univers de la BD, un design travaillé et à des acteurs à dimension internationale que les aficionados reconnaitront, donnant ainsi au projet plus d’intérêt et permettra à la série d’être vendue à l’international (l’internationalisation de notre production télévisuelle, seule chose n’arrivent décidément pas à comprendre nos chaînes). Ainsi, on pourra retrouver dans les différents épisodes Dominique Pinon (Alien 4), James Masters (Spike dans Buffy), Joe Flannigan (Stargate Atlantis), Kelly Brook (Piranha 3D), Michael Jai White (Black Dynamite), Michelle Ryan (Bionic Woman), Rutger Hauer (Blade Runner) ou encore Scott Adkins (Expendables 2).
Mais toute cette ambition a malheureusement des limites. Car avec un budget et un timing aussi serrés, la réalisation et l’écriture patinent tout de même pas mal. Ainsi, sur seulement 26 minutes, on ressent régulièrement des longueurs, en partie à cause d’un jeu d’acteur allant du plutôt moyen au vraiment mauvais mais aussi parce que les histoires sont très prévisibles et on sent bien que le scénariste cherche à meubler sans avoir la matière. Est-ce aussi parce que les récits de Metal Hurlant ont fait leur chemin depuis les années 70 et ont influencé mine de rien bon nombre de récits qu’aujourd’hui ils paraissent déjà vu ? Peut-être mais ils restent tout cas dans l’esprit du magazine et peuvent se révéler d’une noirceur que l’on voit rarement à la télévision. Et si seulement la réalisation était à la hauteur des récits (sans abuser des ralentis cheaps dans les scènes d’action), il en serait autrement. Car ce qu’il manque aussi à Metal Hurlant pour prendre toute son ampleur, ce sont des réalisateurs chevronnés qui pourraient instaurer des ambiances plus prenantes aux épisodes et c’est là l’un des gros points faibles de la série.
Toutefois, malgré ses défauts (qui sont perfectibles si un budget suit pour de futurs épisodes), rien que pour le défi original que s’est imposé Lubrano, pour cette envie de faire bouger les choses dans la fiction française et de montrer que nous pouvons aussi faire de la SF, les 6 premiers épisodes de la série méritent tout de même le coup d’œil et d’être soutenus.
Metal Hurlant