Véritable pépite chez Vertigo (sorti il y a 3 ans en VO), le nouveau graphic novel de Grant Morrison mêle la lutte contre la maladie et l’épopée pour délivrer un récit d’aventure touchant à lire absolument. Découvrez Joe l’Aventure Intérieure.
En dehors de sa relecture particulière des héros de Marvel ou DC, Grant Morrison est l’un des rare scénariste à s’aventurer dans des récits particuliers dans lesquels il peut montrer une toute autre facette de son travail ou expérimenter de nouvelles choses en termes de narration. Il en avait d’ailleurs fait preuve sur Nou3 en prenant pour héros des animaux dans une histoire particulièrement violente.
Cette fois, il s’associe à un jeune artiste en train de monter dans le label adulte de DC avec American Vampire Legacy, Sean Murphy, pour raconter l’aventure de Joe, un garçon normal ou presque puisqu’il souffre du diabète et risque donc régulièrement de tomber dans des crises d’hypoglycémie. Et c’est pendant l’une d’elles qu’il va vivre une expérience inédite, une véritable épopée. Car dans sa crise, il commence à délirer et le chemin qui le mènera de sa chambre à la cuisine pour trouver du sucre deviendra un véritable parcours du combattant.
L’histoire aurait pu être simple et très mièvre en s’intéressant au quotidien de ce jeune diabétique et voir tout le monde s’apitoyer sur son sort, entre séjours à l’hôpital et parents larmoyants. Grant Morrison va tout de suite balayer ces poncifs pour faire du combat contre la maladie et contre la mort une véritable aventure. Dans le délire malade de ce garçon solitaire qui a perdu son père et dont la mère a du mal à joindre les deux bouts, les jouets prennent vie, son rat devient un grand guerrier, le robinet devient une cascade, l’ombre un ennemi implacable.
L’imagination de Joe prend le pas pour nous entrainer dans une lutte épique et en même temps très intimiste puisque nous restons quoi qu’il arrive dans le cadre de cette maison qui se transforme dans l’esprit de Joe en terre de légende et de batailles. Le récit tire ainsi sa force de cette lutte pour la survie du garçon mais aussi par l’apprentissage de la vie adulte qu’il fait dans le même temps. Car dans cette aventure, il devient aussi le responsable d’un monde, de personnages qu’il sait fictifs mais auxquels on s’attache.
Finalement, on s’éloigne en fait beaucoup du style souvent froid et violent de Morrison pour plonger dans un récit très personnel qu’il traite avec beaucoup d’humanité et de sincérité. Il est aidé en cela par un Sean Murphy grandement inspiré qui apporte énormément à la dynamique du récit, à l’attachement aux personnages et à la grandiloquence de son aventure. Le dessinateur nous gratifie en effet de dessins à la fois intimes, au plus proche de l’esprit torturé et malade de son héros avec un découpage parfois sans dialogue où il laisse transparaitre sans solitude.
Mais il arrive aussi à s’embarquer de l’autre côté dans l’évocation d’un univers passionnant qu’il rend tout de suite tangible, notamment au travers de doubles pages impressionnantes dont le travail dans le détail laisse parfois bouche bée. Murphy joue alors aussi avec les personnages pour créer des alliés sympathiques et des ennemis menaçants qui reflètent le véritable danger de la maladie et donnent alors un côté désespéré à l’aventure de Joe.
Avec Joe l’Aventure Intérieure, Grant Morrison et la révélation Sean Murphy nous entrainent alors dans une métaphore de la lutte contre la maladie à la fois épique et intime qui régale autant les yeux que l’esprit et dont on referme les pages vraiment touché. Un coup de cœur, une perle des comics.