Culte du dimanche : Casino Royale

Par Fredp @FredMyscreens

Alors que le nouveau volet des aventures de 007, Skyfall, s’apprête à sortir sur les écrans avec de très bons échos, revenons sur l’épisode de James Bond qui a su relancer l’intérêt autour d’une franchise qui prenait la poussière et n’avait plus que le spectaculaire pour faire illusion : Casino Royale.

Pendant toutes les années 90, James Bond avait le visage bien sous tout rapport du très classe mais trop lisse Pierce Brosnan. Mais voilà, après 4 films il a vite trouvé ses limites. Il faut dire qu’après le 11 septembre 2001, l’image du héros parfait qu’il incarnait n’était plus en phase avec l’actualité. Chaque volet ne faisait que ringardiser la saga qui souffrait à chaque fois d’une surenchère de cascades et de gadgets n’ayant ni queue ni tête, à l’image de la fin de règne de Roger Moore. Pendant ce temps, en face, la concurrence de l’agent secret commençait à se faire plus rude avec l’arrivée de Jason Bourne qui impose tout de suite un nouveau héros plus tourmenté et crédible.

Mais les producteurs ont plus d’un tour dans leur sac et décident de revenir aux origines de 007 pour réinstaller le personnage dans un monde plus dur qui réclame un héros torturé et aux méthodes plus expéditives. Le premier signe de ce changement, et pas des moindres, est donc le changement de visage de James Bond. Finie la classe imperturbable de Pierce Brosnan, désormais, l’agent de sa majesté aura le visage buriné blond aux yeux bleus glacials de Daniel Craig. Évidemment, pareil changement ne se fera pas sans s’attirer les foudres des puristes de la saga qui vont pourtant bien finir par accepter ce choix audacieux devant la réussite du film.

Signe d’un retour aux origines, le film sera adapté de l’un des livres originaux de Ian Flemming pour porter le titre de Casino Royale, devenant ainsi le remake de deux James Bond officieux. Étonnamment, c’est Martin Campbell qui va orchestrer ce retour aux sources. Celui qui avait relancé l’intérêt pour la franchise avec Goldeneye a donc la lourde tâche d’accomplir cette mission une seconde fois et d’une manière différente. Et cette différence se fera dès la séquence pré-générique qui ne donnera pas dans le spectaculaire mais dans les premiers assassinats à froid qui donneront à Bond son statut de « 00″ dans un noir et blanc de grande classe. Le ton est donné, Bond sera plus brutal et le générique plus rock qu’à l’accoutumée (interprété par Chris Cornel) installe le personnage (ce n’est pas pour rien que le titre de la chanson est You know my name).

Pour la suite, les séquences les plus spectaculaires auront lieu au début du film (la poursuite acrobatique dans le chantier de Madagascar et l’interruption d’un attentat à Miami) avant de laisser l’intrigue se lancer et se resserrer sur une partie de poker d’une redoutable intensité et de la relation complexe et passionnée qui va se nouer avec la première « girl»  de James Bond. En cela, Casino Royale reprend à l’envers les principaux principes de la saga pour mieux dérouter les fans qui n’attendaient finalement que ça. Outre l’absence de Q et Moneypenny (qui serait en un sens l’héritière de Vesper), le film montre même un James Bond à l’encontre de ses habitudes (il se fout même de savoir si son futur traditionnel vodka martini sera au shaker ou à la cuillère) et surtout complètement humain. Cette fois l’agent secret fait des erreurs et se montre violent, incontrôlable mais il va aussi se montrer plus humain, révélant des sentiments réels et forts pour Vesper dans une histoire manipulatrice et tragique.

Finalement, le film ne tourne plus autour des cascades comme c’est le cas pour chaque 007 (habituellement, le scénario ne sert qu’à lier les séquences d’action déjà chorégraphiées) mais bien autour des personnages. Daniel Craig impose ainsi le James Bond le plus intéressant depuis Sean Connery, révélant les failles de son personnage alors que la James Bond Girl incarnée par Eva Green est sans doute le personnage féminin le plus complexe de toute la saga et dont l’impact sur Bond sera déterminant par la suite. Quand au vilain, loin des mégalomaniaques du passé, Le Chiffre (impeccable et menaçant Mads Mikkelsen) n’est qu’un comptable au service d’une organisation agissant à plus grand échelle à découvrir dans les suites. Car Casino Royale appelle pour la première fois une suite (chose qui n’est jamais arrivée dans la saga) et pose déjà des éléments qui peuvent nourrir de nombreux volet à la fois dans l’évolution du personnage mais aussi dans cette intrigue de complot international.

Le résultat est sans appel, en donnant un caractère plus tranché à son héros avec une intrigue qui tient la route, Casino Royale est sans doute le meilleur film de la saga et le public lui fera honneur, balayant d’emblée les aprioris sur Daniel Craig dans le smoking. James Bond en ressort dépoussiéré, à même de battre les jeunots Jason Bourne et Ethan Hunt sur leur propre terrain. Et si la suite Quantum of Solace ne se révèle pas à la hauteur du défi, on peu compter sur le sens de la dramaturgie de Sam Mendes pour emmener 007 vers d’autres cieux dans Skyfall.