Lola (Pauline Haugness), une fillette de huit ans, passe quelques jours de vacances sur une île écossaise, en compagnie de sa mère, Sarah (Emilie Dequenne). Pendant que cette dernière, violoncelliste professionnelle, répète sur la plage le prochain concert qu’elle doit donner, la gamine filme les environs à l’attention de son père, Martin (Michael Youn), qui doit les rejoindre un peu plus tard. Une poignée de minutes plus tard, elle disparaît.
Les recherches sur l’île ne donnent rien. On ne retrouve pas le corps de l’enfant et la police conclut à une noyade.
Les parents sont effondrés. Leur couple n’y résiste pas. Sarah parvient à s’en sortir en s’investissant dans le travail. Pour Martin, c’est plus difficile. Il sombre dans la dépression et dans l’alcool.
Mais, deux années plus tard, ils reçoivent un appel leur annonçant que la fillette a été retrouvée à l’endroit exact où elle avait disparu. Sarah refuse de retourner sur l’île et demande à Martin de partir chercher leur fille tout seul.
Sur place, Martin est heureux de retrouver sa fille. Elle est vivante et apparemment en bonne santé, même si elle semble s’être murée dans le silence.
Au cours de la traversée en ferry pour retourner sur le continent, Martin se rend compte que quelque chose ne tourne pas rond. La gamine refuse toujours de lui raconter ce qu’il s’est passé deux ans auparavant, mais sous-entend que Sarah sait ce qu’il s’est passé. Martin se pose des questions sur son ex-femme, sur l’ami commun à qui appartient la propriété sur l’île écossaise, sur une passagère bizarre qui semble tourner autour d’eux, Norah (Fanny Valette) une rock-star dépressive et suicidaire…
Au terme de la traversée l’attend une vérité qu’il est loin d’imaginer…
L’intrigue de La Traversée, imaginée par Jérôme Cornuau, est plutôt bien ficelée. Elle oscille habilement entre thriller, fantastique et virée onirique, en faisant lentement monter la pression. Même si on peut deviner avant l’heure les tenants et les aboutissants de cette Traversée, le récit est suffisamment bien mené pour donner envie d’aller au bout du voyage.
Le hic, c’est que si Jérôme Cornuau est ici un scénariste tout à fait honorable (1), il n’a jamais été un bon cinéaste, ni un bon directeur d’acteurs, et que ces deux manques plombent sérieusement son film.
Le choix de Michael Youn dans le rôle principal n’était pas forcément une mauvaise idée. On sait depuis Héros que le bonhomme est capable d’évoluer dans un registre plus dramatique et plus sérieux que ses habituelles pitreries télévisuelles ou cinématographiques. Mais hélas, il n’est pas franchement convaincant dans ce rôle de père paumé, en quête de réponses.
Oh, on ne doute pas qu’il se soit beaucoup investi dans le personnage. Physiquement du moins. Mais son jeu manque de justesse, reste constamment étrangement figé, atone. Il force trop le trait. Malgré les efforts déployés par le cinéaste, on peine à s’identifier au personnage, qui nous reste relativement antipathique d’un bout à l’autre du film, sans que l’on sache vraiment pourquoi. Dommage, car c’est en grande partie sur lui que repose le film.
Hormis la jeune Pauline Haugness, qui assure son rôle avec une maturité étonnante pour une fille de cet âge, les autres comédiens n’ont pas grand chose à se partager. Emilie Dequenne est curieusement sous-exploitée et n’a que très peu de scènes pour faire exister son personnage. Fanny Valette est un peu mieux lotie en temps de présence à l’écran, mais son personnage de rock-star dépressive est un peu trop chargé en stéréotypes pour qu’on puisse y croire vraiment, malgré tout le talent et le charisme de la jeune actrice.
La mise en scène n’est guère plus inspirée que l’utilisation des acteurs. Là aussi, on peut saluer les efforts du cinéaste pour soigner l’atmosphère du film, son travail sur le grain d’image, sur les couleurs, les lumières… Mais pour le reste, c’est moins brillant. C’est confus, trop brouillon, dans l’utilisation de la grammaire cinématographique. Cornuau se perd dans des effets inutiles et des scènes redondantes.
Le film pâtit d’un problème de rythme, par moment trop rapide pour que l’angoisse ait le temps de monter, à d’autres trop lent, ce qui laisse au spectateur le temps de gamberger et de deviner de quoi il en retourne.
Et surtout, le film n’émeut pas comme il le devrait, et ne fait pas vraiment peur non plus…
Bref, la tentative de cinéma de genre à la française était intéressante. Le résultat l’est beaucoup moins.
Les bonnes recettes du cinéma de genre espagnol et anglo-saxon ne semblent pas encore avoir traversé les frontières hexagonales…
Cela dit, on préfère voir Cornuau se planter en tentant des films de ce type plutôt que des navetons comme Bouge! ou Folle d’elle…
(1) : Et encore, ce point est sujet à polémique. Beaucoup estiment que Cornuau s’est très fortement inspiré du roman “Parce que je t’aime”, de Guillaume Musso, qui n’est pourtant pas cité au générique du film. Consciemment? Inconsciemment? Toujours est-il que les similitudes sont grandes entre les deux oeuvres… Ceci n’enlève rien à la construction scénaristique, mais quand même, si le plagiat est volontaire, ce n’est pas beau de copier…
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La Traversée
La Traversée
Réalisateur : Jérôme Cornuau
Avec : Michaël Youn, Fanny Valette, Pauline Haugness, Emilie Dequenne, Jules Werner
Origine : France
Genre : voyage intérieur
Durée : 1h37
Date de sortie France : 31/10/2012
Note pour ce film : ●●○○○○
Contrepoint critique : Ecran large
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