Sublime tableau théâtral, Joe Wright transforme Anna Karenine en objet de luxe romanesque et rempli d’une audace visuelle qui laisse pantois !
Après maintes adaptations cinématographiques, le défi était de trouver une nouvelle manière de raconter cette histoire sans être rébarbatif tout en la modernisant. A ce titre, Joe Wright, avec son sens du rythme et du visuel était effectivement le réalisateur adapté pour donner un second souffle à Tolstoï en nous emportant dans un univers théâtral et onirique. Dès les premières scènes il nous embarque ainsi dans un théâtre baroque aux scènes multiples sur lesquelles s’enchaînent les tableaux à couper le souffle pour nous immerger dans une aristocratie russe entre décadence et bon goût de surface. L’exposition est ainsi particulièrement audacieuse et dégage une force inattendue jusqu’à cette valse enivrante, reflet de l’attirance d’Anna et du Comte Vronsky.
Évidemment, certains vont vite taper sur cette mise en scène démonstrative qui peut souvent rapprocher le film du spot de pub pour marque de luxe, mais si ce parti-pris atténue les émotions du spectateur qui se perd dans les situations et les personnages, il sert tout de même à mettre en relief les sentiments à la fois retenus et explosifs des protagonistes. On sera alors soit admiratif devant l’enchainement des images présentées soit particulièrement énervé mais certainement pas indifférent devant cette audace époustouflante qui offre alors des tableaux splendides servis par une partition musicale qui nous plonge dans l’ambiance romanesque russe en un clin d’œil et un travail incroyable sur les décors et les costumes.
L’une des réussites de Joe Wright, même si l’interprétation peut être cachée par la mise en scène, est également d’arriver à rendre Keira Knightley supportable et c’est assez rare pour être souligné. Il est en effet l’un des seuls réalisateurs qui ne table pas sur les minauderies de la demoiselle et arrive à la faire jouer de manière juste. Il faut dire qu’elle a face à elle un Jude Law particulièrement brillant en mari désespéré à la rage contenue, alors forcément elle se doit d’être au niveau. Seul Aaron Johnson peut paraitre un peu fade à côté en jouant trop sur l’innocence de son personnage.
Généreux, Joe Wright l’est donc à plus d’un titre et il en fait même peut être trop (ne vous étonnez même plus de voir arriver un train enneigé dans les coulisses du théâtre !). Mais c’est justement parfois dans les extrêmes que l’on trouve les expériences de cinéma et les plus intenses et les plus époustouflantes. Son Anna Karenine est à ce titre une abolition des frontières audacieuse entre entre le texte, le théâtre et le cinéma qui invite non pas à l’émotion mais à l’extase devant une telle folie d’images enivrantes et d’une force romanesque comme nous n’en voyons que trop rarement.
Metteur en scène tape à l’œil ou petit génie, Joe Wright va diviser et surprendre en modernisant ces classiques comme Anna Karenine et finalement c’est bien pour cela qu’on est admiratif de son travail.