L’Odyssée de Pi, critique

Par Fredp @FredMyscreens

Une voyage spirituel pour mieux se connaitre et des images de toute beauté, voilà l’incroyable Odyssée de Pi par Ang Lee.

Il parait que le livre était quasiment impossible à adapter. L’Odyssée de Pi, best seller du canadien Yann Martel, est passé entre de nombreuses mains avant d’échouer sur le bureau d’Ang Lee. Il faut dire que l’histoire d’un garçon seul en mer avec un tigre pendant près de deux heures avec en plus une portée spirituelle, n’est pas ce qu’il y a de plus vendeur. Mais Ang Lee, réalisateur aussi éclectique que talentueux, aime autant les défis qu’il ressent une proximité avec le sujet.

Le voilà donc parti pour nous raconter une histoire incroyable qui met pourtant du temps à s’installer au travers d’une narration qui semble dans un premier temps superflue. Car tout ce que l’on désire, c’est partir en mer, assister à une catastrophe et se retrouver seul au milieu de l’océan. Au lieu de cela, le réalisateur va prendre le temps de nous présenter ses personnages, que ce soit le héros Piscine « Pi»  Patel ou son futur « colocataire»  marin, le tigre nommé Richard Parker. Il nous fait alors adhérer à son état d’esprit et nous indiquant tout de suite l’orientation spirituelle que va prendre son récit, posant nombre de questions sur la croyance, que ce soit la croyance religieuse ou la croyance dans l’histoire racontée.

Au premier abord simple histoire de survie d’un jeune homme face à un tigre qu’il va devoir apprivoiser en pleine mer, l’Odyssée de Pi devient rapidement une grande fable universelle posant des questions qui toucheront personnellement tout le monde. Le passage à l’âge adulte, le dépassement de soi, la foi (en soi, en un être divin), la force de la nature aussi merveilleuse que cruelle, notre place dans l’univers et la croyance dans la puissance de l’imaginaire, tels sont les thèmes qui sont abordés ici de manière passionnante avec de multiples niveaux de lecture, sans jamais prendre le spectateur de haut. D’une portée spirituelle et philosophique sortant complètement des carcans habituels du cinéma, le film interroge le spectateur et le fait réfléchir sur le sens de l’histoire racontée.

Et toute la technique est au service de ces questions et de ce récit initiatique. D’une maîtrise hallucinante avec des séquences impressionnantes et d’autres sidérantes de beauté, Ang Lee délivre un film inhabituel aussi bien dans le fond que dans sa forme. Le réalisateur s’amuse avec le cadre, le format d’image, la 3D (superbement utilisée) et tout ce qu’il peut créer de merveilleux. Des tempêtes violentes, l’apparition de méduses phosphorescentes, l’attaque de poissons volants, … ce sont autant de moments aussi prenants que magiques (et on en garde encore en réserve).
Et lorsque, par exemple, on retrouve notre héros seul entre le ciel étoilé et le reflet de cette voute céleste dans l’eau, nous avons l’illusion qu’il flotte dans l’espace, appuyant alors cette dimension spirituelle et parfois métaphysique que chacun interprétera comme bon lui semble.

Et c’est à l’issue du film, dans les derniers mots que prononce le narrateur sur cette incroyable épopée personnelle, que le choix de la narration prend tout son sens et toute sa force avec un message magnifique sur la portée de l’imaginaire et de la croyance sans pour autant laisser de côté les plus cartésiens et sans être moralisateur. Car au fond, peu importe en quoi, chacun a besoin de croire.