Avec la sortie de the Master au cinéma, il était temps de revenir le film qui a fait connaitre le prodige Paul Thomas Anderson, la chronique sur le milieu du porno des 70′s : Boogie Nights.
Le film débute ainsi sur un coup de maître, à la fois narratif et technique. En effet, PT Anderson ouvre Boogie Nights par un long plan séquence dans une boîte de nuit qui lui permet de présenter en quelques minutes les principaux personnages de sa fresque, du producteur à l’actrice star en passant par le propriétaire des lieux, la starlette ou encore le plongeur qui rêve secrètement de devenir une star pour faire quelque chose de sa vie. Prenante et rythmée par le disco et le funk, cette ouverture place tout de suite les enjeux, l’esprit et l’ambiance du film. On sait dès lors que nous allons voir plus qu’un simple drame, un kaléidoscope qui montrera une facette de l’Amérique et d’une époque.
Nous allons donc principalement suivre le jeune Eddie Adams (Mark Wahlberg) qui, pour échapper à une situation familiale infernale, va profiter de l’opportunité que lui offre le réalisateur Jack Horner. Sous le pseudo de Dirk Diggler, il va alors devenir une star internationale du porno et traverser 7 ans de tumultes, des plus grands succès à la descente aux enfers, entre sexe, argent, drogue, trafics, amours artificiels…
Au delà de ce personnage qui représente une industrie du plaisir encore libre, c’est toute une communauté qui est décrite ici et, à côté de Wahlberg, PT Anderson a regroupé un casting assez dingue. On y retrouve ainsi Burt Reynolds dans ce qui est probablement son meilleur rôle et qui sera d’ailleurs fortement récompensé, Julianne Moore (touchante en actrice cocaïnée à qui on a retiré son enfant), Heather Graham, John C. Reilly, Don Cheadle, ou encore Philip Seymour Hoffman. Pour la plupart des acteurs que l’on retrouvera dans la filmographie du réalisateur qui s’est ainsi créé une famille de cinéma.
Dans Boogie Nights, on décèle déjà tout ce qui intéresse le réalisateur : un bout de l’histoire cachée de l’Amérique, la destruction du mythe américain, les destinées dramatiques de personnages multiples, le portrait d’une communauté fermée. Tout est là, parfaitement maîtrisé dans sa narration prenante et parfois touchante et avec une maitrise technique bluffante. C’est simple, on ne voit pas le temps passer et le réalisateur, sans pour autant être vulgaire ni complaisant, ni trop voyeur, arrive à nous intéresser à ce milieu qui aurait pu être rebutant et à nous attacher à ses personnages. Seul ce dernier plan du héros perdu et révélant tout ce qui lui reste choquera autant qu’il sera perçu comme un vrai doigt d’honneur à l’Amérique qui s’est transformée et au star system.
Profondément pessimiste à mesure que le récit avance, Boogie Nights révèle pleinement tout le talent de son auteur et offre un portrait sans far des dérives de l’Amérique, du business et du cinéma qui n’est plus fait par plaisir et qui traite ses stars comme des produits jetables.
L’ambition de Paul Thomas Anderson sera ici payante puisque le film rencontrera un joli succès à la fois public et critique, faisant du réalisateur un talent à suivre de très près. D’autant plus que le film sera multi récompensé dans les cérémonie célébrant le cinéma indépendant. Ces louanges lui permettront alors de réaliser ses films suivants en totale indépendance avec le fameux director’s cut à la clé et ce n’est que le début d’une filmographie passionnante dans laquelle il déconstruit à chaque plan le visage de l’Amérique.