Rien ne nous en apprend plus sur un auteur que d’examiner le lieu où il travaille. Si quelques scénaristes se vantent de pouvoir écrire n’importe où, la plupart d’entre eux ont besoin de se réfugier dans un lieu dédié. C’est dans ce sanctuaire qu’ils passent de longues heures solitaires à créer leurs histoires, coupés du reste du monde…
Je vous propose aujourd’hui de nous faufiler dans celui du grand maître de l’anticipation Ray Bradbury.
Raymond Douglas Bradbury (1920-2012), romancier américain, est un véritable pilier des genres SF/anticipation/fantastique. On lui doit une trentaine de recueils de nouvelles et une dizaine de romans, dont les mythiques Chroniques Martiennes et Fahrenheit 451, roman dystopique qui sera adapté pour le grand écran par François Truffaut (scénario co-écrit avec Jean-Louis Richard). Il a également signé trois pièces de théâtre et écrivait de la poésie à ses heures perdues.
Après le lycée, en 1938, il refuse de poursuivre ses études et devient vendeur de journaux, passant son temps libre à la bibliothèque municipale où il dévore des comics, notamment les aventures de Flash Gordon et Buck Rogers.
Il publie des nouvelles de science-fiction dans des fanzines et dès 1941, il se fait rétribuer par Super Science Stories. Il devient écrivain à plein temps l’année suivante, à vingt-deux ans à peine. Ses Chroniques Martiennes, publiées en 1950, mettent sa carrière sur orbite.
En 1953, il s’essaie à l’écriture de scénario sur le Moby Dick de John Huston. Il renouvellera quelques fois l’expérience, s’amusera à faire l’acteur, apparaîtra dans divers documentaires, et ses oeuvres seront adaptées plus de… quatre-vint fois sur petit et grand écran!
En avril 2002, l’écrivain, qui publiera quasiment jusqu’à sa mort, reçoit son étoile sur le Walk of Fame d’Hollywood. Disparu l’année dernière, il a eu les honneurs de la NASA, qui a donné son nom au site d’atterrissage sur Mars du robot Curiosity.
Ray Bradbury se disait influencé par William Shakespeare, George Bernard Shaw, Edgar Allan Poe, Arthur Conan Doyle, Dashiell Hammett, Jules Verne et H.G. Wells.
Sa routine d’écriture tenait en mille mots quotidiens et l’amorce d’un nouvel écrit (nouvelle, essai, poème) chaque jour. Comme vous pouvez le constater sur le cliché qui suit, il aimait la compagnie féline pour produire sa prose:
Voici quelques uns des conseils qu’il dispensait aux jeunes auteurs:
- Ne pas commencer pas écrire des romans. Cela prend trop de temps. Ecrire à la place un grand nombre de nouvelles, autant que possible, tout au long d’une année car selon lui « il est impossible d’écrire cinquante-deux mauvaises histoires de suite. »
- Vénérer ses auteurs favoris mais ne surtout pas chercher à les imiter.
- Etudier des nouvelles de grande qualité. Il recommandait notamment les oeuvres de Roald Dahl, Guy de Maupassant, Nigel Kneale et John Collier.
- Se « bourrer le crâne » de matériel intellectuel/littéraire. Il suggérait de lire, chaque soir avant de se coucher, une nouvelle, un poème classique et un essai/article de fond. Excellent programme!
- Se débarrasser des amis/relations qui ne croient pas en soi.
- Vivre en immersion au milieu des livres, et pas seulement derrière un écran d’ordinateur.
- Tomber amoureux/se de films, si possible des classiques.
- Ecrire dans la joie.
- Ne pas s’attendre à gagner de l’argent avec ses écrits. Etre conscient que même dans le meilleur des cas, il faudra longtemps avant de payer les factures avec ses écrits.
- Lister 10 choses que l’on aime et 10 que l’on déteste. Puis écrire à leur sujet. Réitérer l’exercice avec ses plus grandes peurs.
- Lutter contre le writers’ block par le biais d’associations de mots.
- Garder précieusement des objets attachés à des souvenirs, bons ou mauvais. Prendre des notes, tenir un journal, bref, stocker une large matière pour des écrits futurs.
Que diriez-vous de quelques ressources supplémentaires au sujet de Ray Bradbury?
- un article d’un webzine espagnol qui propose une belle sélection de photos de l’auteur à son domicile et en famille
- le site RayBradbury.com
- un joli portrait du New York Times, datant de 2007. On y découvre la routine de travail des dernières années de l’auteur, diminué par une attaque en 1999 mais qui gardait toute sa tête et sa fougue artistique
- la chouette nécrologie de Wired magazine, intitulée How Ray Bradbury Brought the West to Science Fiction
Achevons notre visite en visionnant ce beau documentaire: