A l’approche du 20e Festival de Gerardmer, il est bon de revenir sur l’un des films qui a marqué ce rendez-vous du cinéma fantastique et aussi, à sa manière le cinéma d’horreur des années 2000 : Saw.
Après leur sortie de l’école de cinéma, les australiens James Wan et Leigh Whannell ont dans l’idée de réaliser un huis-clos tordu avec 2 personnes coincées dans une salle de bains délabrée avec un cadavre au milieu … mais il faudra du temps avant de convaincre. Pour décider les producteurs, ils vont alors réaliser un court-métrage présentant l’un des pièges phare du film et ça fonctionne puisqu’ils vont décrocher le budget nécessaire au tournage de leur film machiavélique. Leigh Whannell écrit et va jouer dedans et James Wan se concentre alors sur la réalisation et, coup de chance, ils ont le soutien de ce vieux briscard de Danny Glover qui accepte de jouer dans le film.
Voilà donc l’équipe prête pour un tournage express. Ils ont moins de 20 jours pour tout boucler, les scènes se déroulant dans cette fameuse salle de bains mais aussi les flashbacks et explications de ce qu’il se passe à l’extérieur. Le scénario machiavélique est en place et, vu l’ambiance du film, la comparaison avec le Se7en de David Fincher ne tarde pas à apparaitre (toutes proportions gardées évidemment). Il faut dire que le réalisateur n’est pas avare en effets clipesques et le scénario est suffisamment retords pour impliquer le spectateur, malgré l’interprétation souvent approximative des 2 acteurs principaux. Avec une ambiance particulièrement malsaine, Saw fait son effet, sans pour autant réinventer le genre.
Mais ce qui marque vraiment dans Saw, c’est le sadisme dont fait preuve le nouveau boogeyman créé pour l’occasion. Nommé Jigsaw (le tueur au puzzle), il ne tue pas ses victimes mais les places dans des situations piégées de telle manière qu’ils doivent subir les pire tortures si elles veulent s’en sortir. Le jeu est alors de savoir quels pièges diaboliques les auteurs et le tueur peuvent bien nous concocter pour obtenir des mises à mort particulièrement horribles et créer une tension insoutenable. La particularité de ce nouveau serial killer qui va marquer les années 2000 est également qu’il est lui-même à l’article de la mort puisqu’il trouve sa motivation dans la tumeur qui lui attaque le cerveau.
Pourtant, contrairement à l’image qu’on peut avoir de la saga, ce premier volet n’est pas spécialement gore et économise même sur ces effets, préférant nous laisser deviner l’insoutenable en cadrant plutôt les tête des personnages en souffrance que les membres coupés. Mais le film repose bien plus sur un scénario particulièrement malin et l’angoisse de la présence du tueur que sur ces effets qui ont été popularisés par les suites. Privilégiant une intrigue reposant sur les révélations que vont se faire les personnages et la poursuite d’un tueur imprévisible, Wan et Whannell livrent un thriller d’une redoutable efficacité, possédant aussi bien la fougue que les défauts du premier film.
Après quelques festivals où le film commence à faire parler de lui, Saw finit par sortir en salles et le succès est immédiat. Profitant d’un bouche-à-oreille plutôt flippant, il remporte plus de 100 fois sa mise de départ pour devenir l’un des films les plus rentables du genre. Forcément, face à ce succès rapide, les producteurs vont enclencher la production d’une suite par an qui vont malheureusement plus chercher à aligner les effets gores et les pièges malsains qu’à explorer les possibilités offertes par le scénario. Le succès s’amplifiant à chaque fois, ces suites engendrent alors un nouveau mouvement du film d’horreur et pas forcément le plus subtil, le « torture porn» , dans lequel s’engouffrera notamment Eli Roth et son Hostel et nombre de films qui sortiront ainsi directement en vidéo.