A l’occasion de la sortie du film Hitchcock sur le tournage du culte Psychose, revenons sur un autre grand film du maître du suspense : Fenêtre sur Cour.
Après le succès du huis clos en 3D le Crime était presque parfait, Alfred Hitchcock n’a pas fini d’innover et va trouver une nouvelle manière d’exprimer le suspense avec un sens de la mise en scène toujours plus précis. Cette fois, c’est en lisant la nouvelle It Had to Be Murder de Cornell Woolrich qu’il se met à écrire le scénario de Fenêtre sur Cour avec John Michael Hayes. Le film raconte donc comment un photographe coincé chez lui avec une jambe dans le plâtre après un accident commence à soupçonner l’un de ses voisins de meurtre. Il ne peut alors s’empêcher de l’espionner par la fenêtre pour recueillir le plus de preuves possible.
Pour ce nouveau film, le réalisateur s’entoure d’une équipe qu’il connait bien et nous retrouvons donc pour la deuxième fois Grace Kelly (après le Crime...) et James Stewart (après la Corde) devant la caméra du maître. Tout de suite l’alchimie opère entre les deux acteurs, la jeune bourgeoise cherchant à tout prix à plaire à l’aventurier et rivalisant de glamour à chaque apparition. Cela, elle le doit à un scénario parfaitement écrit qui n’hésite pas à changer la donne et bousculer gentiment la morale comme aime si bien le faire le réalisateur avec un sens de l’humour toujours aussi bien rôdé.
Ainsi, les rôles sont ainsi inversés entre l’homme et la femme pendant tout le film. C’est elle qui sera dans un premier temps la voix de la raison puis qui va mener l’action en n’hésitant pas à braver le danger, s’aventurant dans l’appartement du suspect pour y récolter des indices. Mais c’est aussi à elle qui va devoir séduire son partenaire qui, lui, reste passif, ne faisant qu’observer les événements par la fenêtre. Mais ce n’est que l’un des codes que Hitchcock brise avec Fenêtre sur Cour.
Le film débute par un panoramique nous présentant les différents habitants de l’a cour de l’immeuble. De cette manière, il nous immerge tout de suite dans cette micro-communauté, nous laissant deviner les petites histoires de chacun et nous place alors dans la position délicate du spectateur voyeur. Ce point de vue complètement subjectif, voyeur, légèrement malsain, Hitchcock ne va pas le quitter de tout le film et va constamment jouer avec. Jamais nous ne quitterons l’appartement de Jeffries et nous allons voir tout ce qu’il voit par sa fenêtre pour ensuite recueillir sa réaction. L’identification du spectateur au héros est alors immédiate et l’enquête autour de ce probable meurtre commis par un voisin devient alors très prenante.
Encore une fois, le réalisateur maîtrise parfaitement son cadre dans l’immense décor de la cour d’immeuble construit pour l’occasion. Mais c’est aussi dans le montage du film que réside tout le suspense de Fenêtre sur Cour. Avec un point de vue unique qui pourrait lasser, Hitchcock va pourtant, dans son récit, créer une diversité de situations qui entretiennent en permanence une certaine tension. Il faut dire qu’en ne connaissant qu’une partie de la vérité, les doutes sur la culpabilité du voisin sont toujours là et pourtant le spectateur se prend lui aussi au jeu de l’espionnage, essayant d’élaborer le mobile du meurtre et voulant en savoir plus. On est d’autant lus impliqué que l’on s’attache véritablement aux personnages avec le développement subtil de l’histoire d’amour qui lie Jeffries et Lisa.
Fenêtre sur Cour est donc sans doute l’un des films d’Hitchcock les plus maîtrisés à tout point de vue. Il n’est alors pas étonnant de le voir régulièrement figurer dans les classements mais aussi servir de leçon dans les écoles tant la narration par l’image et l’entretien du suspense par le choix du point de vue sont exemplaires. Bref, du grand Hichcock qui ne vieillit pas et se révèle encore à chaque vision.