On aime bien Marjane Satrapi quand elle nous offre des petits bijoux de bande-dessinée comme “Persepolis”, “Poulet aux prunes” ou “Broderies” et quand elle publie des livres pour la jeunesse.
On aime ses peintures, exposées en ce-moment à la Galerie Jérôme de Noirmont.
On aime beaucoup les adaptations sur grand écran de ses romans graphiques, qu’elle a elle-même réalisées, sous forme de film d’animation (Persepolis) ou en prises de vue réelles (Poulet aux prunes).
Mais on doit bien avouer qu’à notre plus grande déception, on reste assez perplexes devant son nouveau film, La Bande des Jotas.
Après deux films assez contraignants en termes de réalisation et de montage, Marjane Satrapi a souhaité expérimenter un autre type de production, plus libre, plus léger. Sans budget, équipée juste d’une caméra numérique, elle a embarqué ses copains Mattias Ripa et Stéphane Roche, plus deux ou trois techniciens, dans une virée en Espagne. Pas de scénario. Pas de véritable idée directrice non plus. Juste la rencontre de deux joueurs de badminton et d’une femme mystérieuse, supposément poursuivie par des tueurs de la mafia.
Le point de départ est un problème de valise. Les deux joueurs possèdent exactement le même bagage que la femme. Même marque, même forme, même couleur… A l’aéroport, ils ont récupéré la mauvaise valise. La femme leur propose de se rencontrer pour faire l’échange et les invite à déjeuner. Là, elle leur expose de curieuses théories sur les prénoms ringards et les hommes qui épousent des femmes japonaises, avant de leur parler de ses déboires avec la mafia. Rapidement, les deux amis se retrouvent entraînés dans son sillage, et dans un combat contre des tueurs dont le prénom commence par la lettre “J” (Jota, en espagnol).
Au début, on est intrigués. Tout en s’amusant des dialogues surréalistes entre les personnages, notamment les échanges autour des “prénoms de con”, on essaie de comprendre où la cinéaste essaie de nous emmener. Est-ce une fable sur les préjugés? Une variation autour de la liberté et la manipulation?
Et puis, peu à peu, on renonce à tenter de trouver un sens à cette histoire, si tant est qu’elle en ait un. L’humour (trop) décalé du film ne parvient plus à nous arracher le moindre sourire. Les scènes, redondantes, finissent par susciter l’ennui et l’agacement, d’autant que le film n’est ni finement joué, ni brillamment réalisé…
Marjane Satrapi tente bien de glisser quelques références cinématographiques – à Sergio Leone, à la Nouvelle Vague,… – mais ses lacunes en matière de mise en scène, masquées, sur ses films précédents, par des scénarios autrement plus intéressants et un art du découpage indéniable, sont ici flagrantes.
Rien n’y fait : on finit par se désintéresser complètement de cet objet filmique sans queue ni tête.
On veut bien croire que l’équipe du film se soit amusée lors de ce tournage. Enfin, surtout la cinéaste/actrice, que l’on voit danser avec la même énergie que la petite héroïne de Persepolis… Ses deux compères sont trop peu expressifs pour que l’on puisse deviner s’ils s’éclatent ou s’ils se demandent ce qu’ils fichent là… Mais pour le spectateur lambda, en tout cas, La Bande des Jotas ne sera probablement pas une partie de plaisir.
On s’inquiète un peu d’apprendre que la cinéaste envisage sérieusement de poursuivre dans cette veine-là, et avec la même équipe, pour au moins deux autres films, Gulluoglu et Coup de boule à Hong-Kong, qui visiteront deux nouveaux pays, voire pour une série de cinq longs-métrages. Marjane Satrapi peut bien faire ce qu’elle veut, mais on ne saurait que trop lui conseiller de se remettre à la BD, après une trop longue absence, ou au moins de retrouver la poésie et la fantaisie de ses deux premiers longs-métrages, bien plus réussis que ce road-trip entre potes totalement abscons et ennuyeux.
Quitte à sortir sur grand écrans les délires expérimentaux d’auteurs de BD, autant privilégier ceux du co-réalisateur de Satrapi sur Persepolis et Poulet aux prunes, Vincent Paronnaud, alias Winshluss. Villemolle 81 est peut-être moins élégant que La Bande des Jotas, mais au moins il est drôle et sans prétention…
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La Bande des Jotas
Réalisatrice : Marjane Satrapi
Avec : Marjane Satrapi, Mattias Ripa, Stéphane Roche, Ali Mafakheri, Maria de Medeiros
Origine : France
Genre : J comme J’ai rien compris ou J’menfoutisme
Durée : 1h14
Date de sortie France : 06/02/2013
Note pour ce film : ●●○○○○
Contrepoint critique : Le Ciné de Fred
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