Retour aux sources pour Brian De Palma. Femmes, voyeurisme, perversion et surtout Passion au programme.
Alors que son Redacted était passé plutôt inaperçu en salles, Brian De Palma est aujourd’hui de retour avec sa réappropriation du Crime d’Amour d’Alain Corneau. Réappropriation car tel qu’on connait le réalisateur, il ne va pas se contenter d’un simple remake en langue anglaise, au contraire, il va apporter ici tout ce qui faisait son cinéma et ses inspirations des 70′s pour nous offrir un thriller sensuel et légèrement pervers.
Pour ceux qui ne connaissent pas l’histoire, nous faisons ici la connaissance d’Isabelle, fascinée par sa patronne Christine. Celle-ci va alors profiter de son ascendant pour la manipuler et très vite ce petit jeu vire à la séduction maladive, à la domination de l’une et l’humiliation de l’autre avant que certaines pulsions ne prennent le dessus.
Conscient des racines françaises de son histoire, De Palma ne va pas chercher à l’americaniser et cela va nous dérouter dans la première partie du film qui possède un aspect très européen, de par sa manière de filmer mais aussi par le cadre allemand où se déroule l’histoire ou même part les origines suédoises de Noomi Rapace. Ajoutez alors la composition de Pino Donaggio et vous obtenez une ambiance bien particulière, proche des débuts du réalisateur mais aussi proche des giallos italiens (ici placé dans un décor germanique froid) que du pur Hitchcock habituel. A l’image de ces derniers, cela peut parfois friser le ridicule mais c’est une limite que le réalisateur ne franchit jamais pour installer une tension qui gagne du terrain à chaque scène commune aux deux actrices, à chaque jeu de regard.
Et après une première partie qui peut parfois peiner à s’installer dans cette ambiance, le film décolle et De Palma s’exprime pleinement avec les outils qu’il adore pour installer le trouble en permanence et ouvrir les multiples tiroirs renfermant les réponses de son intrigue. Un split-screen qui sème le doute et montre le réveil de la passion mortelle, des visions subjectives qui transforment le film en rêve (ou plutôt en cauchemar pour son héroïne) pour mieux nous dérouter, des cadres qui s’orientent de plus en plus en diagonale avec des jeux d’ombre travaillés pour mieux porter les regards des actrices, … Toute la grammaire du cinéma de De Palma est ici poussée dans un flot de révélations et de tension qui ne fait que s’amplifier de manière diabolique jusqu’au sommet de sa conclusion.
Bien sûr, dans ce retour, tout n’est pas parfait et si l’intrigue que s’est offert le réalisateur lui va comme un gant, c’est moins le cas de Noomi Rapace. En effet, face à blonde Rachel McAdams et à la rousse Karoline Herfurth, la brune suédoise dégage moins de sensualité et est du coup moins crédible dans le rôle de la femme désirée, n’emportant pas alors le film vers le degré de charme recherché. Elle évolue par contre à l’aise de la femme fragile (et qui en joue) à celle qui trouve la force de se venger et cela participe alors très bien à l’histoire.
Jeu de masques, de regards et d’ombres manipulatrices, cette Passion de De Palma est donc un véritable retour à son cinéma adoré des 70′s. Si l’on aurait bien voulu plus de sensualité, tout le reste est bien en place pour un bon thriller voyeur.