Avec la sortie de Warm Bodies au cinéma et du dernier Twilight en vidéo, il est temps de se pencher sur ce que sont devenues aujourd’hui ces deux figures du fantastiques que sont les vampires et les zombies et si le passage à la moulinette pré-ados ne nuit pas à l’image de mort qu’il véhiculaient.
Depuis le Dracula de Bram Stoker et ses adaptations au cinéma de Nosferatu à la version de Coppola, le vampire est perçu sans arrêt avec une image gothique, victorienne, répondant à des codes auxquels il est impossible de ne pas se conformer (crainte de la lumière, pieu dans le cœur, …). Depuis ce temps, les versions se sont multipliées pour moderniser le mythe vampirique sans pour autant le trahir. Car le vampire est avant tout une figure hypnotique du fantastique mêlant amour éternel, mort et sexe comme damnation et libération. Quoi qu’il arrive, on ne peut y échapper même en voulant s’en éloigner. Ainsi, même des versions plus modernes comme Blade et Buffy s’y sont conformées en y ajoutant cette envie de conquérir le monde qui donne alors aux vampires un nouvel enjeu. Le mythe a longtemps perduré ainsi au cinéma, avec les parodies et les variantes romantiques, horrifiques et films d’action qui allaient avec en respectant ces faits.
Mais aujourd’hui, même quand True Blood cartonne avec ses vampires sudistes assoiffés de sexe, lorsque nous allons parler de vampires à une nouvelle génération, c’est Twilight qui viendra à l’esprit. Hors la saga pour pré-ados ne s’intéresse qu’au pan romantique de la figure vampirique, à l’amour éternel qu’il peut représenter, oubliant alors ce qui le rend hypnotique : il s’agit d’un amour dans la mort, par une morsure représentant au départ l’acte sexuel. En expurgeant les romans et donc les films de cet aspect, il en ressort alors quelque chose de romantique mais de totalement inoffensif, loin de ce qui fait l’identité et la menace du vampire. Plus qu’un simple vampire qui brille au soleil au lieu de disparaitre, Meyer a donc dépourvu le vampire de ce qui faisait son attrait hypnotique pour livrer un message totalement inversé et qui pourrait avoir des conséquences sur d’autres figures horrifiques comme les zombies.
Si les morts-vivants font partie des mythes depuis des lustres, c’est surtout depuis le cultissime la Nuit des morts-vivants de Romero à la fin des années 60 qu’ils sont devenus une figure phare du cinéma d’horreur. Avec le succès du film, le réalisateur va très vite leur donner une portée plus contestataire dans Zombie (où les morts-vivants envahissent un centre commercial). Les cadavres en marche deviennent alors le symbole de la consommation de masse contre laquelle l’humanité doit se battre. Le milieu underground s’en empare de cette figure qui rejoint parfois la mouvance cannibale dans les années 80 avec la sortie de Cannibal Holocaust. Mais le phénomène ne prend finalement pas tant que ça et le zombie reste cantonné aux rayons gores des vidéo-clubs avec quelques rares percées (Evil Dead), loin du grand public.
Il faudra attendre l’aube des années 2000 et la peur d’un nouveau millénaire, d’une crise économique et de la menace terroriste pour le voir ressortir de terre et c’est Danny Boyle qui inaugure la voie avec 28 jours plus tard. Techniquement, il ne s’agit pas de zombies mais d’infectés mais le réalisateur empreinte tout de même quelques codes de Romero pour nous faire croire aux zombies. Le film fonctionne sans oublier la portée politique faisant de l’humain une espèce pire que le zombie. Suivit de près par le premier volet de Resident Evil et l’Armée des Morts de Zack Snyder (remake explosif de Zombie), les morts-vivants commencent à refaire leur trou dans le cinéma d’horreur. Le zombie sert alors surtout à montrer l’homme face à sa véritable nature, ce que finalement peu de gens vont comprendre. Car si 28 semaines plus tard va se révéler encore plus virulant que son prédécesseur, les production américaines vont vite faire des zombies une simple menace. Infecté comme dans Resident Evil, possédé par le démon comme dans [REC], peu à peu le zombie perd de sa puissance politique à mesure que son succès s’étend. Ainsi Je suis une Légende va être le premier véritable blockbuster à base d’infectés proches des zombies (alors qu’il s’agit de vampires dans le roman d’origine) et déjà, si ils servent d’oppression pour le héros, ils perdent de leur force politique. Après cela, hormis quelques rares pépites (Pontypool), le zombie ne fait plus vraiment de résistance, servant juste de décor et de chair à canon pour des hommes qui n’ont plus grand chose à craindre.
Après avoir été maintes fois parodié (de belle manière dans Shaun of the Dead et d’autres fois de manière plus anecdotique comme dans Zombieland) et tué, le zombie n’est plus une menace. Il ne manquait donc plus qu’à en tomber amoureux et montrer que l’on peut surmonter la mort comme dans Warm Bodies dans lequel la portée politique du zombie et la nature humaine sont complètement à des lieues du message originel de Romero. Faut-il compter alors sur World War Z ? Pas sûr tant les zombies y ressemblent à une masse informe de CGI. Alors peut-être leur salut réside-t-il dorénavant à la télévision où Walking Dead cartonne en revenant aux source du genre : la survie et la menace prépondérante de l’homme. Robert Kirkman serait-il donc le seul héritier de Roméro et le seul espoir de voir les morts-vivants tels qu’ils sont ? Et si il s’attaquait aux vampires, pourrait-il en refaire une véritable menace ?