Critique Cinéma : The Weight

Par Nivrae @nivrae

The Weight est un film de Kyu-hwan Jeon.

Synopsis Né bossu et élevé dans un orphelinat, Jung travaille dans une morgue. Il lave et habille les morts pour leurs funérailles. Autour de lui gravitent la femme de ménage, dont il repousse les avances et son frère d’adoption, qui ne supporte pas son corps et veut changer de sexe.

Casting : Jo Jae-Hyeon, Ji-a Park, Dong-hwan Yoon, Sung-min Kim

The Weight est le cinquième film du coréen Jeon Kyu-hwan, arrivé tard au cinéma en autodidacte (son premier film, Mozart Town, date de 2008, il avait alors 43 ans).

Le cœur du film est l’histoire tragique de Jung, un bossu travaillant et vivant dans une morgue loin du monde extérieur et de Zia, son frère d’adoption, qui a toujours voulu être une femme et rêve de pouvoir se payer l’opération qui le transformera enfin complètement. Nettoyant et apprêtant les cadavres, Jung vit une existence recluse. Les corps et la femme de ménage sont la seule compagnie de ses journées, parfois interrompues par des visites de son frère qui trouve en lui la compassion et l’amour.

Sur une bande sonore axée classique (Mendelssohn, Schubert, Bach,…), le film déroule une image qui semble parfois usée, blanchie, toujours à propos. La morgue est glaciale, l’image en fait ressentir le froid, l’étrangeté des corps allongés sur les tables et l’angoisse de ce lieu qui paraît souterrain, comme une grotte dont Jung refuse d’émerger. Il y possède ses marques, elle est son domaine. Les cadavres sont ses compagnons, ses sujets quand s’adonne à sa seule autre occupation, la peinture.

Très dur, très sombre, se concentrant sur le rapport au corps des autres et à leur propre corps qu’entretiennent les personnages, The Weight parvient cependant à ne pas en faire trop et à rendre crédible le malheur frappant ses personnages. Si la figure du bossu généreux et aimant est une caricature du poids (weight) de la vie que porte chacun de nous, ce bossu lui-même n’est pas caricatural. Il n’est pas question d’un Quasimodo cachant son visage aux yeux de la foule. Ce bossu, magnifiquement interprété par Cho Jae-hyun, est loin d’être laid malgré sa difformité et finalement bien plus en accord avec lui-même que son frère qui se sent femme et dont la haine pour son propre corps d’homme est viscérale. Jung est celui qui le comprend alors que leur mère le rejette, il a naturellement une plus forte conscience que les autres de ce qu’est un corps qui ne correspond pas. Au milieu d’un monde de rejet où l’humain n’est qu’un animal que l’on écrase sans s’en rendre compte, il est paradoxalement le moins monstrueux de tous, le plus aimant.

Chaque personnage est névrosé, le bossu, son frère, sa mère, la femme de ménage, chacun a ses peurs, une vie. Même les deux infirmiers n’ont de secondaires que le nom. Cette profondeur fait de The Weight un film qui ne lâche pas son spectateur. A aucun moment il ne pourra se relaxer sur son siège, aucune des scènes, si grotesques soient-elles parfois, ne lui laissera de répit. Jusqu’au dénouement.

Si le film comporte beaucoup de nudité et de sexe, surtout en première partie, il échappe à la vulgarité gratuite, ne faisant qu’évoquer une perversion présente partout comme une maladie gangrenant la société et ses personnages.

Cet aspect grotesque parfois présent le dispute à la poésie, que Jeon Kyu-hwan introduit de deux façons. Subtilement par petites touches dans son montage, sa façon de filmer ses personnages et également dans de grandes scènes dans la morgue où c’est la vie intérieure de Jung qui s’anime. Si le champ de fleurs final n’est pas nécessaire, c’est finalement la poésie qui l’emporte, nous offrant un film triste et beau, accompagné d’une image et d’une musique superbes.

Note : 9/10, Un film dur mais plein de poésie. Tout y est, musique, image, acteurs, histoire, montage, aucun faux pas, excepté peut-être le sexe un peu trop présent.