Dans le bureau d’Anaïs Carpita

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Rien ne nous en apprend plus sur un auteur que d’examiner le lieu où il travaille. Si quelques scénaristes se vantent de pouvoir écrire n’importe où, la plupart d’entre eux ont besoin de se réfugier dans un lieu dédié. C’est dans ce sanctuaire qu’ils passent de longues heures solitaires à créer leurs histoires, coupés du reste du monde. Je vous propose de découvrir, à travers cette nouvelle rubrique, les bureaux de quelques scénaristes français(e), mais aussi leurs méthodes, leurs routines d’écriture…

Pour cette nouvelle édition, c’est ma consoeur Anaïs Carpita qui nous ouvre la porte de son bureau…

Formée au département scénario de la Fémis, il n’aura pas fallu longtemps à Anaïs Carpita pour débuter une carrière de scénariste. Elle a notamment participé à l’écriture du film Mariage à Mendoza d’Edouard Deluc et de la série télévisée La vitesse de l’amour . Elle a plein de projets alléchants sur le feu…

Depuis combien de temps travaillez-vous comme scénariste ?

J’ai été diplômée de mon école, en 2010. Mon 1er contrat d’auteur date de janvier 2011, et je vis de mon métier depuis. Je me considère donc comme scénariste depuis un peu plus de deux ans. Et même si c’est un métier très dur, incertain… c’est génial : j’ai envie d’écrire des histoires pour tous les écrans durant toute ma vie !

Travaillez-vous dans un coin de votre habitation ou dans une pièce dédiée ?

J’adorerais avoir une pièce juste pour bosser, mais je dois me contenter d’un coin-bureau dans la chambre.

Pouvez-vous décrire ce bureau ?

C’est un bureau à l’allure vieillotte mais en vrai, il provient d’Ikéa. J’ai aussi un siège de bureau confortable laminé par mon chat. A gauche, une fenêtre. Si je me penche un peu, je peux voir des petits jardins et une cour arborée…

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Avez-vous choisi un espace neutre ou êtes-vous au contraire entourée d’objets et souvenirs ?

C’est assez neutre, mais il y a quelques objets qui comptent : comme mon chapeau acheté à Venise qui me rappelle l’été ; le pot à crayons Diddl offert par ma petite sœur ; l’autocollant du CNES donné par une co-auteure pour son film (où il y sera question d’espace, entre autres) ; ou la « pancarte » plastifiée avec le nom de Dustin Hoffman, qui s’est assis dessus au théâtre du Châtelet lors des Césars 2009, et que j’ai piqué sitôt la cérémonie finie – parce que le film Hook a bercé mon enfance !

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Etes-vous capable de travailler hors de cette « tanière » ?

Je vais très souvent travailler chez mes co-auteurs. Chez la co-auteure avec laquelle j’écris le plus, j’ai même une paire de pantoufles chez elle – et vice-versa !

Travaillez-vous parfois dans des lieux publics ?

Je réserve les cafés pour des rencontres professionnelles, mais pas pour de vraies séances de travail.

Etes-vous satisfaite de votre bureau et/ou l’organisation de vos journées de travail. Si la réponse est non, qu’aimeriez-vous pouvoir changer?

L’idéal serait d’avoir une pièce dédiée au boulot… mais il va falloir continuer à travailler dur pour y arriver !… Concernant l’organisation de mon temps de travail, depuis que j’ai arrêté de faire des fiches de lecture et que je ne fais qu’écrire, j’ai souvent mes week-ends et la majorité de mes soirées de libres : je m’en sors donc plutôt bien !

Préférez-vous travailler seule ou avec un co-auteur ?

Je suis accroc aux co-écritures ! Et j’ai la chance de faire partie de deux collectifs d’auteurs :

Les Indélébiles: nous sommes treize scénaristes (parfois aussi réalisateurs) et tous les quinze jours, on se réunit pour se faire des retours sur les projets les uns les autres. C’est génial de s’entraider ainsi, et de voir chacun « grandir » peu à peu, évoluer dans le métier… On reçoit aussi régulièrement un invité professionnel pour qu’il nous parle de son parcours.

Le deuxième collectif dont je fais partie, La Mafia Princesse, est composé de cinq scénaristes : Déborah Hassoun (qui nous a toutes réunies), Dorothée Lachaud, Charlotte Sanson, Alice Vial, et moi-même. Que des filles ! Ensemble, on écrit des bibles de séries comédies, avec un regard féminin sur la société. On fonctionne en atelier d’écriture, et ça marche du tonnerre ! On a deux séries optionnées ensemble, on espère très fort qu’un de nos projets au moins voit le jour…

Etes-vous plutôt Mac ou PC ?

PC. Mais une co-auteure (qui se reconnaîtra), a prédit qu’à la crise de la quarantaine, je passerai à la réalisation, et au Mac. Rendez-vous dans 10 ans pour voir si elle avait raison !

Utilisez-vous un logiciel d’écriture ? Si oui lequel ?

La plupart du temps, c’est Word, car on est sûr que tout le monde l’a. Un co-auteur m’a converti il y a un an à Final Draft. Je maîtrise très mal, mais c’est vrai que c’est bien pratique. Maintenant, je l’utilise systématiquement si mon co-auteur l’a aussi, dès lors qu’on arrive au dialogué.

Travaillez-vous à horaires fixes ?

J’essaye de me caler le plus possible sur des horaires « de bureau », histoire de profiter au maximum des soirées et week-ends !

Combien de temps de travail en moyenne par jour ?

Je dirais entre six et huit heures, du lundi au vendredi, en période « calme ». En cas de deadlines qui s’enchaînent (comme ça a été le cas en ce début d’année), y a de nombreuses heures sup’ les soirs et week-ends… Mais sauf en cas d’urgence absolue, je me réserve toujours une ou deux journées sans bosser par semaine.

Jusqu’à combien de pages utiles pouvez-vous écrire par jour ?

Quand on co-écrit tout le temps, on passe souvent plus de temps à brainstormer qu’à écrire !… Mais quand j’écris du dialogué (seule ou à quatre mains), cela dépend des moments : entre 3 à 10 pages utiles par jour, je dirais.

Avez-vous besoin de faire des pauses à heure fixe ?

A l’heure des repas.

Travaillez-vous dans le silence total ? En musique ?

J’aime bien travailler en musique quand je suis toute seule : Radio Nova ou alors, une découverte récente que je conseille aux scénaristes : Radio Meuh, car pas de pub, pas d’infos… que de la (bonne) musique !

Avez-vous un ou des compagnon(s) d’écriture à quatre pattes ?

J’ai un chat, Sookie – du nom de l’héroïne de True Blood, la série d’Alan Ball. Dès que je me lève, elle s’allonge sur mon siège de bureau ou sur mon clavier d’ordinateur. Et quand je travaille, elle miaule pour jouer ou manger, en me mordant les pantoufles. Un vrai chat de scénariste ! (sur la photo, elle était encore petite et ne prenait pas trop de place sur mon clavier).

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Vous coupez-vous du reste du monde ou restez-vous connectée à votre entourage (mail, téléphone, Twitter, Facebook…) ?

En allumant mon ordi, j’allume systématiquement trois fenêtres : une pour ma boîte mail, une pour Facebook, et une pour Twitter !… Mais je filtre mes appels – sans doute pour me donner bonne conscience.

Avez-vous des rituels d’écriture ?

Quand je commence un nouveau projet, je calibre le document Word correspondant : police Palatino Linotype, taille 12, et je le classe dans un dossier dédié… moui j’avoue, je suis un tantinet maniaque !…

Utilisez-vous une méthode particulière (tableau, fiches, cahier…) ?

Pas vraiment. Mais cela m’est déjà arrivé avec une co-auteur d’utiliser des post-it pour transformer une bible de 8×52’ en synopsis d’unitaire 90’… en 48h. C’était sportif, y avait des post-its colorés de partout, et en plus, ça ne s’est même pas fait !

Comment trouvez-vous l’inspiration ? Musique, photos, films ?

En étant attentive à ce qu’il se passe autour de moi. Je me dis qu’un scénariste, il « pique » des idées partout, tout le temps !

Avez-vous besoin de « carburants » (thé, café, tabac, nourriture…) ?

Vers 16h/17h, la co-auteure qui me connaît le mieux dégaine chocolat noir et thé vert pour que je reste productive.

A quel moment et dans quel lieu pratiquez-vous le mieux le brainstorming ?

En journée, sur mon canapé, ou sur celui de mes co-auteurs… et non, il n’y aucun sous-entendu graveleux dans cette phrase !

Prenez-vous beaucoup de notes ? Comment les organisez-vous (carnet, notes volantes, logiciel…) ?

J’ai toujours un petit carnet sur moi (on ne sait jamais, et ça sert toujours pour les rencontres pros et les rdv prod). Mais pour noter les idées, je n’aime pas les notes manuscrites : je mets ça sur un doc Word, que je classe de temps en temps.

Etes-vous sujette à la procrastination ?

Oui. Surtout avec les co-auteurs : ça part vite en potins sur qui co-écrit, avec qui, pour quel prod, etc… Du vrai gossip de scénariste : j’adore.

Avez-vous déjà été frappée par le writer’s block ? Si oui, quelle est votre recette pour en sortir ?

Ne pas hésiter à solliciter son co-auteur si vraiment ça bloque (d’où l’avantage de ne jamais écrire tout seul). Au début, je paniquais mais maintenant, moins : quand je bloque, c’est que quelque chose ne va pas dans le concept, les personnages… et qu’il faut revenir en amont pour régler ça !

 Quand vous prenez des vacances, vous coupez-vous totalement de votre travail ?

Pour les « petites » vacances (Noël, etc…) je travaille si nécessaire. Par contre, je ne sais pas si c’est mon côté fille de profs, mais durant l’été, il me faut au moins trois semaines (l’idéal étant un mois entier) sans rien faire. Mais alors, rien de rien : je n’écris pas une seule ligne, je ne pense pas une seule seconde à mes projets… et ce, sans aucune culpabilité. Et je reviens à la rentrée, avec les batteries rechargées à bloc !

Qu’aimez-vous faire quand vous ne travaillez pas ?

J’essaye de voir aussi des gens qui ne bossent pas dans l’audiovisuel, histoire de parler d’autre chose !… Je vais au ciné, je suis plusieurs séries en même temps… Et j’ai la chance de pouvoir partir relativement souvent en vacances ou en week-ends.

Avez-vous un ouvrage culte traitant de l’écriture ?

Pas vraiment, même si une co-auteure cite souvent L’anatomie du scénario, de Truby. Je l’ai acheté, mais je n’arrive pas du tout à me plonger dedans… Mais grâce à la FPC – la Formation Professionnelle Continue, obtenue grâce à l’acharnement de la Guilde Française des Scénaristes – je pourrai bientôt bénéficier du séminaire de Truby. Je sais que je comprends et retiens bien mieux quand j’écoute, que quand je lis !…

Qui est votre scénariste fétiche ?

S’il ne devait y en avoir qu’un, ce serait Michael Arndt (aucune idée de comment ça se prononce), qui a écrit Little Miss Sunshine et Toy Story 3. Dans ces feux films, il y a tout ce que j’adore au cinéma : de l’aventure, de l’ailleurs, des personnages ultra-attachants, et le traitement d’une comédie hyper-touchante… avec les petites larmes au coin de l’œil quand il faut !

Quelle est votre actu ?

En début d’année, j’ai été élue au Conseil de la Guilde Française des Scénaristes. Cela prend pas mal de temps entre les réunions et les dossiers dont je m’occupe (là encore, jamais toute seule), mais c’est passionnant, j’ai déjà appris beaucoup ! Et il faut se fédérer pour faire bouger les choses !

Sinon, pour mon actu perso : côté cinéma, mon scénario de fin d’études, une comédie que j’ai réécrite avec le réalisateur Sören Prévost pour JE Films, est en recherche de financements. Je réécris également avec Marie-Sophie Chambon son premier film, 100 kilos d’étoiles, produit par Nord-Ouest.

Côté TV, avec Marie-Sophie et Sabrina Karine, nous retravaillons notre projet de série pour ados Les Grands (12X26’) qui vient d’obtenir la Bourse de le Fondation Beaumarchais et l’aide au concept au Fond d’aide à l’Innovation (CNC). Les deux bibles de série comédie écrites au sein de la Mafia Princesse (voir plus haut), sont en lecture en chaînes : Cousines (12X26’, qui a obtenu l’Aide à l’écriture au Fond d’Aide à l’Innovation du CNC), et Manhattan Club (6X52’).

Et j’ai encore plein d’autres choses en tête, dans les tiroirs… ou en attente de réponse pour des aides diverses et variées !…

Ouvrage cité dans cet article:

Rendez-vous dans quinze jours pour visiter un nouveau bureau d’auteur…

Copyright©Nathalie Lenoir 2013


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