Dans le bureau d’Armelle Robert

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Rien ne nous en apprend plus sur un auteur que d’examiner le lieu où il travaille. Si quelques scénaristes se vantent de pouvoir écrire n’importe où, la plupart d’entre eux ont besoin de se réfugier dans un lieu dédié. C’est dans ce sanctuaire qu’ils passent de longues heures solitaires à créer leurs histoires, coupés du reste du monde. Je vous propose de découvrir, à travers cette nouvelle rubrique, les bureaux de quelques scénaristes français(e), mais aussi leurs méthodes, leurs routines d’écriture…

Pour cette nouvelle édition, c’est ma consoeur Armelle Robert qui nous ouvre la porte de son bureau…

Armelle Robert a prêté sa plume à de nombreuses fictions télévisées comme Julie Lescaut, Sous le soleil, La Crim’, Le Grand Patron, PJ, RIS… Elle est membre de la Guilde Française des Scénaristes.

Depuis combien de temps travaillez-vous comme scénariste ?

Je gagne ma vie (plus ou moins bien) en tant que scénariste depuis une quinzaine d’années.

Travaillez-vous dans un coin de votre habitation ou dans une pièce dédiée ?

Compte tenu de la taille de mon appartement, je n’ai pas de pièce dédiée mais un coin- bureau dans le salon. Ce qui me va finalement assez bien. La cuisine est juste à côté, je peux me faire thé et café en moins de 2 minutes chrono, trajet compris.

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Pouvez-vous décrire ce bureau ?

Des étagères qui explosent de livres et de dossiers (en attente de rangement),  j’ai commencé à faire des piles par terre qui ressemblent de plus en plus à des tours, un Matisse très aérien au-dessus de mon bureau, une cheminée sur ma droite, une fenêtre sur ma gauche, des plantes, essentiellement des orchidées… Un coin assez cosy et engageant pour travailler.

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Mon bureau (offert par mes amis et ma famille) est envahi de choses diverses et variées. Ordinateur évidemment, un portable, avec un clavier supplémentaire suite à une chute brutale de café sur le clavier original, papiers de travail , cahiers, Post-it, photos, livres, courrier, factures, Doliprane, DVD, bougie, mug de thé … A lire comme ça, ça peut faire un peu désordre mais je m’y retrouve parfaitement. Jusqu’au jour où ça m’angoisse. Là, je fais un grand ménage.

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Et quand un coauteur vient travailler chez moi, je me déplace de 50 cm et on investit le coin salon, canapé, table basse.

Etes-vous capable de travailler hors de cette « tanière » ?

Oui et non. Ça dépend du projet, de son état d’avancement. Par exemple en ce moment, je n’aime pas trop écrire les dialogues ailleurs qu’ici. Comme s’ils étaient meilleurs écrits sur ce bureau plutôt que sur un autre !  C’est du grand n’importe quoi, ça doit être une de mes névroses. Sinon, je m’acclimate très bien aux tanières de mes coauteurs.

Travaillez-vous parfois dans des lieux publics ?

Là, j’ai un peu de mal car j’écoute aux portes. J’adore écouter les conversations des gens, m’imaginer leur vie, me demander où ils travaillent, qui ils sont, suivre leur discussion. C’est à une terrasse de café que j’ai entendu ma plus belle « Brève de comptoir« :

Lui: Alors, ça lui a plu à Philippe son voyage à Auschwitz ?

Elle, dans un grand sourire: Oh, il est revenu EN-CHAN-TÉ ! Il a adoré !

Quand vous êtes à la table à côté, comment voulez-vous vous concentrer sur un séquencier après ça !

Etes-vous satisfaite de votre bureau et/ou l’organisation de vos journées de travail. Si la réponse est non, qu’aimeriez-vous pouvoir changer?

Je suis énervée de mon bureau mal rangé, envahi de tout et de rien, choses que je ne me résous pas à jeter ou changer de place. Quant aux journées de travail, peu importe l’organisation à mes yeux, ce qui compte c’est l’inspiration, la productivité, l’efficacité. Il y a des jours avec et des jours sans. Autant vous dire que les jours « avec » aident considérablement à être satisfaite de tout.  Même d’un bureau « capharnaümesque » .

Préférez-vous travailler seule ou avec un co-auteur ?

J’ai toujours travaillé avec des coauteurs jusqu’il y a peu où j’écris une collection seule. Les coauteurs, c’est sympa. Attention pléonasme: on n’est pas seule, et c’est déjà énorme. On rebondit, on se pose plus vite les bonnes questions, on se booste, on fait une petite pause pour papoter, on se remet au travail, on partage, on avance !

Etes-vous plutôt Mac ou PC ?

Je n’ai jamais eu que des Mac. Le PC m’est antipathique, avec tous ses virus et ses plantages. Moi je veux quelque chose de simple, qui marche tout de suite, qui soit ultra intuitif et qui ne me demande pas des compétences d’informaticiennes. Donc, résolument Mac.

Utilisez-vous un logiciel d’écriture ? Si oui lequel ?

Word. Je n’en ai jamais utilisé d’autres à vrai dire, ça ne s’est pas présenté.

Travaillez-vous à horaires fixes ?

Oui à peu près. Entre 8h30 et 18h00. Avec des pauses plus ou moins longues. Parfois très longues. Il y a même des jours où on peut dire que je travaille un peu pendant ma journée de pause. Et des jours qui continuent jusqu’à la nuit parce que je sens que c’est le bon moment ou parce qu’il faut rendre le texte le lendemain matin. Et puis même pendant les pauses, on continue toujours à réfléchir à une séquence bancale, une structure qui ne va pas, un personnage, une idée…

Combien de temps de travail en moyenne par jour ?

Ça varie… on va dire de 3  à 7 heures, à la louche.

Jusqu’à combien de pages utiles pouvez-vous écrire par jour?

Là encore, c’est variable, selon l’inspiration, le projet, les délais. Certains jours je n’en écrirai que trois et d’autres jours, ça sera 10 ou 12.

Avez-vous besoin de faire des pauses à heure fixe ?

Des pauses, oui, comme j’ai dit plus haut. A heure fixe, non.

Travaillez-vous dans le silence total ? En musique ?

Sans musique. C’est comme pour les gens dans les cafés, la musique me donne envie de vraiment l’écouter et ça me déconcentre.

Avez-vous un ou des compagnon(s) d’écriture à quatre pattes ?

J’ai un chat, adopté à la SPA qui a un an et demi. Il me tient compagnie, vient régulièrement marcher sur mon clavier et de ce fait, écrit aussi.

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Vous coupez-vous du reste du monde ou restez-vous connectée à votre entourage (mail, téléphone, Twitter, Facebook…) ?

Le téléphone est toujours branché, ne serait-ce qu’au cas où mes enfants aient besoin de me joindre.  Et aussi au cas où les meilleurs producteurs de Paris aient une envie folle de me contacter.

Facebook, c’est par phase. En ce moment je l’ouvre systématiquement le matin pour toute la journée, mais je peux aussi passer des semaines sans y aller.

Avez-vous des rituels d’écriture ?

Oui, je fais sept fois le tour de mon bureau, entièrement nue, badigeonnée de peinture orange, en dansant la Lambada et en hurlant à tue-tête.

A part celui-là, je n’en ai aucun.

Utilisez-vous une méthode particulière (tableau, fiches, cahier…) ?

Des cahiers et encore des cahiers, couverts de notes, d’idées, d’infos. Un tableau aussi pour l’étape du séquencier avec des fiches faciles à bouger et re-bouger continuellement.

Comment trouvez-vous l’inspiration ? Musique, photos, films ?

Comme tous les auteurs je pense, je trouve l’inspiration absolument partout. Musique, films, journaux, livres, internet, des gens dans la rue, une discussion avec des amis, un visage particulier, une odeur qui me rappelle quelque chose, des histoires de famille, une ambiance …

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Avez-vous besoin de « carburants » (thé, café, tabac, nourriture…) ?

Voilà, tout est dit: thé, café, tabac, nourriture ! Je n’achète plus de tablettes de chocolat, ni de Nutella, ce qui est déjà un progrès immense dans ma lutte contre l’addiction.

A quel moment et dans quel lieu pratiquez-vous le mieux le brainstorming ?

Si je suis seule, c’est n’importe quand, à mon bureau. S’il s’agit d’un atelier ou d’un travail avec un coauteur, c’est n’importe où et n’importe quand aussi. Et ça peut se passer à la production, chez mon/ma coauteur(e), au restau…

Prenez-vous beaucoup de notes ? Comment les organisez-vous (carnet, notes volantes, logiciel…) ?

Je prends effectivement beaucoup de notes, sur mes cahiers ou sur mon ordi. Elles ne sont pas spécialement organisées mais je m’y retrouve.

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Etes-vous sujette à la procrastination ?

Pas tant que ça finalement. En tout cas en ce qui concerne le travail. Pour le rangement en revanche, c’est autre chose.

Avez-vous déjà été frappée par le writer’s block ? Si oui, quelle est votre recette pour en sortir ?

Avant, je restai vissée à mon bureau, sûre que plus j’allais y réfléchir, plus ça allait venir. Et ça ne venait pas, j’étais mal.

Maintenant, l’expérience aidant, je sors, je bouge, j’oublie totalement mon travail et j’essaie de positiver en me disant que mon inconscient travaille tout seul et qu’il va bien m’aider à accoucher de quelque chose. Et le pire, c’est que neuf fois sur dix, ça marche !

Quand vous prenez des vacances, vous coupez-vous totalement de votre travail ?

Non bien sûr. Aucun scénariste ne se coupe totalement de son travail. Les idées continuent à venir, de nouvelles apparaissent, on est toujours tenté de les noter vite fait sur un petit carnet. Et c’est bien !

Et puis à vrai dire, je ne me rappelle pas de vacances où je n’ai pas emporté mon ordi avec moi car j’avais du travail à rendre.

Qu’aimez-vous faire quand vous ne travaillez pas?

J’aime lire, aller au cinéma, regarder des séries TV, retrouver des copains-copines, traîner aux terrasses de café pour écouter la vie des gens, parfois dormir, sortir avec mes enfants, discuter avec eux …

Avez-vous un ouvrage culte traitant de l’écriture ?

Je les ai tous ! Je suis régulièrement en train de lire et relire chaque bouquin. Et je ne pars jamais en vacances sans en apporter deux ou trois. Que peut-être je n’ouvrirai pas. Mais je sais qu’ils sont là, ça me rassure. Si ça, c’est pas de la bonne  grosse névrose !

Qui est votre scénariste fétiche ?

Woody Allen est mon chouchou sur sa période Manhattan, Hannah et ses sœurs etc. J’aime aussi Bacri-Jaoui. Cuisine et dépendances, au théâtre et au cinéma, m’avaient marquée. Et puis Matthew Weiner pour Mad Men évidemment, Denis Leary et Peter Tolan pour Rescue Me, Vince Gilligan pour Breaking Bad, Maïwenn et Emmanuelle Bercot pour Polisse … Et tout récemment, Magaly Richard-Serrano pour un film qui va bientôt être diffusé et qui s’appelle Crapuleuses. Un film vraiment réussi sur les gangs de filles, entre tendresse et violence, humour et drame, une histoire particulièrement bien écrite.

Quelle est votre actu ?

 Je suis actuellement sur une séries 52′, Les Limiers créée par Franck Philippon. Une autre série Pizza à emporter qui a été optionnée suite à la séance de pitchs de La Rochelle. Un projet personnel qui vient d’être optionné par une autre production. Et enfin un film en développement.

Références :

Rendez-vous dans quinze jours pour visiter un nouveau bureau d’auteur…

Copyright©Nathalie Lenoir 2013


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